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SAINT-DENYS GARNEAU Hector

Publié le 13/10/2018

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SAINT-DENYS GARNEAU Hector (1912-1943). Aux tout premiers rangs de la poésie québécoise, consacrée par de multiples commentaires et interprétations, l’œuvre de Saint-Denys Garneau a pourtant été reçue à toutes les époques avec un certain nombre de réserves. Si l’on excepte une plaquette, Regards et jeux dans l’espace (1937), et quelques articles et proses parus dans la Relève, revue fondée en 1934 par un groupe auquel appartenait le poète, la majorité de ses écrits est fragmentaire et n’a été mise au jour qu’après sa mort (Poésies complètes, 1949; Lettres à ses amis, 1967).
 
La plupart des poèmes de Garneau sont restés plus ou moins inachevés. Non seulement leur auteur n’a pas cherché à les publier, mais il a jugé sévèrement dans son Journal plusieurs textes de son unique recueil. De ses
proses, la postérité a surtout retenu les plus spontanées, les moins préméditées par rapport à un projet littéraire. Le Journal, publié en 1954, a polarisé l’attention sur l’itinéraire intérieur du poète, sur l’étouffement qui, à partir de 1937, le réduit progressivement au silence. Cette suffocation morale deviendra pour l’essayiste Jean Le Moyne, qui fut un ami de Saint-Denys Garneau, le symptôme d’une maladie collective, d’une culpabilité janséniste qui imprégnerait le plus profond de l’âme canadienne-française. Dès lors, il paraît naturel de lire ses poèmes comme un « témoignage », compte rendu imagé d’une aventure spirituelle et métaphysique.
 
D’où ce paradoxe : bien qu’aucune œuvre poétique au Québec n’ait été autant commentée, la poésie de Saint-Denys Garneau a conservé un aspect peu familier, une part d’étrangeté. Cette singularité tient d’abord à un type d’énonciation, à une ironie qui ne cesse de déséquilibrer le lecteur, à de nombreux effets prosaïques, parfois perçus comme des maladresses, mais qui empêchent de lire ces poèmes comme de beaux objets fermés sur eux-mêmes et sur leur propre bonheur d’expression.
 
Lorsque Saint-Denys Garneau écrit, au début de Regards et jeux dans l’espace :
 
Je ne suis pas bien du tout assis sur cette chaise
 
Et mon pire malaise est un fauteuil où l'on reste
 
Immanquablement je m'endors et j'y meurs,

hector

« voix est fêlée [ ...

], le son n 'emplit plu s la forme » : lir e Sa int- Deny s Garneau, c 'es t e ntendr e à chaque instant cette fêlur e, r essen tir cette inadéquation du langa ge qui d evrait signifier la mo rt de la poé sie.

Loin du chan t , presque grin ça nt e, cette œuvre est d 'abord l'élaboration d 'un e mylh ologie du suj et : s on régime dominant est celui d'u ne représentation assez p r oche de la fable, réalisée dan s certains textes de prose comme «le Mauvais Pauvre », inséré dans Je Journal.

Ce sym bol e de J'étrange té et de la dépossessio n se déve­ loppe jusqu'à l 'image inqu .i étante d'un être dont la colonne ve rté braJe est assaill ie à co ups de hache , et qui se trouve rédu it à « un seul tro nc vertic aJ, fran chem en t nu».

S'il fallait chercher ici de s pa rentés, c'est à R e mi Michaux que l 'on songerait, mais à un Michaux où ce serait moins la fable eUe -m ême qui s'im po serai t da ns son insole nte absurdité, que le mouvement angoi ssé vers elle, rendu plus app roximatif par la conscience analyti­ que qui l e traverse.

En ce sens , « le Mauvai s P a uvr e» est un texte clé; il définit un certain rapport au langage, caractérisé par une t ens ion entre l' ironie la plus profonde et une volont é de fig w·ation in tégra le du sujet, de ses enjeux existentiel s :inadéquation à soi; quête de tran spa ­ rence; cons cie nce de la mort.

ll y a chez Saint-De nys G arneau une insistance pres­ que panique dan s la rep résentation de soi, marqu ée for­ melleme nt par des réitérations, p ar une syntaxe qui déve ­ l op pe l 'image sur un mode descriptif, avec une froid e précisio n.

D e no mbreux poè mes de Rega rds et jeux dans l'espace rel èv ent de cette écriture, entre autres le célèbre « Accompagnement », devenu po ur plusieurs lecteur s la figure idéale de J' aventure du poète : Je ma rche à côté de moi en joie J'enten ds mon pas en joie qui marche à côté de mo i Ma is je ne peux chang er de place sur le trott oir Je ne puis pas mettr e mes pieds dans ce pas- là et dir e voil à, c'es t moi.

Mais une lecture psychologiqu e empêche de voi r que la représentati on se vit chez Saint-De nys Garneau comm e une crise : l'écritu re découvre qu 'elle a parti e liée avec la plac e vide du sujet; loin de com bler la diff é­ ren ce entre l e sujet de l 'énonc iatio n et celui de l'énon cé, elle la creuse irrémédiable m ent, dans un > ont soudain « soif de substan ce».

Saint -Deny s Garne au a été le premier poè te québécoi s à po uvo ir fanta sm er le langage e n ta nt que tel : son écri ture ne se met en bra r ùe que dan s cene réflexi vüé, dan s une soif qui est la so if du désert , où le sujet se meur t d'être« so rti en plein air» .

On ne saurait trop insister sur le fait que ce mouv e­ m e nt utilise en même temp s tout es les ressources du di scours parl é, so uvent le plus fam iller.

Avant Ga ston Miron, dont les poèmes politiqu es de la Vie ago11iqu e portent la trace de 1" auteur de Regards et jeux dans l'es­ pace, Sai nt- Denys Garneau a saisi la nécessité de «par­ le r» dan s l 'éc riture, de transformer le mo no log ue poéti­ que en dialogue , en interpellation, même s'il y a que lque c h ose de d ésespéré et d'inaccessible dans cette fa miliarité.

On s'éton ne que la plupart de ses contemp orains l ' aient ju gé obscur.

On compr e nd mieux qu e les poètes de la génération de 1 ' He xagone, en 1960 , aient préféré à cette proxim ité du dése spoir !.'ouverture cosmique des poèmes d'Alai n Grandbois.

Mai s la voix de Saint -D enys Garn eau parle de ce qui ne vieillit pas : le sujet fab ul ant son desti n, cherchant à capter da ns une image la fo rm e de sa propre absence .

BIBLIOGRAPH1 E Édition .

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P.

NEPVEU. »

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