Heinrich von Kleist
Publié le 22/04/2012
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Issu d'une famille d'officiers prussiens, Kleist subit jusqu'à l'aversion l'éducation oppressante qui le destinait à la carrière des armes. Bravant les siens, il quitta l'armée en 1799 pour assouvir sa soif de connaissances. Il étudia le droit et les mathématiques, avant d'être converti par la philosophie de Kant, qui anéantit sa foi dans la valeur du savoir et fit naître en lui un conflit entre raison et émotion qu'il ne résolut jamais, comme en témoignent ses dernières œuvres. Abandonnant ses études, il voyagea à Paris puis en Suisse, où il écrivit sa première tragédie, La famille Schroffenstein, publiée en 1803. De retour à Paris, Kleist, empreint d'un grand sens du dramatique, brûla tous ses manuscrits et s'engagea dans l'armée française. Expulsé de France après une sombre histoire, il se rendit en Prusse où il tenta d'entrer dans l'administration, projet qu'il abandonna tant sa volonté à réussir dans les lettres était forte. En route pour Dresde, il fut arrêté par l'armée française. Il adapta en 1807 l'Amphitryon de Molière, qui lui valut un modeste succès. L'année suivante, il présenta sa comédie en un seul acte, La cruche cassée, produite par Goethe à Weimar. En dépit de la virtuosité des dialogues et du réalisme de la pièce, qui en faisait l'égal des grands drames allemands, l'accueil fut décevant. L'insuccès, l'échec de son journal Les feuilles berlinoises et la détresse financière, poussèrent Kleist à se suicider en 1811 avec sa compagne, au lac de Wannsee.

«
apparence, tournent autour du même problème, que les héros soient en quête d'un absolu, qu'ils
se croient trompés, qu'ils désespèrent; que le style soit celui du désabusement amer, de l'extase,
d'un humour tour à tour tendre et cruel.
Après
la bataille d'Eylau, Kleist est arrêté comme espion et transféré au fort de Joux près
de Besançon, plus tard à Châlons-sur-Marne.
Prisonnier, il travaille inlassablement à Penthésilée.
Rompant avec la tradition du théâtre classique - Shakespeare n'est pas étranger à l'entreprise
- Kleist abandonne jusqu'à la division en actes pour ne respecter que les lois internes de cette
symphonie dramatique.
Dans une sorte d'extase, il crée une langue qui se fait de plus en plus
corrosive
et dont se souviendront les expressionnistes.
Julien Gracq a bien vu « la troublante
actualité de la pièce ( ...
) : le duel inexpiable du couple ( ...
) ---'-- la déchirante, la géniale ambi
valence de ce champ de bataille qui pouvait être tout aussi bien un lit bouleversé - cette suerte
de muerte impitoyable où un homme et une femme, toutes pudeurs abolies, toutes contraintes
larguées, décidés à signifier exemplairement, jusqu'aux extrêmes conséquences, la redoutable
ambiguïté des pulsions qui les traversent, s'étreignent corps à corps, se mesurent, s'atteignent,
de la dent et du couteau, des lèvres et des ongles, jusqu'à la mise en pièces incluse, dans une fureur
d'absolu et d'assouvissement.
»
De Penthésilée- si étrange que cela puisse paraître- il faut rapprocher Catherine de Heilbronn
« grand spectacle historique de chevalerie » mais qui, bien qu'il en comporte tous les éléments,
n'appartient à rien moins qu'au romantisme populaire.
Les deux héroïnes, écrit Kleist, « se
correspondent comme le + et le - en algèbre; c'est le même être, présenté sous des rapports
opposés ».
Or, Catherine annonce déjà les écrits politiques de Kleist qui, remis en liberté, a gagné
Dresde, un des centres de l'opposition libérale.
En vain, il essaie de mettre sa plume au service
de la coalition.
Aucun théâtre ne veut de La Bataille d) Arminius, « pièce, plus que toute autre,
calculée pour l'instant présent », mettant en scène la Germanie dans sa lutte contre Rome,
comprenons : l'Allemagne dans sa lutte contre Napoléon.
Après l'échec du mensuel Phébus, il
fonde les
Berliner Abendblœtter, journal anti-napoléonien.
Mais c'est avant tout dans son dernier
drame, Le Prince de Hombourg, que se cristallise son idéal de la liberté sous forme d'une apologie
féerique
de la Prusse.
En automne r8r r, le roi de Prusse s'allie à Napoléon contre la Russie.
Kleist abandonne
la lutte.
«Il m'est parfaitement impossible, écrit-il le ro novembre, de continuer à vivre; mon
âme est si meurtrie, qu'en avançant mon nez par la fenêtre, la lumière du jour qui tombe dessus
me fait mal.
» Plus d'une fois, il avait cherché une compagne qui accepterait de mourir avec lui;
il la trouva- par hasard - en la personne de Henriette Vogel.
En toute lucidité, Kleist préparait
son suicide.
Le jour de sa mort, le 21 novembre r8rr, il adressa un dernier billet à Ulrike: «Tu
as fait pour moi, je ne dirai pas ce qui est dans le pouvoir d'une sœur, mais dans celui d'un être
humain, afin de me sauver.
La vérité est que, sur cette terre, on ne pouvait rien pour moi.
»
« Chassés du Paradis, nous devons faire le tour du monde afin de chercher un moyen d'y
rentrer », écrit Kleist, dans son essai sur le Théâtre des marionnettes où il déplore que l'homme ait
perdu sa naïveté première, sa grâce.
Pour les retrouver - ce serait « le dernier chapitre de
l'histoire du monde »- « il faudrait à nouveau goûter au fruit de l'arbre de la science ».
Ainsi,
les thèmes
majeurs de l'œuvre de Kleist - justice, liberté, amour - apparaissent comme des
reflets de ce
paradis.
Mais il ne suffisait pas au poète d'imaginer la vérité, il voulut la contempler
en face.
«Jouir, savourer! Comment jouissons-nous? Par la raison ou par le cœur? Or, je ne veux
plus enchaîner celui-ci, ni le torturer; qu'il meuve librement ses ailes, qu'il vole autour du soleil
sans
entrave, son vol fût-il dangereux, comme l'est celui d'un insecte s'approchant d'une lumière.
»
33.
»
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