ANDRÉ ADY
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
La poésie politique d'Ady est dominée par le conflit permanent entre son tempérament explosif et les conditions arriérées de son pays natal. Il se vit sous les traits d'un Zarathustra chantant dans la Puszta désertique, ou d'un jardinier dont les fleurs exquises, cultivées avec amour, sont écrasées par le troupeau. Il s'incarne dans le paon rouge, symbole populaire de l'incendie et qui se pose menaçant sur le toit de l'hôtel du Comitat, siège de la réaction. En face d'une Hongrie féodale, maintenue par les propriétaires des latifondes en un état de dégradation séculaire, Ady se pose comme l'annonciateur des espoirs indicibles de la révolution. Jamais encore poète n'aura fustigé son peuple avec une fureur aussi désespérément amoureuse. Car il aimait sa race d'Asiatiques égarés aux confins de l'Occident, ces descendants des Huns, guerriers prodigieux et inutiles. Combien à Paris, dans « son beau maquis «, il se sentait dépaysé, exilé, terriblement étranger avec sa langue incomprise, son irréparable solitude, son impossible nostalgie d'une Hongrie qu'il eût aimée semblable à la France!
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de merveilleuses images éclatent brusquement, dont on ne saurait dire d'où elles viennent ni vers où
elles tendent.
S'il y eut chez Ady- comme chez le héros du Docteur Faust de Thomas Mann
un engagement avec le Diable, c'est à cette époque-là, vers 1903, à Nagyvàrad, qu'il l'a signé.
C'est
là qu'il contracta la maladie qui le stimulera en le détruisant; c'est là, aussi, qu'il fit
connaissance avec la
« femme de sa vie », Adèle -il la baptisera Léda -juive mariée, belle,
superbement intelligente, passionnée.
Il la suivra à Paris.
On pourrait composer tout un volume des poèmes inspirés à Ady par les séjours, plus ou
moins prolongés, qu'il fera entre 1904 et 1914 dans la capitale française.
On n'y reconnaîtrait
qu'avec peine le Paris réel du début du siècle- celui-ci se reflète mieux dans les correspondances
qu'Ady envoyait à divers journaux de Budapest.
Pour le poète, Paris fut tantôt une lumière aveu
glante,
la source d'une indicible ivresse, tantôt une étrange «jungle» peuplée de monstres, hantée
par des démons, une jungle obligeant à vivre dangereusement, intensément.
La poésie de Baude
laire,
de Verlaine, de Verhaeren, de Richepin, que cet attardé, qui sera un annonciateur, découvre
grâce
aux traductions improvisées que lui en fait sa Léda, l'encourage à assumer son tempérament,
son mystère à lui, son étrangeté.
Là finit la médiocrité et commence le génie.
La langue hongroise,
sa syntaxe,
ses figures, sont bouleversées par le poète au grand scandale de ses compatriotes.
En
1905, ses .Nouveaux Poèmes envahissent la Hongrie, la divisant immédiatement en deux camps :
celui des
« Adystes » et celui des « anti-Adystes ».
Ce fut une véritable déclaration de guerre à
toutés les traditions non seulement esthétiques mais aussi morales et politiques.
Ady devient le
porte-pan;>le, le drapeau du radicalisme et, plus tard, du socialisme naissants.
En 1908, grâce à la prodigalité du baron Louis Hatvany, écrivain, critique et mécène par
surcroît, la jeune littérature hongroise put se grouper autour d'une revue intitulée -son titre
déjà fut un programme et une provocation - .Nyugat, ce qui veut dire : Occident.
Aux côtés de
lgnotus -le plus âgé de l'équipe, de Michel Babits, de Désider Kosztolànyi, de Sigmund Moriez,
de
Milan Füst, de Frédéric Karinthy, André Ady fut le collaborateur le plus assidu de cette
revue,
dont l'influence en Hongrie se compare à celle de la .Nouvelle Revue Française en France.
En butte à des attaques incessantes du parti conservateur dirigé par le comte Istvan Tisza, Ady
poursuit son offensive créatrice avec une fécondité prodigieuse et enfiévrée; chaque année est
marquée par la publication d'un nouveau recueil de poèmes.
Faisant la navette entre Paris et
Budapest, confiant à la presse avec une sincérité, une impudeur pathétiques toutes ses pensées,
ses humeurs les plus secrètes, André Ady fait figure de poète révolutionnaire, dans le sens le plus
complet du terme.
Puis éclate
la guerre, une guerre qu'il éprouve dès son premier jour comme un affront per
sonnel,
comme un attentat contre son peuple, contre la Révolution, contre l'humanité.
Fouetté
et déprimé par la maladie, qui, s'aggravant, se confond avec son art hallucinatoire, en proie à des
angoisses, à des
tourments physiques et psychiques intolérables, il emprunte le langage des pro
phètes d'Israël pour prédire la catastrophe, la tragédie nationale.
Il prêche contre la guerre, il
interpelle Dieu, il fraternise avec la Mort dont il hâte la venue par une consommation obsédée
d'alcool.
Sa rupture avec Léda - la rupture définitive, car il y eut nombre de tentatives de
rupture avortées -lui inspire des accents inoubliables.
Fuyant une solitude écrasante, les
visions
d'une fin du monde qui le tourmentent, il cherche refuge dans un nouvel, un dernier
amour, auprès de la jeune Berta Boncza- la Csinszka de ses poèmes - qu'il épouse en 1915.
Il passa la plus grande partie de ces années de guerre dans des cliniques, d'où il s'échappe
souvent pour assouvir sa double soif de femmes et d'alcool et où il revient toujours plus malade,
toujours plus proche
de la démence; quand ce qu'il avait prévu s'accomplit; quand la monarchie
s'écroule et la révolution éclate; quand ses amis radicaux et socialistes, avec à leur tête le comte
Michel Kàrolyi,
Garami, Jàszi, prennent le pouvoir, Ady ne réagit plus aux événements histo
riques.
Il n'est plus qu'un débris humain au regard hébété.
Il s'éteint le 27 janvier 1919.
La révo
lution lui fait des obsèques nationales.
315.
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