Catégorie : Français / Littérature
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La colère d'Inès - SARTRE dans HUIS-CLOS
possession. Le ton même de la tirade (cf. les nombreux points d'exclamation, d'interrogation, de suspension) et lejeu d'acteur qu'il suggère évoquent l'image d'une héroïne inspirée par une puissance maléfique. La jeune femme,d'ailleurs, a déjà avoué sa méchanceté et revendiquera bientôt sa condition de femme damnée par nature.Or ce personnage de sorcière se fait ici l'alliée, exécutrice et victime à la fois, de la machine infernale. En refusant lepacte que proposait Garcin, elle précipite le c...
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Le piège et la pitié dans HUIS-CLOS de SARTRE
«Tant mieux, s'ils sont contents.» La solution de la pitié A ne considérer que les indications scéniques, on assiste en cette page à l'unique moment de tendresse d'une piècequi, par ailleurs, ne représente que les heurts et les malentendus du trio.Or, si la tendresse peut s'ébaucher, ne fût-ce que de façon éphémère, c'est qu'un des personnages est parvenu às'extraire de la situation commune et qu'il contemple, pour ainsi dire de l'extérieur, la misère que tous trois partagentet que l'épisode des...
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Le lâche, la sotte et la méchante de SARTRE dans HUIS-CLOS
confrontée au regard d'autrui. La solution amoureuse permet, en effet, de remplacer ce que je sais être par ce quel'autre, l'être qui m'aime, croit que je suis. C'est, en somme, une flatterie dont on échange l'effet rassurant par unegarantie de réciprocité. «Tu me serais plus chère que moi-même», dit Garcin à Estelle, et l'on peut croire à sasincérité : l'image de lui qu'il attend d'elle n'a pas de prix, c'est l'image à laquelle, sa vie durant, il a essayé en vainde ressembler. Une image hé...
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« Eh bien, continuons. »: Desinit de Huis-Clos de SARTRE
est à la fois condamnation et châtiment. Soumettant le sujet à la question, le regard de l'autre est dans le mêmetemps instruction et torture. Dépossédé de tout jugement réflexif, je ne suis plus que ce qu'autrui dit que je suis,forcément coupable et dolent, et parce que sans estime pour moi-même, incapable d'aimer.On se souvient que ce thème du regard de l'autre, de sa présence inéluctable, avait déjà donné lieu à des envoléeslyriques d'Inès. Sa reprise par Garcin, en cette dernière page, va pr...
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François Mitterrand : ALLOCUTION TÉLÉVISÉE (Campagne présidentielle 1974, François Mitterrand)
télévisée, la première de la campagne électorale de Mitterrand à la télévision. Elle a donc forcément un caractèregénéral : le candidat doit se présenter, se situer, dire pourquoi il est là. D'autre part, c'est un texte dit oralement,non pas devant un public réel, mais devant une caméra de télévision : il est donc difficile, périlleux, de s'adresser àhaute voix au téléspectateur absent; l'orateur doit créer le lien avec son auditoire, et non pas seulement rassemblerdes arguments. Le commentaire...
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Raymond Devos: « J'AI DES DOUTES »
LA LOGIQUE ABSURDE DE L'HISTOIRE Un personnage nous révèle progressivement une série de faits, d'indices relatifs à sa situation conjugale. Cesinformations sont de plus en plus révélatrices de son malheur : sa femme le trompe avec son « meilleur copain ».Mais ce que nous avons deviné dès les premières répliques, il va mettre toute la durée du « récit » à s'en rendrecompte. Loin de comprendre ce qu'il désirerait savoir, il va chercher, à chaque nouvel indice irréfutable, uneexplic...
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Mors de Victor Hugo, Les Contemplations (commentaire)
La logique de cette métamorphose, où chaque réalité humaine passe du tout au rien, présente tout de même uneexception : les enfants ne sont pas transformés en cadavres, mais « en oiseaux ». Il y a mutation, certes, mais nonopposition. Cela s'explique bien sûr par la délicatesse du poète, mais aussi par la pudeur de l'homme : il emploiera leverbe « s'envoler » à propos du décès de sa propre fille. Par ailleurs, l'enfant est si proche encore du ciel dont ilsemble venir qu'il n'a pas besoin, semble...
