André Malraux
Publié le 17/01/2022
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« Le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas. « Écrivain, aventurier, combattant, ministre gaulliste, amateur d'art, André Malraux possède de multiples visages et plusieurs vies. C'est l'homme complet du XXe siècle, à la fois dans l'action et dans la réflexion. Intellectuel engagé, il se trouve toujours là où se construit l'Histoire. Ce génie insaisissable a construit une œuvre magistrale à la dimension de son existence, totale et mythique. Né à Montmartre, Malraux s'embarque à vingt ans, avec sa jeune femme Clara, pour l'Indochine. Emprisonné pour avoir volé des statues dans un temple khmer, il prend conscience des méfaits du colonialisme. Porte-parole de l'extrême gauche révolutionnaire, il raconte la révolution chinoise dans les Conquérants (1928). Avec la Condition humaine (1933), couronné par le prix Goncourt, Malraux se bâtit une solide réputation d'écrivain engagé. Mais un autre terrain d'action et d'écriture l'appelle désormais : la guerre d'Espagne. Rangé aux côtés des républicains, il se bat contre la menace fasciste en prenant le commandement de l'escadrille España. Une expérience relatée dans l'Espoir (1937), illustrant le combat que mène l'homme contre l'humiliation, au nom de la fraternité et de la dignité. Profondément marqué par les événements qui secouent l'Europe durant la Seconde Guerre mondiale, Malraux a changé. Dès lors, la lutte pour la grandeur et la survie de la nation doit prévaloir sur la lutte d'hier contre l'injustice sociale. Le militant révolutionnaire s'efface derrière le soldat patriote. Engagé volontaire en 1940, Malraux combat dans les chars d'assaut. Blessé, fait prisonnier, il s'évade et rejoint la Résistance en 1943. Sous le nom de colonel Berger, il crée la brigade Alsace-Lorraine qui délivre les villes de l'est de la France. À la Libération, il rencontre l'homme de son destin, Charles de Gaulle. Dès lors, il ne quitte plus l'homme du 18-Juin, dont il reste, jusqu'au bout, l'un des fidèles. L'écrivain devient son ministre de l'Information (1945), puis des Affaires culturelles de 1958 à 1969. Au-delà de cette fonction, il représente la Culture. Il fait connaître Picasso et l'art nègre à la France, développe les maisons de la culture, fait voyager la Joconde au Japon. Ce dévoreur de civilisations n'est jamais rassasié. Il veut être le premier, le « voyant «, le prophète. Un éclaireur du siècle. Il pouvait parler de tout : des mythes grecs, de l'art khmer, des cubistes, de Gandhi... En marge du pouvoir, Malraux poursuit sa réflexion sur l'art. Dans les Voix du silence (1951) et la Métamorphose des dieux (1957) notamment, il dégage une signification commune à toutes les œuvres d'art : « L'art est un anti-destin. « Toute forme esthétique arrache l'homme de l'emprise du temps. Dans ses Antimémoires (1967) l'écrivain se livre à un flash-back sur les faits essentiels de sa vie, ses rencontres avec les grands hommes (de Gaulle, Nehru, Mao Zedong...), avec la mort et la souffrance.

«
MALRAUX
Aventureux, combattant plutôt que guerrier,
ministre gaulliste, écrivain qui ne met
pas seule
ment, comme on dit, sa vie dans son œuvre,
mais
dont la vie vient après coup confirmer
1' œuvre et l'illustrer.
..
On n'a rien dit quand on
a sommairement décrit; on n'a pas saisi une
personnalité- ou un personnage?- quand on a
énuméré ses aspects divers.
Et il est trop facile
d'expliquer cette diversité par une succession
de reniements.
Que
l'auteur des Antimémoires
ne soit plus le même que celui qui écrivait La
voie royale, qui le nierait? Mais prétendre que
Les chênes qu'on abat « trahit » L'Espoir, c'est
passer bien vite et légèrement sur une évolution
qui
n'est qu'approfondissement, aggravation
d'une même exigence.
L'unité de 1 'œuvre de
Malraux n'est pas dans les réponses qu'elle
apporte à des questions diversement posées, mais
dans 1 'insistance de ces questions et la manière
totale, intellectuelle et charnelle,
dont elles sont
posées.
Contre tous les risques de négation de
l'homme, ces questions retentissent comme son
affirmation permanente.
De l'aventure à la révolution
Né en 1901, André Malraux, après des études
libres d'orientalisme,
se montre très tôt avide
de participer,
par la plume comme par l'action
directe, aux événements décisifs de son temps, et
de
trouver à travers cette participation à la
condition tragique de 1
'humanité les raisons
qu'a l'homme de survivre (1).
De ses voyages en
1.
Après avoir tenté dans Lunes en papier (1921 ), Royaume farfelu (1 928) de créer un univers cocasse et angoissé, 1 'auteur se tourne vers les domaines plus riches
de 1 'aventure réelle : il part en Indochine pour retrouver les statues d'un temple khmer.
Accusé de vol après la
réussite de 1 'expédition, il découvre la sottise cruelle de l'administration coloniale.
Un second séjour en Indochine est consacré au journalisme politique.
Cette expérience de 1 'Asie alimente une première réflexion sur la crise des
civilisations exprimée dans La tentation de l'Occident (1926) et D'une jeunesse européenne (1927).
Indochine et en Chine, de sa participation pro
bable aux réunions
du Kuomintang (1) en 1926,
Malraux tire les éléments de ses deux premiers
romans,
Les conquérants (1928) et La voie
royale (1930).
L'aventure individuelle.
Bien que Les conqué
rants retrace 1
'action des révolutionnaires de
Canton en 1925 alors que La voie royale se
réduit à la marche de l'archéologue Vannee et
de 1 'aventurier Perk en à travers les périls de la
jungle indochinoise, les deux
romans sont une
même exaltation de l'aventure.
Garine, le héros
des Conquérants,
s'attache à la révolution
sociale, mais elle est moins une
fin qu'un moyen.
Il
s'agit d'annuler la vanité de l'existence par la
participation à une « grande action quelconque ».
Les premiers héros de Malraux ne se battent pas
véritablement
pour quelque chose, ils se battent
contre 1 'absurde de leur vie ( 2), de toute vie
humaine guettée par le néant.
L'action héroïque
est l'occasion
d'affronter ce qui menace la vie :
la faiblesse, la souffrance et la mort.
« Jouer sa
vie sur un jeu plus grand que soi », c'est la
dominer, refuser de la soumettre à
l'ordre du
destin.
Dans un univers déserté par Dieu, sans
recours possible à l'infini et à l'éternité,
l'homme
doit tirer de sa faiblesse aggravée par la violence
historique une
grandeur nouvelle qu'il ne doive
à rien
qu'à lui-même.
Privée de signification,
l'existence
humaine s'en donne une en assumant
et en dépassant son non-sens dans l'action et la
méditation.
Car l'aventure dangereuse n'est pas
une fuite aveugle, une anesthésie
de l'esprit en
1.
Parti nationaliste chinois qui comprenait à l'époque de nombreux éléments communistes.
2..
»
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