BOILEAU
Publié le 02/09/2013
Extrait du document


«
Arme-toi, France; prends ta foudre,
C'est à toi de réduire en poudre
Ces sanglants ennemis des lois.
Suis la victoire qui t'appelle,
Jadis on vit ces parricides, Mais bientôt le ciel en colère,
Aidés de nos soldats peifides, Par la main d'une humble bergère
Chez nous au comble de l'orgueil, Renversant tous leurs bataillons,
Briser les plus fortes murailles, Borna leur succès et leurs peines :
Et va sur ce peuple rebelle
Venger la querelle des rois.
Et par le gain de vingt batailles Et leurs corps pourris dans nos plaines,
Mettre tous les peuples en deuil.
N'ont fait qu'engraisser nos sillons.
Il est impossible de ne pas penser à la Marseillaise (avec un petit quelque chose du Chant
du Départ : « La victoire en chantant ...
La République nous appelle ...
»).
Mêmes rimes : parricides et per
fides, bataillons et sillons, orgueil et cercueil (au lieu de deuil), mais l'« idée » est la même.
Le ton est
identique, le refrain est
une pure et simple imitation de Boileau
Aux armes, citoyens! Formez vos bataillons!
Marchons (bis), qu'un sang impur abreuve nos sillons!
Mais qu'y aurait-il d'étonnant à ce que Boileau, bourgeois cartésien et poète bourgeois,
ait inspiré le chant de la Révolution du tiers état ? Son dégonflement des poètes précieux et des
aristocrates attardés, sa révolution littéraire
prépare l'autre, celle qui décapitera les rois (« funeste
sacrifice
», lorsqu'il s'agit de Charles Ier), de même que lorsqu'il écrit en «honnête homme»:
Tant de fiel entre-t-il dans l'âme des dévôts,
ou Abîme tout plutôt, c'est l'esprit de l'Eglise
ou Et, sans distinction, dans tout sein hérétique,
Pleins de joie, enfoncer un poignard catholique,
il annonce le théisme, puis l'athéisme pratiques qui transformeront la Sainte-Chapelle en magasin
de farines et feront du bois de chauffage avec son lutrin.
Un lutrin immortalisé, il est vrai.
Quelles que soient l'importance et la beauté des Epîtres
et des Satires (et de l' Art Poétique), elles demeurent attachées à leur époque, figées dans leur temps,
répartissant les droits
et les fonctions du passé et du présent.
Le Lutrin est, par contre, une œuvre
d'une grande nouveauté, très voisine du Roman Bourgeois de Furetière (ami de Boileau) et tournée
vers l'avenir, c'est-à-dire le « vrai » et le vrai bourgeois.
Rapprocher un poème d'un ouvrage
en prose ne fait pas de difficulté dans ce cas, puisque Boileau en signalant la nouveauté de « ces
poèmes
en prose que nous appelons romans » en a par là-même reconnu la nature.
Le Lutrin
met un point final à l'épopée, il accomplit Don Quichotte, il inaugure le roman en France et annonce
à la fois Candide et Bouvard et Pécuchet.
Quant à la poésie de Boileau, je n'y insisterai pas.
Il n'est plus nécessaire de l'expliquer
ni
de la défendre.
Seuls, quelques esprits conservateurs se refusent à l'admirer.
Boileau naquit en 1636, l'année du Cid.
Chapelain fondait l'Académie française.
L'année
suivante paraîtra le Discours de la Méthode et deux ans plus tard naît Louis XIV.
Lorsque Boileau
meurt, en
171 l, Montesquieu a vingt-deux ans et Voltaire dix-sept.
Rousseau naîtra l'année sui
vante et Diderot deux ans plus tard.
Et Louis XIV meurt quatre ans après son historiographe :
on sait que le travail de Boileau et de Racine disparut au cours d'un incendie, à Saint-Cloud,
en l 726.
On ne déplore pas sa perte malgré le grand nom de ses auteurs.
Ceux-ci semblent avoir
manqué de zèle dans leur tâche.
Un commis au Trésor disait : «On n'a encore rien vu de la main
de ces deux messieurs, en leur qualité d'historiographes, que leurs noms au bas des quittances.
»
Solution élégante aux problèmes du langage et de l'expression.
RAYMOND QUENEAU
de l'Académie Goncourt
155.
»
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