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VIGNY: LES DESTINEES : LA MAISON DU BERGER
qu'elle est alors qu'elle ne saurait être autrement. Dans ces premiers vers fortement accentués (ce qui souligne leuraspect oratoire), on remarque évidemment l'opposition entre le « vous » et le « nous »; Vigny parle au nom del'homme, du sein de l'humanité dont il fait partie, et il met à distance la froide Nature par ce « vous » six fois répété(en comptant les impératifs). A ce « vous » répondra plus loin le tutoiement intime adressé à Eva.« L'homme, humble passager, qui dut vous être un Roi; P...
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Il n'aurait fallu... de Louis ARAGON
légèreté du déroulement des phrases. La seconde, cependant, aura notre préférence : pour mieux saisir l'espèce derelation magique qui se crée entre le « héros » central du poème et l'héroïne dont l'amour transforme, nous allonsexaminer globalement la façon dont chacun des protagonistes nous est présenté. C'est-à-dire :1. La vision de la femme, son idéalisation éventuelle.2. La métamorphose du poète, son caractère radical. LA VISION DE LA FEMME Cette femme n'est pas nommée Le texte n'emploie pas...
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Les Confessions, début du livre I (Rousseau): Une étrange entreprise
Absolu des deux négations symétriques ne [...] jamais / ne [...] point. Ainsi structurée, ainsi affirmée, la phrase deRousseau paraît incontestable. La symétrie, l'architecture de la forme ne « prouve » rien, bien sûr, mais elle intimide.Le lecteur n'ose mettre en cause la' véracité de la phrase, car ce serait nuire à la beauté de son architecture —sans parler de l'équilibre sonore de ce parallélisme. Ainsi, le caractère unique du projet de Rousseau ne peut être misen doute. Le lecteur sait bien...
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Voltaire, Traité sur la Tolérance - Chapitre XXIII : « Prière à Dieu »
dans ce texte un phrasé propre à l'éloquence religieuse. — La ferveur du ton soutient cette éloquence. C'est un ton de supplication et d'espérance, marqué par lesimpératifs et les subjonctifs (« Fais que nous nous aidions », « que ces erreurs ne fassent point », « que toutes cespetites nuances [...] ne soient pas », « Puissent tous les hommes », « employons l'instant de notre existence »).Une mention particulière doit être accordée au tutoiement. Il ne s'agit pas du tout, en ef...
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Promenade sentimentale de Paul VERLAINE (Poème saturniens)
sont au pluriel —quoique « nombreuses », les eaux sont calmes !). Cette tranquillité du paysage est naturellementmarquée par la régularité du rythme : l'accent tonique revient toute les cinq syllabes; des assonances, dues auxtrois terminaisons à l'imparfait, ponctuent ce flux régulier de la phrase; enfin, les vers 3 et 4, où l'on peut observerun enjambement et une légère allitération (roseaux/ luisaient/ calmes eaux), produisent une impression d'extensionqui souligne l'horizontalité du plan visu...
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LA MARCHE DES GROGNARDS - Edmond ROSTAND, L'Aiglon, tirade de Flambeau
spectateurs.Nous allons donc étudier, synthétiquement, ces deux aspects, sans oublier bien entendu qu'ils ne produisent qu'unseul effet d'ensemble. LES EFFETS DRAMATIQUES Il s'agit d'une scène à trois personnages. L'un, l'ex-maréchal Marmont, traître à l'Empereur, vient d'invoquer la plusmauvaise excuse : la fatigue. L'autre, le jeune Aiglon, duc de Reichstadt, victime de ceux qui veulent salir lamémoire de son père, est tendu, admiratif, vers ce laquais, surprenant orateur. Ce dernier, g...
