Exposé de littérature. Biographie de Joseph Roth
Publié le 17/01/2022
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L'homme : du reportage à l'errance
L'oeuvre : retrouver le mythe sous l'histoire
Célébré comme le dernier grand classique de la littérature autrichienne, perpétuel exilé, dont le seul domicile fixe était la langue allemande, Joseph Roth a élaboré un style direct et sans emphase pour évoquer la désagrégation d'un monde et la dilution de son moi. Une lecture quasi archéologique de son oeuvre révèle cependant que, derrière la déploration sans cesse reprise de l'empereur ou du père disparu, se cache la quête passionnée de Dieu.
L'homme : du reportage à l'errance
Joseph Roth est un journaliste et un écrivain autrichien, né d'une famille juive à Brody le 2 septembre 1894 et décédé en exil, à Paris, le 27 mai 1939 : réduite à cette formule lapidaire, la biographie de Roth rassemble les éléments essentiels qui marqueront son oeuvre littéraire. L'apport du judaïsme y est déterminant ; les hommes et les paysages des régions frontalières de la monarchie austro-hongroise s'y retrouvent d'innombrables fois ; les exilés ou les parias de l'existence y occupent de nombreuses pages, et la nostalgie de l'ancienne Autriche transparaît à tout moment. Brody est située en Galicie, une province polonaise qui fait partie de l'empire de François-Joseph jusqu'en 1918. A la fin du XIXe siècle, la cité compte 18 000 habitants, dont 15 000 Juifs. Dès l'enfance, Roth se familiarise avec la tradition et la liturgie hébraïques. Il parle et comprend le yiddish, et il saura assez de polonais pour s'adresser directement au public pendant une tournée de conférences qui le ramènera en Pologne trente ans plus tard. Au lycée d'Etat de Brody, où les cours sont dispensés en allemand, Roth est un excellent élève. Près de la moitié de ses condisciples sont juifs et l'on y enseigne l'hébreu en traduisant la Bible mosaïque : le romancier Joseph Roth en connaîtra les moindres versets, il en aura médité et retenu les leçons ; plus tard il lira les Evangiles et les Épîtres.
«
coûteux.
En raison de ses difficultés financières, Roth accepte de collaborer à un journal aussi chauv in
que réactionnaire, les Müchner Neuesten Nachrichten .
La presse se déchaîne alors contre lui, l'accuse
de palinodie, et la Frankfurter rompt son contrat.
Mais comment aurait-il pu résis ter aux 1000 marks
qu'on lui propose par article et aux 20 000 marks q ui lui sont offerts pour qu'il autorise le journal à
publier l'un de ses romans ? Sa collaboration au Münchner durera jusqu'en mai 1930.
Après
l'internement de Friedl, quelques femmes vont parta ger l'existence de Roth : Andrea Manga Bell, une
ex-épouse d'un chef de clan africain et mère de deu x enfants dont Roth s'occupera pendant les cinq
années de vie commune que le couple passera en Fran ce ; Irmgard Keun, elle-même écrivain et qu'il
rencontre en 1936.
À partir de 1925, Roth, s'il rés ide essentiellement à Paris, séjourne assez
longuement surtout après 1933 dans le midi de l a France où il cohabite avec les grands noms de
l'émigration littéraire, mais il fait encore de nom breux déplacements à l'étranger.
En 1937, l'hôtel
Foyot, situé à Paris au 33 de la rue de Tournon et où il loge d'habitude, est démoli.
Roth s'installe alors
en face, à l'hôtel de la Poste.
Il y occupe une min uscule mansarde, écrit et reçoit au rez-de-chaussée de
l'immeuble, au Café de Tournon, dont la propriétair e, Germaine Alazard, le materne jusqu'à son
dernier jour (elle prendra même soin de sa tombe ju squ'en 1947) : toute l'intelligentsia de l'émigration
défile dans ce bistrot parisien et vient l'écouter.
Un talmudiste de renom est de ses proches, il voit des
Juifs convertis, un prêtre catholique, rencontre de s hommes de gauche comme des partisans des
Habsbourg.
