Biographie: Emile ZOLA

« ZOLA Emile (1840 - 1902) "La haine est sainte.

Elle est l'indignation des cœurs forts et puissants, le dédain militant de ceux que fâchent lamédiocrité et la sottise…", s'exclame Émile Zola dans la préface de Mes haines.

Pour s'imposer dans le mondelittéraire, il faut savoir jouer des coudes, se distinguer de ses illustres aînés, quitte à les critiquer, et trouver sapropre voie.

En tout cas, une chose est certaine, il faut échapper à l'emprise de cet immense écrivain "dont lespieds posent au seuil du siècle et dont la tête, toujours droite, semble vouloir s'enfoncer dans le siècle futur" (VictorHugo).

Il faut également se démarquer de l'idéalisme ou de la réaction catholique incarnée par Barbey d'Aurevilly,l'auteur d'Un prêtre marié (1865).

Définissant l'œuvre comme "un coin de la création vu à travers un tempérament",Zola préfère, et de loin, Balzac à Stendhal.

"Prenez un personnage de Stendhal : c'est une machine intellectuelle etpassionnelle parfaitement montée.

Prenez un personnage de Balzac : c'est un homme en chair et en os, avec sonvêtement et l'air qui l'enveloppe.

Où est la création la plus complète, où est la vie ? Chez Balzac, évidemment."Quinze ans après la publication de l'Introduction à l'étude de la médecine expérimentale (1865) de Claude Bernard,Zola pose enfin la question essentielle : "Puisque la médecine, qui était un art, devient une science, pourquoi lalittérature elle-même ne deviendrait-elle pas une science, grâce à la méthode expérimentale ?" Passionné par lesdécouvertes scientifiques de son temps, notamment celles qui concernent l'hérédité, Zola va, à travers "l'histoirenaturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire", montrer les fatalités physiologiques de l'hérédité et dévoilerles ravages d'une névrose originelle.

L'affaire est entendue : pour Zola, le romancier est fait d'un observateur etd'un expérimentateur : "L'observateur chez lui donne les faits tels qu'il les a observés, pose le point de départ,établit le terrain solide sur lequel vont marcher les personnages et se développer les phénomènes.

Puis,l'expérimentateur paraît et institue l'expérience, je veux dire fait mouvoir les personnages dans une histoireparticulière, pour y montrer que la succession des faits y sera telle que l'exige le déterminisme des phénomènes misà l'étude.

[…] En somme, toute l'opération consiste à prendre les faits dans la nature, puis à étudier le mécanismedes faits, en agissant sur eux par les modifications des circonstances et des milieux, sans jamais s'écarter des loisde la nature.

Au bout, il y a la connaissance de l'homme, la connaissance scientifique, dans son action individuelleet sociale." (Le Roman expérimental, 1881).

Comme le rappelle Henri Guillemin, dans un article du Monde daté du 15février 1967, aucun écrivain n'a peut-être été aussi attaqué par les milieux littéraires et les critiques que Zola.

Cen'est pas un homme "du monde", déclare Paul Bourget dans la Revue des Deux Mondes du 15 juillet 1873, c'est ungoujat dont les descriptions "aboutissent à des comparaisons sensuelles qui révoltent.

[…] Jamais un mot qui parlede l'âme." Dans le Journal des frères Goncourt, qui sont un peu les commères du monde des lettres, rapportant lesragots petits et grands, colportant les on-dit et les méchancetés des autres ou d'eux-mêmes, Zola est couvert deboue.

Quand ce n'est pas Edmond qui l'assassine, c'est Alphonse Daudet qui le traite de "fouille-merde […] poussantdevant lui un étron" (Journal, 21 février 1884).

Dans Le Temps du 28 août 1887 et L'Univers illustré du 10 septembrede la même année, Anatole France laisse entendre que son œuvre n'est qu'un tas d'immondices et qu'il a le "goût del'ordure".

Ces critiques acerbes et violentes, parfois ordurières, montrent combien, à l'époque, la fresque desRougon- Macquart et, partant, les descriptions naturalistes où le peuple occupe souvent la première place,choquent le "beau monde" et le Tout- Paris littéraire.

Mais, pour rendre justice à Zola, laissons le mot de la fin àHenri Guillemin, une façon de montrer aussi que tous les critiques ne sont pas des ânes bâtés : "A-t-onsuffisamment remarqué que le fameux style oral dont Céline a tiré des merveilles - je dis bien : des merveilles - maisdont il se proclamait l'inventeur, c'est Zola, le Zola de L'Assommoir, qui lui en avait donné l'exemple ? Dans ses notespréalables pour cet ouvrage-là, Zola indiquait son option : Le style ? À toute volée ! Et sa trouvaille, sa puissantetrouvaille, fut d'écrire (style indirect et direct en même temps) dans leur langue ce que pensent à mesure sespersonnages.

Pas de coupure.

Il continue sur sa lancée, mais, tout à coup, ce n'est plus lui qui nous parle, c'estGervaise, c'est Coupeau.

Ils nous parlent pendant qu'ils agissent.

Nous sommes soudain au-dedans d'eux, et ce sontleurs pensées, leurs mots que nous entendons.". »