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VAN GOGH LA NUIT ÉTOILÉE (analyse du tableau)

Publié le 27/01/2020

Extrait du document

gogh

armillaire, comparable à un planétarium miniature représentant

les positions et les mouvements relatifs des planètes, servait

principalement à vulgariser l'étude de l'astronomieH Wright faisait

surtout de la propagande en faveur de la diffusion de la

science pour le compte de ses amis de la Lunar Society, laquelle

contribua grandement à lancer la révolution industrielle.

Les membres de la Lunar Society avaient aussi une profonde

admiration pour un autre artiste, Johann Heinrich Füssli, qui

entretint avec eux d'étroits rapports. Füssli était fasciné par

l'astronomie et le vol dans l'espace, ainsi qu'en témoigne son

illustration pour le Paradis perdu de Milton édité par F.]. Du

Roveray en 1802, illustration intitulée Uriel observant la chute de

Satan (III. 6). En représentant l'instant où Satan et ses anges

rebelles sont chassés du ciel (livre II, vers 768 et suiv.), Füssli

traite la scène du point de vue d'un observateur galactique. Il

s'agit en fait d'une vision de l'espace interplanétaire, où Satan -

« Il est précipité la tête la première du haut de l'éther» - laisse

une traînée de poussière cosmique et de feu comme une comète

courant dans l'univers illimité. L'expulsion de Satan et la séparation

consécutive du ciel et de l'enfer sont ici l'allégorie de l'explosion

originelle de la matière et de sa division en planètes. Un tel

événement ne pouvait être représenté comme s'il était vu depuis

la terre, mais seulement depuis un point du cosmos.

Un ami de Füssli, William Blake, fut lui aussi très proche de la

Lunar Society, et son oeuvre abonde en références astronomiques

au ciel nocturne, en particulier Milton A Poem (ill. 7) où le ciel

étoilé apparaît faussement aux sens tant qu'on conserve

l'impression que la terre est« un globe roulant dans le Vide ». Le

« Tyger » de Blake a sa source dans l'astronomie, dans la constellation

circumpolaire du Lynx, ou Tigris, « brulant et brillant/

Dans les forêts de la nuit ».

Quant au peintre allemand Philipp Otto Runge, il affirmait que

le spectacle céleste était l'une des expériences de la nature qui lui

inspiraient le sens de l'Infini et le tournaient vers l'Esprit divin.

Son intérêt pour l'astronomie se manifeste de la manière la plus

frappante dans sa série sur Ossian, commandée par l'éditeur Perthes

pour illustrer la traduction par Stolberg des poèmes de Mac

Pherson. L'épopée d'Ossian est elle-même pleine de métaphores

lunaires, d'étoiles filantes et de comètes éclatantes, témoignant

de l'enthousiasme de l'époque pour la météorologie et l'astronomie.

L'étude de Runge pour Ossian (ill. 8) représente le barde

La Nuit étoilée de Van Gogh, peinte il y a juste un siède, constitue l'un des

tableaux les plus significatifs, mais aussi les plus mystérieux, du célèbre artiste.

jusqu'alors, cette oeuvre avait été traitée de manière plutôt émotionnelle et mise

en rapport avec la folie de Van Gogh. La présente étude emprunte un aurre

chemin ; pour la première fois, Boime analyse le thème : les étoiles. li découvre

ainsi que Van Gogh se consacrait avec passion à l'astronomie et à l'astrologie, et

qu'à travers cette oeuvre, il cherchait véritablement à lire sa destinée dans les

étoiles. Le ciel nocturne, à la fois sombre, mouvementé et d'une grande luminosité,

apparaît donc aussi bien comme une interrogation sur l'avenir du peintre

que comme le modèle utopique du salut de l'humanité, en étroite liaison avec

!'Exposition universelle de 1889.

environnement non conompu. Van Gogh concevait le spectacle

du ciel comme une source d'énergie morale, et cette conception

était inspirée et nourrie par les écrivains qu'il admirait le plus.