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TEST SUR LES FIGURES DE STYLE
Cette phrase pourrait donner lieu à une transcription cinématographique immédiate. PHRASE N° 2: «Honte à ceux qui font de la politique une distraction et de la distraction une politique! »Repérez la figure de style.Chiasme. Il y a bien sûr au départ une double antithèse entre la « politique » (chose sérieuse) et la « distraction »(chose futile) : certains osent s'amuser de la politique, d'autres décident très sérieusement (pour des questions degros sous) de distraire le peuple au lieu de l'info...
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LA SCÈNE DU PAUVRE - MOLIÈRE, Dom Juan, acte III, sc. 2
L'explication de texte traditionnelle, étudiant le dialogue à ces différents niveaux, pas à pas, est tout à fait possible: des candidats l'ont pratiquée maintes fois. La lecture méthodique, pour tenir dans le cadre de l'examen, ne doitpas trop multiplier les balayages du texte. Nous proposerons donc de nous en tenir à deux axes :1. Le premier, centré sur le mouvement de la scène et sa tension dramatique, sera l'axe proprement théâtral :l'avantage de commencer par cet aspect est de nous perme...
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TIRADE D'INÈS (Jean-Paul SARTRE, Huis Clos)
Inès dépossédée d'elle-même (11 premières lignes) Il est important d'expliquer l'idée et de montrer la force que lui donnent les moyens d'expression utilisés.Garcin a proposé de fermer les yeux; il cache sa figure sous ses mains; il croit ainsi ne pas importuner Inès par sonregard, et donc se faire « oublier». C'est sur ce mot que bondit Inès : «Ah! oublier. Quel enfantillage !» Elle va doncmontrer à quels différents niveaux (en dehors du regard) la présence de Garcin empiète sur la sienne. La p...
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Jules SUPERVIELLE: Le voleur d'enfants
jour de ses propres ailes...Sa stupeur même, tant la coupure fut brutale : « on le sépare violemment de sa bonne ». Antoine et sa protectrice— notons la marque de la possession — cessent brusquement de former un tout. Une puissance subie à l'aveugle,impossible à identifier — « on » — opère ce schisme. Ainsi, le colonel Bigua qui adorait les enfants et ne pouvait enavoir à lui, les volait-il ou les recueillait-il... Cette histoire d'une de ses tentatives avortées, véritable occasion pourAntoine d...
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Louis ARAGON - Le Nouveau Crève-coeur: J'ai des peurs épouvantables
étriqué dans lequel le sujet se mure et avec lui, celle qu'il aime. Ses craintes sont telles qu'il voudrait pouvoir lagarder toujours à portée de son regard protecteur : « Tu vas sortir (...) Sortir sans moi, quel vilain jeu. » Sortir !Echapper à ma vue ! L'horizon du poète semble bien devoir se limiter au cercle qui entoure immédiatement la femme.Tout ce qui est extérieur est menace. L'espace s'amenuise. Il faut rester dans la maison, dans la chambre. «'Moncoeur bat comme une porte », rappelle...
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COLLETTE: Les vrilles de la vigne
Transition : Ainsi, Colette se trouve placée au coeur d'une intimité animale qui lui fait vivre ce moment exceptionnel avec une sensibilité aiguisée. II. La féerie d'un spectacle polysensoriel. a) La neige, élément magique.— Mots utilisés par Colette pour désigner la neige et la qualifier : « poudrées », « scintille », « sucre impalpable », «mille et mille mouches blanches » (profusion enchanteresse), « froides comme des fleurs effeuillées » (imagesurréelle).— Les métamorphoses des robe...
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Allégorie de Paul VERLAINE, Parallèlement
« ... C'est effrayant ce que nous nous sentonsD'affinités avec les moutonsEnrubannés du pire poétastre.Nous fûmes trop ridicules un peuAvec nos airs de n'y toucher qu'à peine.Le Dieu d'amour veut qu'on ait de l'haleine,Il a raison ! Et c'est un jeune Dieu.Séparons-nous, je vous le dis encore.O que nos coeurs qui furent trop bêlants,Dès ce jourd'hui réclament, trop hurlants,L'embarquement pour Sodome et Gomorrhe ! » Le regard que Verlaine porte sur la tapisserie est donc bien l'occasion d'un rega...