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VIE ET OEUVRE DE GUSTAVE COURBET

Publié le 03/07/2011

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courbet

 

C'est un œil ! a dit un jour Monsieur Ingres en parlant du Maître d'Ornans et ce jugement, plein d'admiration et de hargne, est à la fois le plus juste et le plus injuste qu'on puisse porter sur Courbet. Merveilleux de rapidité et de précision, l'œil de Courbet n'est pas comparable à l'objectif de quelque appareil photographique. Ce n'est pas seulement un œil. C'est un regard. Il voit le monde avec cet angle de prise de vue qui n'appartient qu'à notre vision binoculaire, la vision qui mesure et compare toutes les choses, le regard de l'homme pensant, un regard plein de tendresse ou de souffrance et qui plonge au fond de lui-même dans cet univers merveilleux qu'on appelle la Mémoire. C'est en lui donnant cette double dimension que l'œil de Courbet voit la création et la créature. Ce réaliste ne se borne pas à peindre l'objet qu'il a devant lui. Il le retrouve. On dirait qu'il a fait un pacte avec l'Univers, avec les quatre éléments qui le composent, l'air et le feu, la terre et l'eau. La réalité qu'il voit se confond toujours avec une réalité déjà vue et cette réalité s'identifie elle-même avec un univers poétique que l'artiste porte en lui.

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« COURBET 1819-1877 Rus peintre qu'aucun autre peintre de France, plus totalement doué que n'importe lequel d'entre eux, unissant à la fois la puissance plastique et la puissance picturale, celui qui s'appelait lui-même le Maître d'Ornans ressemble plus à certains grands créateurs étrangers qu'aux artistes du pays dont il est cependant un des représentants les plus authentiques.

Au delà des avatars de la politique et des haines absurdes conservées dans l'inconscient de toute une classe pendant des générations, cette singularité de Courbet est peut-être la raison du porte-à-faux qu'il a toujours eu vis-à-vis de la gloire.

Ce Franc-Comtois est tellement resté l'homme de sa province, qu'il semble appartenir à une autre nation que la France.

Pour dire mieux, la Province est chez lui comme une réalité nationale.

Il y a quelque chose dans son œuvre qui déborde les habitudes françaises de sensibilité, qui éveille sans doute l'admiration, mais qui étonne aussi et ne se laisse plier à aucune des catégories françaises.

Prenez par la main un de ces amateurs d'art qui veulent demeurer réticents à l'égard de cette œuvre, amenez-le devant l'Atelier et demandez-lui s'il connaît un autre artiste de France qui ait peint, d'une pâte semblable et d'un mouvement égal, un morceau comparable à celui qui occupe le centre de cette étrange et magnifique composition.

Devant le peintre et son modèle, devant ce chevalet dont le tableau inachevé semble ouvrir la toile sur le ciel, devant l'enfant accroupi, le chat en mouvement et les dessous féminins qui n'ont pas encore achevé de se replier sur eux-mêmes, les noms les plus prestigieux ne résistent pas longtemps.

Il n'y a pas, chez Delacroix lui-même, une pareille sensualité.

Les dons de l'esprit s'y lisent à travers les formes.

Géricault lui-même semble limité par une tristesse fondamentale.

Nulle part ailleurs, ce qui monte de la vie n'a su rencontrer ce qui vient de l'esprit de l'homme avec autant de puissance et de plénitude.

On touche ici comme à l'équilibre fondamental de la création.

Dites alors: « Vclasquez? » Qui osera s'insurger, en regardant ce morceau, devant l'évocation du plus peintre de tous les peintres? Ce que Courbet a introduit dans la peinture française, c'est la primauté de la peinture elle-même.

Non pas, comme on a tendance à le penser aujourd'hui, la primauté de la matière, ce qui est absurde et, plus encore, stérilisant.

Mais la primauté du fait de peindre, c'est-à-dire Ja primauté du moyen employé par une volonté créatrice.

Ce n'est pas la matière qui détermine, en effet, chez Gustave Courbet les lois de la créa­ tion, mais la volonté créatrice qui utilise toutes les possibilités de cette matière.

C'est sans doute cela qui fait qu'un artiste est peintre et non pas poète ou musicien.

Il est trop clair, en effet, que le peintre est un créateur qui s'exprime au moyen de la peinture, et ne peut le faire autrement.

Ce n'est pas tout à fait vrai de quelques-uns parmi les plus grands, de Delacroix par exemple, chez qui l'on sent toujours des possibilités créatrices au delà de la création plastique.

Mais c'est entièrement vrai de Gustave Courbet chez qui l'on sent, au contraire, que la volonté créatrice et la création plastique sont inséparables l'une de l'autre.. »

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