SAINT-DENYS GARNEAU Hector
Publié le 13/10/2018
Extrait du document


«
voix est fêlée [ ...
], le son n 'emplit plu s la forme » : lir e Sa int- Deny s Garneau, c 'es t e ntendr e à chaque instant
cette fêlur e, r essen tir cette inadéquation du langa ge qui
d evrait signifier la mo rt de la poé sie.
Loin du chan t , presque grin ça nt e, cette œuvre est
d 'abord l'élaboration d 'un e mylh ologie du suj et : s on régime dominant est celui d'u ne représentation assez
p r oche de la fable, réalisée dan s certains textes de prose comme «le Mauvais Pauvre », inséré dans Je Journal.
Ce sym bol e de J'étrange té et de la dépossessio n se déve
loppe jusqu'à l 'image inqu .i étante d'un être dont la colonne ve rté braJe est assaill ie à co ups de hache , et qui se trouve rédu it à « un seul tro nc vertic aJ, fran chem en t nu».
S'il fallait chercher ici de s pa rentés, c'est à R e mi Michaux que l 'on songerait, mais à un Michaux où ce serait moins la fable eUe -m ême qui s'im po serai t da ns
son insole nte absurdité, que le mouvement angoi ssé vers
elle, rendu plus app roximatif par la conscience analyti que qui l e traverse.
En ce sens , « le Mauvai s P a uvr e» est un texte clé; il définit un certain rapport au langage, caractérisé par une t ens ion entre l' ironie la plus profonde et une volont é de fig w·ation in tégra le du sujet, de ses enjeux existentiel s :inadéquation à soi; quête de tran spa
rence; cons cie nce de la mort.
ll y a chez Saint-De nys G arneau une insistance pres que panique dan s la rep résentation de soi, marqu ée for
melleme nt par des réitérations, p ar une syntaxe qui déve
l op pe l 'image sur un mode descriptif, avec une froid e
précisio n.
D e no mbreux poè mes de Rega rds et jeux dans l'espace rel èv ent de cette écriture, entre autres le célèbre « Accompagnement », devenu po ur plusieurs lecteur s la
figure idéale de J' aventure du poète :
Je ma rche à côté de moi en joie
J'enten ds mon pas en joie qui marche à côté de mo i
Ma is je ne peux chang er de place sur le trott oir Je ne puis pas mettr e mes pieds dans ce pas- là et dir e voil à, c'es t moi.
Mais une lecture psychologiqu e empêche de voi r que la représentati on se vit chez Saint-De nys Garneau comm e une crise : l'écritu re découvre qu 'elle a parti e liée avec la plac e vide du sujet; loin de com bler la diff é ren ce entre l e sujet de l 'énonc iatio n et celui de l'énon cé, elle la creuse irrémédiable m ent, dans un > ont soudain « soif de substan ce».
Saint -Deny s Garne au a été le premier poè te québécoi s à po uvo ir fanta sm er le langage e n ta nt que tel : son écri ture ne se met en bra r ùe que dan s cene
réflexi vüé, dan s une soif qui est la so if du désert , où le sujet se meur t d'être« so rti en plein air» .
On ne saurait trop insister sur le fait que ce mouv e
m e nt utilise en même temp s tout es les ressources du
di scours parl é, so uvent le plus fam iller.
Avant Ga ston Miron, dont les poèmes politiqu es de la Vie ago11iqu e portent la trace de 1" auteur de Regards et jeux dans l'es
pace, Sai nt- Denys Garneau a saisi la nécessité de «par
le r» dan s l 'éc riture, de transformer le mo no log ue poéti que en dialogue , en interpellation, même s'il y a que lque
c h ose de d ésespéré et d'inaccessible dans cette
fa miliarité.
On s'éton ne que la plupart de ses contemp orains
l ' aient ju gé obscur.
On compr e nd mieux qu e les poètes de la génération de 1 ' He xagone, en 1960 , aient préféré à cette proxim ité du dése spoir !.'ouverture cosmique des poèmes d'Alai n Grandbois.
Mai s la voix de Saint -D enys
Garn eau parle de ce qui ne vieillit pas : le sujet fab ul ant son desti n, cherchant à capter da ns une image la fo rm e de sa propre absence .
BIBLIOGRAPH1 E Édition .
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Montréal, 1973.
P.
NEPVEU.
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