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Analyse filmique Un héros très discret de Jacques Audiard

Publié le 29/08/2023

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« Analyse filmique Un héros très discret de Jacques Audiard En guise d’intro Un Héros Très Discret est le deuxième long métrage de Jacques Audiard sorti en 1996, trois ans après Regarde Les Hommes Tomber, il est la transposition du roman éponyme de Jean-François Deniau. Fiche technique : Le film se passe à la fin des années 44 et dans les tous premiers mois de 45 alors que la France est presque entièrement libérée.

Je ne vous raconte pas l’histoire, je préfère vous la laisser découvrir et en discuter avec vous après.

Mais j’aimerais vous parler de la structure du film très particulière.

Le film s’ouvre sur un gros plan de Jean Louis Trintignant, face caméra qui va se lancer dans le récit de la vie d’un homme.

Le spectateur que nous sommes ne sait rien de l’identité de celui dont la vie est racontée.

La séquence est suffisamment longue pour déstabiliser le spectateur et se demander s’il n’est pas en train de visionner un documentaire.

Mais l’histoire racontée s’identifie pourtant à une fiction, alors documentaire, fiction ? Docu-fiction ? Ce qui accrédite cette impression du début est que Audiard va naviguer sans cesse dans son film d’une époque à une autre, comme bon lui semble, le tout émaillé de témoins qui, à l’instar de Trintignant au début du film, apportent des témoignages « historiques » sur le héros du récit commencé en début de film. Or cette structure sera celle aussi des films d’Audiard qui vont suivre : sur mes lèvres, de battre mon cœur s’est arrêté, un Prophète, etc.

Alors certes, il ne s’agit pas dans ces films que je viens de citer de reproduire le flottement entre fiction et documentaire, mais de parler, de décrire une manière de filmer qui est celle de J.

Audiard. L’époque : A partir de la mise en scène et d'un personnage peutêtre imaginaire, un tartuffe trop idéal, entouré de témoins fictifs dissertant sur ce héros fictif, Jacques Audiard installe son film dans le faux.

Même ancré rigoureusement dans l'année 45, Un Héros très discret donne l'impression d'être une fausse reconstruction, ou plutôt une reconstitution en abyme.

Un faux film d'époque, un film palimpseste, dont il suffirait de gratter le vernis pour voir apparaître tout autre chose.

Le film de Jacques Audiard a une valeur d'interprétation très forte.

Celle d'une génération, à laquelle appartient le réalisateur, pour qui le sens des mots Résistance et collaboration s'est complexifié au fur et à mesure des ans, au point de contredire la signification qu'ils pouvaient posséder dans le dictionnaire et dans les manuels d'histoire.

Personnage fasciné par la fiction, Dehousse tombe à pic dans une époque où le mot d'ordre semble être désormais de remplacer la réalité par la fiction.

L'époque réclame un Don Quichotte.

Un illuminé véhiculant une image magnifiée et fantasmée de la Résistance est à ce moment-là aussi indispensable qu'un vieillard amoureux de romans de chevalerie. La musique aussi est intéressante dans ce film.

Elle est l’œuvre de Alexandre Desplat qui a été récemment primé pour The Grand Budapest Hôtel.

Elle crée une ambiance assez froide et très distanciée. Le film a eu de nombreuses récompenses : prix du meilleur scénario au festival de Cannes en 1996 Prix du meilleur scénario au festival de Berlin en 1996 Epi d’argent à la semaine internationale du film de Valladolid toujours en 96. Pistes de discussion Ce n’est pas un débat sur la résistance et la collaboration : Albert Dehousse est un adolescent plutôt en dessous de la moyenne, pas très intelligent, pas débile non plus.

Albert Dehousse est simplement bête.

Bête au sens où l'entendait Flaubert, c'est-à-dire embourbé dans un amas d'idées reçues, cherchant naïvement les réponses à ses questions dans le dictionnaire, persuadé que le Grand Larousse livre un reflet exact et pertinent du monde.

Que se passe-t-il alors quand ce personnage est confronté à la débâcle de 40, puis à l'Occupation, et enfin à la Libération ? Rien, strictement rien.

