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Cesare Pavese

Publié le 20/04/2012

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Originaire du village de Stefano Belbo, Pavese suivit sa famille à Turin, où il fit ses études scolaires et universitaires. Bien qu'il aspirât à publier ses textes, l'établissement du régime fasciste en Italie qui s'accompagna de l'instauration de la censure, étouffa son ambition créative. Il entreprit la traduction d'œuvres contemporaines durant les années 30 et 40, dont Moby Dick  de Melville et des romans de Joyce, Dickens, Defoe et Faulkner. Plus que tout autre, il contribua largement à populariser la littérature américaine en Italie. Parallèlement, il écrivait dans la revue antifasciste Culture, activité subversive qui se solda par son arrestation en 1935. A sa sortie de prison l'année suivante, il publia son premier recueil de poésies, Travailler fatigue, suivi en 1941 du roman Tes pays. De 1943 à la fin de la guerre, il se réfugia dans la clandestinité, vivant au milieu des résistants sur les collines du Piémont. Après 1945, il écrivit essentiellement des romans et des nouvelles qui, dans un symbolisme puissant, exaltaient les thèmes de la difficulté de vivre dans le monde moderne et les lourdes conséquences du passé de l'homme sur son présent. En 1950, il fut récompensé par le prix Strega pour Le bel été. Peu de temps après, le poète parvenu à “ un calme et las renoncement ”, se donna la mort dans une chambre d'hôtel en avalant un barbiturique. Son journal intime, Le métier de vivre, publié en 1962, révéla un esprit hanté par les expériences pénibles de son propre passé.      

 

« « Vient un jour, écrit Pavese dans son dernier roman, la Lune et les Feux de joie, où un homme pour toucher quelque chose, pour se faire connaître, étrangle une femme, lui tire dessus dans son sommeil, lui brise la tête avec une clef anglaise.

» Les femmes rendent l'homme fou, mais elles le paient cher : les unes se suicident, les autres sont assassinées, et celles qui s'en tirent som­ brent dans la bêtise et la vulgarité d'un mariage dérisoire.

Typique la remarque suivante du Journal: «Une femme qui n'est pas une sotte rencontre tôt ou tard une épave humaine et s'emploie à la sauver.

Elle y réussit quelquefois.

Mais une femme qui n'est pas une sotte trouve un homme sain et elle en fait une épave.

Elle y réussit toujours.

» L'obsession de la violence physique, Pavese l'a transposée dans deux autres thèmes : celui du sang et celui du feu.

Sang et feu des vieux rites campagnards, sang et feu de la guerre.

Il y a d'admirables textes sur la guerre dans les collines autour de Turin, à l'époque de la Résistance contre l'occupation allemande.

Mais tous les rapports humains, dans l'univers de Pavese, ne sont pas frappés au sceau de la violence agressive.

A côté des thèmes forts de l'amour et de la guerre, il y a le thème faible des camaraderies faciles et futiles.

On glisse dans la vie entouré de compagnons, avec qui on erre, la nuit, d'auberge en auberge, de colline en colline.

Vaine disponibilité et vagabondage sans issue : Pavese appelle « frivolité » ce rapport fluide avec autrui, ille dépeint admirablement.

C'est une frivolité tragique, elle aussi, bien sûr.

Sans doute le parallélisme entre les êtires exclut l'affrontement, le drame.

Mais au moins, dans le choc de l'homme contre la femme, il y a, secrè­ tement impliqué, l'espoir d'une libération, l'attente de l'amour absolu qui briserait la sphère de cristal de la solitude; tandis que dans les flâneries sans but entre compagnons désœuvrés, l'idée de salut n'est même pas mise en jeu, chacun reste, par une convention tacite, prisonnier de son destin intérieur.

Les symboles de cette « frivolité » abondent : la fumée des cigarettes, la modulation de la clarinette, l'auberge, le bal, la rue, la plage, l'automobile enfin, où chacun est rivé sur son siège.

Après avoir été, chez les romanciers de la première moitié du siècle, symbole de ce qui dépasse l'homme, joie et ivresse de la délivrance, l'auto est devenue, dans l'univers pavésien, symbole de ce qui enferme l'homme, contrainte et supplice des camaraderies parallèles.

Une seule voie d'issue dans les romans de Pavese : quitter tout le monde, quitter la ville, s'isoler dans les campagnes, se livrer aux rêveries secrètes entre les collines propices : la solitude rustique est une solitude heureuse, l'homme qui contemple le champ de blé n'a point à regretter d'être exclu des rapports humains.

La campagne, en outre, a été pour Pavese le lieu de son enfance.

Rien d'étonnant donc si au fur et à mesure qu'il a avancé dans son œuvre il a déve­ loppé ce double thème de la nature et du passé.

Il a même mythologisé dessus, comme Proust.

L'univers champêtre de l'enfance compose, dit-il, un trésor d'événements «qu'une valeur unique, absolue, arrache à la causalité naturelle et isole au milieu de la réalité ».

Se remémorer ces évé­ nements, en approfondir le sens, voilà ce qui est apparu à Pavese, de plus en plus, comme le seul « métier de vivre » qui vaille.

Pareille philosophie servait à le justifier de ses inhibitions sexuelles et sociales, à déconsidérer par avance tous les efforts qu'il aurait pu faire pour échapper à sa condition d'emmuré.

Peut-être l'a-t-elle aidé à vivre, à être moins malheureux.

Mais c'était un moyen dangereux, une sorte de mise à la retraite prématurée, une anticipation à peine déguisée du suicide.

Restent des pages très belles, de méditation contemplative.

Tenant à la fois d' Amiel et de Baudelaire, Pavese est un témoin exemplaire de notre temps.

Son œuvre se définit par une double postulation vers une connaissance objective (l'amour, la guerre) et vers une extase subjective (la solitude, la mort).

A la fois refus et exaltation de l'homme intérieur, elle se situe au croise­ ment des littératures purement réalistes et des littératures purement individualistes.

C'est dire toute son importance dans l'histoire des poétiques contemporaines.. »

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