DEVOS Raymond : sa vie et son oeuvre

« Il est déporté pendant la guerre, expérience qu'il dit avoir transposée dans le sketch Ça n'a pas de sens.

Après la guerre, Devos est essentiellement homme de théâtre : il travaille avec Tania Balachova et Henri Rollan, monte des spectacles de cabaret, joue dans la compagnie Jac­ ques Fabbri.

Il figure aussi dans plusieurs films, écrit ou met en scène des pièces de théâtre.

Mais ce sont surtout ses sketches qui vont le rendre définitivement célèbre à partir de 1956 (Caen, la Mer démontée ...

), et qui en ont fait un des auteurs et acteurs comiques les plus impor­ tants de notre époque, dans la tradition moliéresque.

L'art de Devos évoque celui des clowns :corpulence, talents de grimacier, de prestidigitateur et d'homme­ orchestre (Je roule pour vous).

Mais l'essentiel est à chercher dans les textes de ce virtuose du langage (Ouï­ dire, le Savoir-choir).

La fascination pour l'à-peu-près et le double sens (l'Esprit faussé, les Objets inanimés ...

) se prolonge dans l'expérience du dédpublement (Je me suis fait tout seul, l'Auteur critique).

Etranger à la tradi­ tion des chansonniers et peu enclin à rire des vraies valeurs morales, 1' artiste exploite les situations quoti­ diennes et prend les mots au pied de la lettre, frôlant, de la sorte les gouffres du tragique et de l'absurde (l'Etat de poussière, la Chute ascensionnelle).

Dans un univers plus suggéré que montré, la frontière entre réel et irréel s'estompe (la Quatrième Dimension), et l'on pense autant à Lewis Carroll (Face au miroir) qu'à Jarry ou Ionesco.

Mais au moment où l'imaginaire pourrait deve­ nir insupportable, quand le fantastique (le Possédé du percepteur), l'humour noir (le Petit Poussin), la peur de la mort ou le doute métaphysique (L'homme existe, je l'ai rencontré), le désordre du monde enfin (Sens dessus dessous) pourraient se muer en désespérance, le bouffon rétablit l'équilibre par la pirouette verbale, la cocasserie volubile, Je burlesque ou la bonne humeur.

L'intégralité de ses sketches a été réunie dans Matière à rire (1991).

Ces troublantes « histoires de fous >> et le personnage de Devos surmontent l'angoisse par le rire, dans une quête pathétique de la naïveté et de l'innocence d'avant les fractures du langage et de la conscience.

M.-P.

SCHMITT. »