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Whistler: LA MÈRE DE L'ARTISTE

Publié le 14/09/2014

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Et certes celle-ci est digne d'admiration. L'art avec lequel le peintre détache la figure noire en avant de la plinthe noire, le détail de la gra­vure située à droite, dont ne se voit qu'un coin noir et gris, l'élégance légère des den­telles, autant de morceaux de bravoure à la mesure de l'ambition du peintre.

Mais quelle est la nécessité d'une telle entre­prise? De très grands artistes du passé, des peintres contemporains de Whistler, se sont imposé quelquefois la même contrainte d'une peinture en camaïeu de gris pour réussir de grands chefs-d'oeuvre. Velâzquez, en Espagne, Frans Hals, en Hollande, ont ainsi excellé dans l'emploi des noirs et des gris : les Ménines du premier, les Régentes de l'hospice des vieillards du second sont des œuvres célèbres. Au xix' siècle, un grand peintre que Whistler connaît et admire, Édouard Manet, construit de même ses portraits de Berthe Morisot en entrecroisant des touches de noir relevées seulement par les nuances diaphanes d'une robe gris perle. Cet héritage et la volonté de rivaliser avec le grand peintre français don­nent chez Whistler l'Arrangement en noir et gris n°1 : ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le cos­tume de Mrs Whistler évoque moins la mode anglaise de la fin du xix' siècle que les lourdes robes 

« Le Radeau de la Méduse, Géricault (Paris, musée du Louvre) .

Ensemble et (pag e de gauche) détail .

représenter la mort, Géricault s'astreint à la côtoyer en peignant, à l'hôpital Beaujon , des têtes de moribonds ou, dans son atelier , des membres coupés dont il étudie la dégradation.

Rien n'échappe au souci d'authenticité, pas même le décor de l'action : en mars 1819 , le peintre étudie les paysages marins du Havre, ren­ dant plausibles sur sa toile les lueurs matinales du ciel ou les lames qui menacent l'embarcation.

Préparé par ce travail de laborat oire, l'effet est sais issant, d'autant qu'il est accentué par une composition expressive.

•Ün se croit déjà un pied dans l'eau •, note Delacroix , pensant à !'équilibre précaire du radeau, qui forme une diagonale hissée vers le bateau qui , au loin , distille une note d'espoir.

Une allégorie du malheur La scène ainsi restituée suscite l'émotion : on ne manque point d'exploiter celle-ci dans une vigoureuse polémique.

Beaucoup voient s'expri ­ mer là une position antimonarchiste, fustigeant l'incompétence du capitaine de la Méduse, un ancien émigré nommé à ce poste par protec­ tion.

C'es t oublier que Géricault a volontaire­ ment éliminé du titre de son œuvre tous les élé­ ments qui feraient trop explicitement allusion à l ' accident.

Il veut, certes, traiter d'un sujet Théodore Géricault Né à Rouen en 1791, Géricault étudie d 'abord chez Carle Vernet.

Il y affirme la passion du cheva l qui semble guider sa vie et son œuvre .

Il passe ensuite dans l'atelier de Guérin et fréquente assidû­ ment le Louvre .

En 1812 , il obtient son prem ier succès au Salon, avec /'Officier de chasseurs à cheval chargeant (aujourd'hui au musée du Louvre ).

Un séjour en It alie , en 1816-1817 , est pour lui l'occasion d 'une réfle xio n sur les œuvres classiques, influe nce sensible dans les différentes versions de la Course des chevaux barbes.

Ce travail précède l'élaboration en moins d'u n an du monumental Radeau moderne, mais il le fait tout en ménageant la noblesse de l'expression, en éliminant le pitto­ resque et!' anecdote.

Les lithographies publiées dans les journaux pour illustrer l'événement l'inspirent moins que les grandes œuvres de ses aînés : l'enchevêtrement des corps à demi­ nus rappelle le jugement dernier de Michel-Ange et surtout la Chute des damnés de Ruben s.

La figure méditative du père retenant le cadavre de son fils, au premier p lan , est digne de l'antique; enfin, l'exposition des malades et des mourants est proche de celle d'une toile fameuse de Gros, les Pestiférés de Jaffa (180 4).

Les études qui se succèdent montrent comment de la Mé duse , occasion au Salon de 1819 de q uelques remous politiques .

La présentation de l 'œuv re en Angleterre est saluée d'un succès plus franc tandis , que l 'artis te y cultive son intérêt pour les sujets modernes (le Derby d'Epsom, 1821, musée du Louvre) .

Le ré alism e sci en ti fique de Géricault , déjà présent dans les études qu 'il mène à l 'hô pital Beaujon pour le Radeau, trouve son expression ult ime dans les cinq Portraits d'aliénés , où l'artis te se livre à l'observation clinique de la monomanie.

Gé ricault meu rt à 33 ans , en 1824 , après une longue agonie consécutive à plusieurs accidents de cheval.

Géricault épure progressivement son sujet : les uniformes identifiables dans certains dessins disparaissent ici au profit de nudités intempo­ relles.

•L'auteur n'a pas cru devoir indiquer la nation ni la condition de ses personnages.

Sont­ ils grecs ou romains? Sont-ils turcs ou français ? Sous quel ciel naviguent-ils? • s'interroge un cri­ tique, mal à propos.

La misère de l'homme, rendue plus pesante par les tons sourds du colo­ ris, est le motif du tableau .

Est-ce pour indiquer son caractère universel que Géricault place un nègre au somme t de la pyramide formée par l'accum ulation des corps? Voilà une précision lourde de symbole, alors peu remarquée.. »

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