Melville
Publié le 08/04/2013
Extrait du document

Après des années de jeunesse remplies d'aventures, Melville se retrouve, sans ambition préalable, dans le rôle de conteur. Ses premiers récits ont un succès immédiat mais cette reconnaissance facile de la part du public le vexe plus qu'elle ne l'encourage. Dorénavant, il se retranchera de la scène littéraire, écrira des romans plus complexes et essuiera plusieurs échecs avant de terminer sa carrière dans un silence quasi complet.

«
Elisabeth Shaw, fille d'unjuge new
yorkais,
s'alliant ainsi à une famille
fortunée : le
couple aura quatre en
fants.
Plusieurs facteurs contribuent
à ses succès fulgurants.
Tout d'abord,
la curiosité du public, intrigué par
l'exotisme, la vie des marins et les
terres lointaines.
Ensuite, les Améri
cains, empreints de puritanisme, veu
lent
une littérature qui rende compte
du réel
et illustre un esprit de dyna
misme et de découverte.
Les pre
mières œuvres de Melville , qui
privilégient la thématique du voyage,
répondent à ces exigences.
Les
thèmes de la découverte de soi et
de la renaissance par le voyage ne
pouvaient que plaire aux Américains,
qui sont, à cette époque encore, un
peuple d'immigrants et d'explora
teurs en pleine expansion dans le
Nouveau Monde.
Les années sombres
C
ependant, Melville se lasse vite
de ses succès.
Son humilité
puritaine le pousse à rechercher et à
sublimer l'échec.
Sous l'influence de
Hawthorne, Melville se tourne vers
un style plus complexe.
Il s'intéresse
à
la métaphysique et aux thèmes
privilégiés du puritanisme : la culpa
bilité et la présence du Mal dans
le monde .
Il se familiarise avec les
auteurs élisabéthains tels que
Spen
cer et Shakespeare.
En 1851, Mel
ville quitte New York avec sa famille
et s'installe dans une ferme du
Berkshire .
C ' est là qu'il écrit son
œuvre majeure, Moby Dick, dans
NOTES DE L'ÉDITEUR
«Il y a d'abord, avant tout, partout , la
présence de la mer.
Personne, Conrad peut
être mis à part, ne put à ce point susciter
comme telle la présence de la mer.
Déjà depuis la terre où nous sommes,
où nous habitons, où nous vivons, de
l'extrémité d'un promontoire, du haut
d'une
falaise, à l'état de pur spectacle incessant,
la présence de la mer
n'est pas une présence
quelconque.
Elle est là, certes , à distance ,
séparée de nous .
..
Présence étrangère à
toute forme de présence humaine, à toute
présence d'alentours comme la rue, la
campagne
,( ...
) fascinante, parce que
matérielle, elle insinue en nous, bien plus
que le ciel, le sentiment à la fois de
C'est de son
expérience à bord d'une baleinière
que Melville puisa
l'essence
du plus
populaire de ses
romans,
Moby Dick
laquelle il raconte la chasse sans
merci que livre le capitaine Achab à
une baleine blanche, symbole
du Mal
et du Chaos dans l'Univers.
L'œuvre
est pourtant mal reçue par le public,
tout comme la suivante, Pierre ou
les Ambiguïtés, écrite en · 1852.
Ce
dernier roman est le seul qui ne se
déroule
pas dans un cadre maritime.
Il y
est question de relations fami
liales complexes
et incestueuses, ce
qui choque le public américain.
Dorénavant, la production littéraire
de Melville baisse: il écrit quelques
nouvelles pour des journaux, fait
des tournées de conférences et se
consacre à la poésie.
En 1863,
Melville retourne à New York, où il
trouve un emploi d'inspecteur des
douanes dont il ne démissionnera que
vingt ans plus tard.
L'exotisme, les mers du Sud,
la vie quotidienne des marins
sont autant de thèmes qui ont
contribué
au succès des récits
de Melville
l'élémentaire et de l'illimité.
( ...
)
Tel est, non pas le cadre ou le décor mais,
( ..
.
) le destin au sein duquel se jouent les
romans de Melville.
Cette présence
n'est
pas seulement comme une perpétuelle toile
de fond sur laquelle ils profileraient la
matière littéraire
d'un récit ou d'une
aventure.
Elle les imprègne de toutes parts.
Ils ne deviennent ce récit, cette aventure
ou cette quête que par elle, comme
si cette
relation à l'illimité était en quelque sorte
leur raison d'être ou le fondement même
de leur inspiration, ce qui les déterminerait
à la fois dans leur nature et dans leur
figure.
» Jean Pfeiffer , « Herman Melville »,
L'Arc, revue trimestrielle , 1970.
« On sait que Michel Butor voit dans
Le retour au silence
L
es dernières années de la vie de
Melville sont teintées de mélan
colie, de souffrance
et de stoïcisme,
conformément à l'attitude morale
qu'il prône lui-même : il
faut
endurer son sort et
accepter le silence de
Dieu.
En 1867, son fils
aîné se suicide.
Le se
cond meurt en 1886 .
A
la fin de sa vie , l ' écri
vain paraît se retrancher
du monde et faire vœu
de silence.
C' est peu
après sa mort, en 1891,
que sa dernière œuvre,
Billy Budd, sera publiée.
l'écriture " un équivalent positif du
suicide ".
On ne peut s'empêcher de
rapprocher cette proposition des premières
ligne s de
Moby Dick :" Quand je sens
des plis amers autour de la bouche, quand
mon âme est un bruineux et dégoulinant
novembre , quand
je me surprends arrêté
devant une boutique de pompes funèbres
ou suivant chaque enterrement que
je
rencontre ...
je comprends alors qu'il est
grand temps de prendre le large.
Ça
remplace pour moi le
suicide .
Avec un
grand geste le philosophe Caton se jette sur
son épée , moi, tout bonnement,
je prends le
bateau
" .
Au moment où il écrit ces lignes,
cela fait déjà quelque temps que Melville
ne prend plus le bateau, mais la plume .
»
Jean Laude, idem.
1 gravure de A.
Tardieu, Lauros-Giraudon / B.N.
2 Mary Evans Picture Library (1861) /Explorer 3.
4 aquatintes de L.
A.
Gameray, Edimédia / B.N.
5 gravure de E.
Fanning, Lauros-Giraudon / B .N.
MELVILLEOI.
»
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