Alfred de Musset
Publié le 08/04/2013
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La liaison de Musset avec George Sand est marquée par la trahison : elle le trompe à Venise, alors qu' il est malade, avec son médecin. Lui-même ne s'est pas montré un amant fidèle, mais cette duplicité féminine représente une blessure narcissique qu'il exploitera pour sa création poétique. Sous le nom de Musset-Pathay, le père d'Alfred de Musset a publié notamment une oeuvre complète de Jean-Jacques Rousseau.

«
L'intériorisation des
contradictions
C
ette position en
porte à faux du jeune
homme romantique s 'inté
riorise, chez Musset , en un
réseau de contradictions
déchirantes.
Ainsi, Loren
zo le
pur se travestit en
Lorenzaccio pour délivrer
la cité, mais y perd son
âme ; Fantasio, pour dé
noncer la mascarade
d'un
mariage arrangé, prend la
place
d'un autre en revêtant l'habit
du bouffon, et Perdican, jouant une
femme contre une autre, finit
par
les perdre toutes les deux.
Le dédou
blement affecte
même l'identité
sexuelle des héros : Lorenzo est aussi
Lorenzetta , ou Renzina,
l'homme
« sans épée », le giton supposé du
duc ; Fantasio fuit l'amour de la
princesse, et Cœlio, impuissant à se
déclarer, se
fait doubler par son
confident plus habile.
Enfin, ces
contradictions définissent une écri
ture :
la prose autobiographique de
La Confession utilise à la fois la
première et la troisième personnes ;
la poésie des
Nuits met en scène le
Poète et sa Muse, et le théâtre, fait
pour être lu plus que pour être vu,
multiplie,
en abîme, masques et
dévoilements.
L'Histoire comme
un jeu
de miroirs
L'
Histoire
est l'espace privilégié
de ce jeu de miroirs.
Les pièces
à la manière de Shakespeare, comme
Lorenzaccio, F antasio ou André del
Sarto, campent toujours le jeune
héros dans une époque dégradée.
La
Florence d'Alexandre de Médicis a
NOTES DE L'ÉDITEUR
« Le Parisien [Musset] chez entrave
le poète, le dandysme y corrompt
l'élégance, ses genoux sont roides de
ses sous-pieds ; la force lui a manqué
pour être un maître;
il n'a cru ni à lui, ni
à son
art, ni à ses passions ...
" Le cœur seul
est poète .
" Ces sortes de choses flattent
les dames.
» Lettre de Flaubert à
Louise Colet
(1852).
\~ '! ~ u
sombré dans l'abjection, et le roi de
Bavière, très bourgeois, rit quand
Fantasia retire
la perruque de son
noble invité.
Les jeunes gens peuvent
rêver à Brutus et fomenter une révo-
~
lution, ou se moquer cyniquement de ~
leur temps, ils n'ont pas de prise sur
!'Histoire, sinon de manière bouf
fonne.
Lorenzo tue et meurt en vain,
car c'est !'Histoire elle-même qui
s'est arrêtée, étant désormais vouée
« La Belle Messinienne », dessin de Musset (1843)
à se répéter, au profit des mêmes
personnages vils et désabusés.
« Mon
cœur est navré de solitude », dit
Lorenzo :
c'est toujours à cette
plainte
qu'ouvre la profondeur de
l'espace historique, redoublement
d'un xixe siècle creux.
« La Sorcière », .
dessin de Musset
Lettre de Musset
à l'un de ses amis, vers 1827
« Il est certain que cette obsession de
dédoublement relèverait d'une psychana
lyse .
Le double, on
le sait, n'estjamais ni
innocent, ni neutre.
Il est plus que probable
que
le moi projette, puis évoque et châtie
en lui
un ensemble d'images censurées.
N'est-il pas significatif de
le voir si souvent
apparaître comme un écho négatif et
destructeur
de la joie amoureuse ? La nature
du double ( . ..
) semble bien traduire un vœu
secret
d'autopunition.
» Jean-Pierre Richard,
Études sur le romantisme , Seuil, 1970.
Le mal du siècle devenu
mal d'amour
L
e tragique est, lui aussi, miné par
la contradiction et se dégrade en
burlesque.
Les comédies d'amour de
Musset, ses pièces les plus gracieuses
et les plus jouées, ne s'abandonnent
jamais au pur lyrisme des sentiments.
Le contrepoint des personnages
secondaires, volontiers grotesques,
et des situations à la Marivaux
ridiculisent à peine les déclarations
inavouées, les passions qui se croi
sent sans se rencontrer.
Car on
n'est
jamais deux dans ce théâtre, et le
tiers, souvent victime du couple des
amants, rend impossible
l'absolu
salvateur qui arracherait les héros à
la fange du monde.
Le mal d'amour,
avatar du mal du siècle, autorise
pourtant l'écriture poétique.
N'est-ce
pas ce
qu'intime la Muse au Poète
de la Nuit d'août : « Aime et tu
renaîtras ; fais-toi fleur pour éclore.
Après avoir souffert, il faut souffrir
encore ;
Il faut aimer sans cesse,
après
avoir aimé » ?
« En aimant, la créature rejoint donc 1' acte
même de sa création ; l'extase sensuelle
le remet au plus près d'une source
ontologique.
[L'amour] vise à combler
un manque personnel, mais en faisant dès
l'abord confiance à la plénitude de l'autre,
et de l'être.
On imagine dès lors tous les
dommages que risque de provoquer en une
telle structure d'existence l'intervention
d'un
doute, c'est-à -dire le constat d'une
fêlure, voire d'une
rupture.
» Jean-Pierre
Richard, ibid.
1 Paul et Alfred de Musse t par Fortuné Dufau (vers 1815), musée Carnavalet, Paris/ Lauros-Giraudon 2 Alfred de Musset par ai.
Landelle (1854), musée d'Orsay, Paris/ Giraudon
3 coll.
part.
/ F.dim&li a 4
D ado Djuric / Ed imédia 5 coll.
Vi ollet MU SS ETOI.
»
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