Ses références nombreuses à Andersen, à Carlyle, à Longfellow et

à Whitman sont souvent liées à l'expression de l'expérience religieuse

par des métaphores astronomiques. Pour désigner la réalité

divine, il reprend leurs termes non théologiques, tels

qu'« Infini», «Immensité» et<< Force »41 . C'est \\Vhitman qui

lui venait particulièrement à l'esprit lorsqu'il était préoccupé par

ses scènes nocturnes en septembre et octobre 1888 : il louait le

poète américain car celui-ci « voit dans l'avenir et même dans le

présent, un monde de santé, d'amour charnel large et franc,

d'amitié, de travail avec le grand firmament étoilé, quelque chose

qu'en somme on ne sait appeler que Dieu et l'éternité remis en

place au-dessus de ce monde42 ».

Cette caractéristique fondamentale de l'arrière-plan imaginaire

du tableau de Van Gogh est préfigurée dans un dessin du peintre

américain William Morris Hunt (ill 42), qui se référait directement

à Longfellow et à Emerson et, à travers eux, à Carlyle et à

Whitman - dans l'une de ses dernières oeuvres, en 1879, qui

présente une similitude frappante avec la Nuit étoilée. Il s'agit

d'un fusain représentant la silhouette d'une flèche d'église et un

croissant de lune. La légende reprend un propos adressé par

l'artiste à ses étudiants et rapporté par l'un d'entre eux : «Je sonà

l'éternité l'aurre nuit lorsque je regardai la lune et vis

devant elle la flèche d'une église, doigt dressé dans l'espace. Audelà

de la flèche, la lune. Au-delà de la lune, une étoile fixe. Audelà

de l'étoile, quoi ? L'éternité43. »

Les scènes nocturnes de Van Gogh comportent de semblables

allusions à l'harmonie universelle et à l'éternité, fondées sur des

faits empiriques. C'est sans doute ce qu'il veut dire quand il

affirme que la Nuit étoilée ne se réfère pas de manière explicite à

la religion, mais exprime plutôt « la nature plus pure de la

campagne ». Cet aspect de sa pensée le rapproche des savants et

des géographes de son époque, qui avaient des idées radicales en

matière sociale et qui voyaient dans la campagne une source de

régénération de la société. Le géographe et anarchiste Élisée

Reclus consacra ses travaux à l'étude de la terre afin d'y

apprendre comment améliorer la condition humaine, ce qui

impliquait de considérer la planète relativement au cosmos :

« La terre que nous habitons est un des astres les plus infimes, et

gogh

« La Nuit étoilée de Van Gogh, peinte il y a juste un siède, constitue l'un des tableaux les plus significatifs, mais aussi les plus mystérieux, du célèbre artiste.

jusqu'alors, cette œuvre avait été traitée de manière plutôt émotionnelle et mise en rapport avec la folie de Van Gogh.

La présente étude emprunte un aurre chemin ; pour la première fois, Boime analyse le thème : les étoiles.

li découvre ainsi que Van Gogh se consacrait avec passion à l'astronomie et à l'astrologie, et qu'à travers cette œuvre, il cherchait véritablement à lire sa destinée dans les étoiles.

Le ciel nocturne, à la fois sombre, mouvementé et d'une grande lumino­ sité, apparaît donc aussi bien comme une interrogation sur l'avenir du peintre que comme le modèle utopique du salut de l'humanité, en étroite liaison avec !'Exposition universelle de 1889.

Professeur d'histoire de l'art à l'université de Californie à Los Angeles, Albert Boime s'est fuit connaître par de nombreux travaux sur le XIX' siècle, parmi les­ quels un imporfant ouvrage sur la peinture académique en France au XJX' siècle (1971) et une monographie sur Courbet (1980).

JI est également l'auteur de publications sur Caspar David Friedrich et Daumier.

Collection « Un sur Un » dirigée par Julia Fritsch etjean-Luc Gautier Coordination : Anne Porot Maquette : Jérôme Faucheux © 1989, Fischer Taschenbuch Verlag GmbH, Francfort-sur-le-Main.

Collection « kunststück », dirigée par Klaus Herding.

Titre original : Vincenc Van Gogh.

Die Sremennacht.

Die Geschichie des Stoffes und der Staff der Geschichte.

© 1990, Éditions Adam Biro 17, rue du Louvre, 75001 Patis, pour l'édition française_ Tous droirs réservés ISBN : 2-87660-071-4 Dépôt légal : avril 1990 N° d'éditeur : 0074. »

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