MALLARME, Etienne, dit Stéphane
Publié le 22/04/2012
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Professeur d’anglais, il travaille à plusieurs travaux d’édition et de traduction d’ouvrages scolaires, tout en écrivant de la poésie. Ses premiers poèmes, publiés à partir de 1862, témoignent de l’influence des thèmes baudelairiens sur son écriture. Il s’intéresse à la définition de la nature du monde idéal et à ses correspondances avec la réalité. Pour lui, le véritable rôle du poète consiste à cristalliser l’essence des choses plutôt que décrire une réalité préexistante ; il consacre sa vie à mettre ses principes en pratique dans ce qu’il appelle son “ grand œuvre ”. Durant les années 1890, il organise ses réceptions du mardi soir fréquentées par l’élite artistique qui vient écouter sa théorie sur l’art. Mais la reconnaissance publique conjuguée à une liaison heureuse le détournent du besoin de chercher refuge hors de la réalité et son Grand Œuvre demeurera inachevé.
«
en vérité, de notre mémoire.
L'inspiration? Des rémm1scences, un point c'est tout.
Mallarmé
entrevoit dans l'avenir une jeune image de lui-même qui lui fait signe; il s'approche : c'était son
père.
Sans
doute le temps est-il une illusion : le futur n'est que l'aspect aberrant que prend le passé
aux yeux de l'homme.
Ce désespoir - que Mallarmé nommait alors son impuissance, car il
l'inclinait à refuser toutes les sources d'inspiration et tous les thèmes poétiques qui ne fussent pas
le
concept abstrait et formel de Poésie - l'incite à postuler toute une métaphysique, c'est-à-dire
une sorte de matérialisme analytique et vaguement spinoziste.
Rien n'existe que la matière, éternel
clapotis de l'être, espace
« pareil à soi qu'il s'accroisse ou se nie ».
L'apparition de l'homme
transforme pour celui-ci l'éternel en temporalité et l'infini en hasard.
En elle-même en effet la série
infinie et éternelle des causes est
tout ce qu'elle peut être; un entendement tout connaissant en
saisirait peut-être l'absolue nécessité.
Mais pour un mode fini le monde apparaît comme une
perpétuelle rencontre, une absurde succession de hasards.
Si cela est vrai, les raisons de notre
raison sont aussi folles que les raisons de notre cœur, les principes de notre pensée et les catégories
de notre action sont des leurres : l'homme est un rêve impossible.
Ainsi l'impuissance du Poète
symbolise l'impossibilité d'être homme.
Il n'y a qu'une tragédie, toujours la même « et qui est
résolue
tout de suite, le temps d'en montrer la défaite q:ui se déroule.
fulguramment ».
Cette tra
gédie : (( Il jette les dés ...
Qui créa se retrouve la matière, les blocs, les dés.
» ny avait les dés, il
y a les dés; il y avait les mots, il y a les mots.
L'homme : l'illusion volatile qui voltige au-dessus des
mouvements
de la matière.
Mallarmé, créature de pure matière, veut produire un ordre supé
rieur à la matière.
Son impuissance est théologique :la mort de Dieu créait au poète le devoir de le
remplacer; il échoue.
L'homme de Mallarmé comme celui de Pascal s'exprime en termes de
drame et non en termes d'essence : « Seigneur latent qui ne peut devenir », il se définit par son
impossibilité.
« C'est ce jeu insensé d'écrire, s'arroger en vertu d'un doute quelque devoir de
tout recréer avec des réminiscences.» 1ais «la Nature a lieu, on n'y ajoutera pas».
Aux époques
sans avenirs, barrées
par la volumineuse stature d'un roi ou par l'incontestable triomphe d'une
classe, l'invention semble une pure réminiscence : tout est dit, l'on vient trop tard.
Ribot fera
bientôt la théorie de cette impuissance en composant nos images mentales avec des souvenirs.
On entrevoit chez Mallarmé, une métaphysique pessimiste : il y aurait dans la matière, informe
infinité,
une sorte d'appétit obscur de revenir sur soi pour se connaître :pour éclairer son obscure
infinité elle
produirait ces lambeaux de pensées qu'on appelle des hommes, ces flammes déchirées.
Mais
la dispersion infinie arrache et disperse l'Idée.
L'homme et le hasard naissent en même
temps
et l'un par l'autre.
L'homme est un raté, un « loup >> parmi les « loups ».
Sa grandeur est
de vivre son défaut de fabrication jusqu'à l'explosion finale.
N'est-il pas temps d'exploser?
Mallarmé, à Tournon, à Besançon, à Avignon, a très sérieu
sement envisagé le suicide.
D'abord c'est la conclusion qui s'impose : si l'homme est impossible,
il
faut manifester cette impossibilité en la poussant jusqu'au point où elle se détruit elle-même.
Pour une fois la cause de notre action ne saurait être la matière.
L'être ne produit que de l'être;
si le Poète choisit le non-êt!'e en conséquence de sa non-possibilité, c'est le Non qui est la cause
du Néant : un ordre humain s'établit contre l'être par la disparition même de l'Homme.
Avant
Mallarmé, Flaubert, déjà, faisait tenter saint Antoine en ces termes : « (Donne-toi la mort.)
Faire une chose qui vous égale à Dieu, pense donc.
Il t'a créé, tu vas détruire son œuvre, toi, par
ton courage, librement.
» N'est-ce pas cc qu'il a toujours voulu : il y a dans le suicide qu'il médite
quelque chose d'un crime terroriste.
Et n'a-t-il pas dit que le suicide et le crime étaient les seuls
actes
surnaturels que l'on puisse faire.
Il appartient à certains hommes de confondre leur drame
avec celui de l'humanité; c'est cc qui les sauve : pas un instant Mallarmé ne doute que l'espèce
humaine, s'il se tue, ne viendra mourir en lui tout entière; ce suicide est un génocide.
Dispa
raître : on rendrait à l'être sa pureté.
Puisque le hasard surgit avec l'homme, avec lui il s'éva
nouira :«L'infini enfin, échappe à ma famille, qui en a souffert- vieil espace- pas de hasard ...
Ceci devait avoir lieu dans les combinaisons
de l'Infini.
Vis-à-vis de l'Absolu Nécessaire- extrait
l'Idée.
» A travers des générations de poètes, lentement, l'idée poétique ruminait la contradiction
qui la rend impossible.
La mort de Dieu fit tomber le dernier voile : il était réservé à l'ultime
rejeton de la race, de vivre cette contradiction dans sa pureté- et d'en mourir, donnant ainsi la
conclusion poétique de l'histoire
humaine.
Sacrifice et génocide, affirmation et négation de
l'homme, le suicide
de Mallarmé reproduira le mouvement des dés :la matière se retrouve matière..
»
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