Dès le début de son exil, ses conviction s politiques avaient subi une nouvelle volte-face :
il s'était proclamé monarchiste, se prétendait le f ils illégitime d'un aristocrate viennois et s'était
rétroactivement promu au grade de lieutenant dans l 'armée impériale.
Mais la démarche la plus
singulière de son existence reste sa prétendue conv ersion au catholicisme, qui devait conduire à des
affrontements inattendus le jour de ses obsèques : le prêtre catholique qui était l'un de ses amis voulait
l'inhumer selon le rituel de l'église romaine, mais fut contraint d'y renoncer devant les protestations de
la communauté juive ; assistaient également à l'inh umation les communistes, qui le tenaient pour un de
leurs sympathisants, tandis qu'Otto de Habsbourg av ait fait déposer une gerbe sur sa tombe.
La
cérémonie eut lieu au cimetière de Thiais où son co rps repose toujours.
L'uvre : retrouver le mythe sous l'histoire
Abstraction faite des milliers d'articles, essais ou reportages, l'uvre littéraire de Joseph Roth
compte treize romans et huit nouvelles.
Pour l'esse ntiel, les textes et les correspondances archivés de
Roth sont rassemblés au Leo Beack Institute dé New York (Fritz Hackert, de l'université de Tübingen,
en a fourni un inventaire clair et précis).
Les pre miers romans de Roth, Hôtel Savoy et la Rébellion ,
datent de 1924.
Ils reflètent l'image d'un monde en proie au chaos, celui de l'après-guerre où l'homme ,
désemparé et meurtri, tente de renouer le fil de so n existence.
La singulière fascination que provoque nt
les écrits de Roth s'exerce déjà pleine et entière.
Son style concis et imagé y contribue pour beaucou p.
Il est difficile de se soustraire à l'envoûtement q ue produit la langue écrite par Roth et dont la for ce
d'expression émane de ce que l'on pourrait appeler son « réalisme poétique ».
Peu d'écrivains de
langue allemande peuvent se comparer à lui ; Heine serait sans doute le plus proche, mais l'ironie
tempérée de Roth s'apparente également à celle de S chnitzler ou de Fontane qu'il a beaucoup pratiqué,
et les meilleures pages de son uvre peuvent se mes urer aux grands maîtres de la prose
contemporaine.
Parfois, il les dépasse par le cisel é de ses phrases et surtout par la compassion infin ie
qu'il ressent pour les êtres et les choses.
Le thèm e du retour des combattants se retrouve en d'autres
récits, dans la Fuite sans fin , édité en 1927, ou dans la Droite et la Gauche qui date de 1929.
Il
faudrait y ajouter le Prophète muet, le roman de Trotski qui fut rédigé à la même époq ue, puis égaré et
enfin publié en 1965.
C'est au cours de ces deux ou trois années, entre 1927 et 1930, que Roth prétend
suivre les voies de la « Nouvelle Objectivité » ( Nette Sachlichkeit), un naturalisme anti-
expressionniste centré sur la réalité matérielle, q ui exige la froideur du documentaire et s'interdit tout
jugement portant sur les faits.
Mais en dépit d'une lucidité jamais en défaut, une sensibilité, une
émotion inhérentes à sa nature transparaissent à to ut moment.
Dans toute son uvre, le réalisme se
teinte d'une mélancolie à la fois douce et amère.
D ans Fallmerayer, chef de gare qui paraît en 1933,
Roth revient à l'univers oppressant des provinces o rientales de l'empire où le fatalisme slave s'unit à la
civilisation autrichienne, composé paradoxal de rig ueur et de tolérance.
A nouveau, le héros n'est
qu'un de ces parias de l'existence qui ne parvienne nt pas à maîtriser leur destin et sombrent dans le
néant.
L'année suivante, Roth termine Tarahas, un visiteur sur cette Terre : le titre est d'inspiration
biblique, et le récit recense les diverses étapes d 'une conversion malgré les pogroms, mais, pour
attachante que soit l'intrigue, il est difficile d' en pénétrer le sens réel.
Il en est de même du Contrôleur.
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