Vassili Kandinsky 1866-1944 Avec l'arc noir
Publié le 10/08/2014
Extrait du document
« Et tout à coup, pour la première fois, je vis un tableau. Dans le catalogue, il était précisé qu'il s'agissait d'une meule de foin. J'aurais été incapable de la reconnaître et j'en étais honteux. J'étais aussi d'avis qu'un peintre n'a pas le droit de peindre de
manière aussi floue. J'avais la vague impression que l'objet manquait dans ce tableau. Et puis je me rendis compte avec un certain désarroi que non seulement l'oeuvre m'enchantait, mais qu'elle se gravait aussi de manière indélébile dans ma mémoire et continuait inlassablement de danser devant mes yeux jusqu'à ce qu'ils en aient perçu le moindre détail. Ce phénomène me paraissait incompréhensible et il me fut impossible d'en tirer la conséquence pourtant simple, en revanche, c'était la force insoupçonnée, que j'avais ignorée auparavant, de la palette du peintre. Elle dépassait de loin tout ce que j'avais pu imaginer jusque-là. La peinture se para à mes yeux d'une force et d'une beauté dignes des contes de fées. Mais en même temps, l'objet, l'élément indispensable du tableau, se trouvait inconsciemment discrédité. «
«
« est essentiellement une surf ace plane recouverte de couleurs
en un certain ordre assemblées
».
Déjà les impressionnistes, puis Cézanne, Gauguin, Van
Gogh étaient assaillis par ce caractère double auquel
l'art
était de plus en plus confronté: d'une part, la représentation
d'objets de
la nature et, d'autre part, les exigences propres à
l'organisation en formes et en couleurs d'une surface plane à
faire vivre.
Mais dans
la première décennie du siècle, cet aspect prit
une importance infiniment
plus aiguë; en effet, les artistes les
plus sensibles à la nécessité d'une reformulation de l'art
étaient préoccupés par la contrainte du motif, par sa disloca
tion, voire par sa disparition que
leurs œuvres annonçaient.
C'était donc, en perspective,
la question de la fin d'un art tel
qu'on l'avait jusque-là entendu, et l'avènement d'un art in
connu, se suffisant de ses propres coordonnées, qui se profi
lait avec urgence; c'est-à-dire un art dit non figuratif, ou
abstrait.
Ce qui n'allait pas sans inquiétude, discussions et
polémiques, et sans engendrer un net rejet de
la part des
conformistes.
Or, c'est justement Kandinsky qui le premier
affronte ce problème
et lui trouve une solution.
Et Avec l'arc
noir
appartient tout entier à ce moment charnière entre la
peinture figurative et la peinture abstraite.
La décision
Kandinsky est né en 1866, dans une famille de négociants en
thé.
Il a donc trente ans quand, en 1896, il décide -c'est
bien le terme -de
se consacrer à l'art.
Il avait fait des études
de droit
et de science politique, mais était déjà intéressé par
l'art russe ancien.
En 1889, lors d'une expédition ethnogra
phique dans
les provinces septentrionales de Russie à laquelle
il avait été convié, il fit connaissance avec l'art populaire.
Il y
avait certes, à ce moment, entre l'étudiant
et l'art une cer
taine affinité, mais rien encore de déterminant.
En 1893,
il
devint assistant à l'université de Moscou, et en 1895, direc
teur artistique d'une imprimerie; pour un an, puisqu'il allait
tout quitter pour mener son expérience d'artiste à Munich, un
des foyers d'émulation du nouvel art..
»
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