ENCYCLOPEDIE: Schiller, Friedrich von
Publié le 12/06/2006
Extrait du document
«
Posa).
La conception du monde, telle qu'elle mûrit, à ce moment-là, dans l'esprit de Schiller,
fait
une place de plus en plus grande à l'homme considéré sous l'angle de ses attaches et ses
devoirs.
Les études historiques feront naître deux chefs-d'œuvre : l'Histoire du soulèvement des
Provinces- Unies ( 1 788) et l'Histoire de la Guerre de Trente Ans ( 1 790).
Là encore, le cours de l'histoire
est conçu
comme l'effet des lois morales de la raison divine.
La vivacité saisissante du récit trahit
le dramaturge.
La leçon inaugurale de Schiller à Iéna : « Que signifie et pourquoi étudie-t-on
l'histoire universelle?
» développe une vraie théodicée de l'histoire, vue comme un perpétuel
progrès vers les sommets de la raison.
Cette conception, proche de Kant, devait encore s'affirmer
après
la première lecture systématique de la « Critique du jugement », lecture que Schiller fit
au moment de sa convalescence, après une grave maladie.
Il produira, au cours de son « époque
philosophique» (1792-1794), son œuvre philosophique capitale, les Lettres sur l'éducation esthétique,
qui est aussi le sommet de l'esthétique idéaliste et de la philosophie classique de la culture.
La
mission de l'art y est définie, avec un pieux enthousiasme, de la manière la plus stricte et la plus
concrète :
l'art seul a le pouvoir, en harmonisant raison et imagination, de faire de l'homme
un être complet.
Schiller s'insurge par là contre l'idéologie de la Révolution française et contre
l'état « naturel » de Rousseau, auquel il oppose un état esthétique.
C'est en juillet 1794 que sera conclue l'alliance spirituelle avec Gœthe.
Schiller développera
encore sa philosophie du tragique, conjointement avec son enseignement du sublime, dans une
série d'écrits (Sur l'art tragique, Sur le sublime et d'autres), avant de revenir, en 1796, à la création
poétique et d'écrire Wallenstein (1798-1799, paru en 18oo), le chef-d'œuvre de son époque classique
et le prototype de la tragédie classique allemande.
Le ye acte de la Mort de Wallenstein représente
le sommet
de toute l'œuvre dramatique de Schiller.
Il prouve qu'au moment où il fut écrit, la
foi de son auteur dans l'action perpétuelle d'une raison historique s'était troublée.
En opposant
la tragédie du noble libertaire idéaliste Piccolomini à celle du grand réaliste Wallenstein -
l'un broyant l'autre, dans la marche inexorable de la fatalité -Schiller illustre le double aspect
de sa propre personnalité, partagée entre la pure vertu et l'amorale puissance de la volonté.
Suivront rapidement les autres chefs-d'œuvre de la deuxième époque principale : Marie Stuart
(paru en 1 8o 1), la Pucelle d' Orléans ( 1 8o 1-1 802), la Fiancée de Mes sine ( 1 803) et Guillaume Tell ( 1 804) ;
autant de sujets où s'affirment les forces de la raison éthique de l'histoire.
Seule, la Fiancée de
Messine se passe à un moment historique indéterminé.
A deux reprises, l'architecture sévère de
la forme dramatique classique se desserre : dans la « tragédie romantique )) de la Pucelle et dans
Guillaume Tell, ici par des intermèdes musicaux lyriques, là par les moyens du théâtre épique.
Dans la Pucelle, Schiller est sous l'influence de l'idée nationale allemande, placée, elle aussi, sur
un fondement éthico-religieux.
Dans ses pièces de pur style classique, il se rapproche de la forme
des tragédies françaises,
dont il a traduit Phèdre, en même temps qu'il écrivait une adaptation
de Macbeth.
La poésie lyrique, très pénétrée de philosophie ·du Schiller classique, est apparue,
pour la première fois, dans les Poésies (1801-1803); ses réussites les plus complètes sont : les
Artistes, les Idéaux, l'Idéal et la Vie, la Promenade et, parmi les ballades, les Grues d' lbycos.
Emule du
Gœthe épique, Schiller, poète lyrique, s'efforce de donner au monde des idées une réalité palpable
dans l'expression poétique.
Mais il impose même au réalisme de ses évocations du quotidien
bourgeois (Chant de la cloche) une architecture classique équilibrée.
Peu de mois avant sa mort, Schiller s'est attaqué à un thème dramatique russe, Demetrius,
dont il ne put achever, à peu près, qu'un acte et demi.
Plus que jamais auparavant, la forme
dramatique y tend vers l'épique.
Une nouvelle crise de l'idéalisme éthique s'y annonce, mais
une conception radicalement nouvelle du tragique et de la forme théâtrale n'y sont pas encore
perceptibles.
L'idéalisme
éthique et un nouveau réalisme, qui présage Kleist, s'y opposent en
un combat indécis.
Ainsi, peu avant la fatale maladie, dont, de longues années durant, il avait
héroïquement combattu les progrès, le poète du Demetrius a fait à nouveau l'aveu de sa double
nature, éthique et sensuelle, de même que de son insatiable besoin de développement moral, de
sa capacité d'évolution, auxquels ne devait mettre fin que sa mort trop précoce.
21.
»
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