Albert Dehousse est une ombre fureteuse qui regarde la lune et les étoiles alors que l'histoire se déroule sous ses yeux, à ses pieds. Pas lâche, encore moins héros, Albert Dehousse reste à l'écart du combat, sans doute parce qu'il est incapable d'en saisir les enjeux. Albert Dehousse, un type sans envergure, mais doté d’une grande mémoire, d’un sens de la persuasion et d’une féroce envie de devenir quelqu’un.

C’est l’histoire d’un type qui du jour au lendemain, en s’inventant un passé de Résistant, en devenant soudain un « héros de la Résistance », parvient à bluffer tout le monde, devient très important et monte peu à peu les échelons, jusqu’à se brûler les ailes.

Un individu peu remarquable, mais remarqué. Cinéma et littérature Dehousse est un personnage à la Flaubert, il est le rejeton de Bouvard et Pécuchet et de madame Bovary, recopiant inlassablement à l'instar des deux premiers des romans pour mieux séduire les filles, rêvant inlassablement depuis sa campagne natale à une vie aventureuse où sa médiocrité ne viendrait plus mettre un frein brutal à ses rêves d'adolescent, comme Mme Bovary.

Le miracle est qu'un personnage pareil arrive à s'en sortir en débarquant à Paris les mains dans les poches et soit capable de gravir les marches de l'échelle sociale les unes après les autres au lieu de végéter dans une cave. L’époque de flottement de la fin de la guerre L'époque joue en faveur de Dehousse et elle ne dure que quelques mois.

Ces quelques mois juste après la Libération, lorsque, après avoir été défaite en 40, la France réussit, grâce à De Gaulle, le tour de passe-passe de s'asseoir à la table des vainqueurs.

Très lucide devant ses prouesses et grâce à l'appui relatif de ceux qui suivent désormais la bannière de la France libre, De Gaulle avait déclaré à la Libération : "J'attendais les Français des églises, j'ai vu arriver les Français des synagogues." A une réalité objective (une France défaite, dans sa majorité passive ou collaborationniste), De Gaulle a su substituer l'image mythique d'une France résistante et mettre entre parenthèses l'épisode de Vichy.

Une des forces d'Un Héros très discret est justement de montrer pourquoi dans un contexte pareil, un type comme Dehousse travaillant sur son imposture avec la même rigueur qu'un savant atomiste, apprenant par cœur la carte du métro londonien, retenant le nom des membres de chaque réseau clandestin peut, par la simple force des livres et le seul jeu de la mémoire, se faire passer pour un authentique héros de la Résistance.

Albert Dehousse est un individu sans identité qui, par besoin de reconnaissance, va devenir un mythomane à identités multiples. Un héros très discret est donc un film qui n’aurait pas pu sortir dans les années 1945-1970, époque du mythe de la « France résistante » ; mythe qui, au lendemain de la guerre, cherchait à jeter un voile sur un passé pas si net, en réconciliant tous les Français.

Le film d’Audiard, en montrant un type un peu fade qui s’invente un passé glorieux de Résistant et qui parvient à berner une France en quête de réhabilitation fédératrice, de héros et d’honneur, déboulonne en effet de leurs socles gaullien et communiste cette légende longtemps très vivace.

Car dans la France occupée, il y avait aussi peu de vrais résistants que de vrais collabos, la plupart des gens se contentant de survivre et de rester passifs, en attendant que ça passe… Le personnage C’est entre la fin 1944 et les premiers mois de 1945, alors que la France est presqu’entièrement libérée, que surgit ce « héros très discret ».

Sur un coup de tête, il abandonne sa femme et une vie de province qui le lasse pour tenter de se forger une nouvelle existence à Paris.

Quelques hasards (la rencontre avec un ancien combattant de la France Libre, une fillette qui achète des journaux «pour le colonel», une réunion d’un ancien réseau de Résistants), la lecture des journaux et son sens opportuniste transformeront ce jeune homme réservé et renfermé en un individu acerbe, voire imbu de lui-même, qui va trouver dans la Résistance le terrain de jeu idéal pour son affabulation.

Mais qui s’avèrera n’être qu’un manipulateur de bas étage. Le compositeur Alexandre Desplat a contribué à créer une ambiance froide, glauque, presque malsaine, saupoudrée de doses d’humour noir.

Le son est également le fruit d’un travail minutieux, notamment lors de l’enfance du héros.

Ses lectures de romans d’aventure dans lesquels il se projette, bénéficiant d’un travail de mixage élaboré, laisse présager.... »

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