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Un artisan de la scène : Jean Vilar

Publié le 17/01/2022

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Où est Jean Vilar? Tous les gens de théâtre, ou presque, se réclament encore de lui, mais il a disparu des rayons des bibliothèques, remplacé par Planchon, Peter Brook, Antoine Vitez ou même Sylvie Joly ... Quelques libraires spécialisés et des bouquinistes encore se souviennent de celui qui, au sortir de la guerre, lança le théâtre dans une fête le portant vers un public nouveau que l'on appela vite populaire.

« En 1947la municipalité d'Avignon envisage une fête d'été et en propose à J.

Vilar l'animation ; las des petites salles où il joue sans grand succès, celui-ci saisit la chance qui lui est offerte .

Ce sera l à la raison du succès de la formule d'Avignon : son intelligente compréhension du rôle du lieu de représentation ainsi que du répertoire.

Au lieu d'effacer le cadre qui lui est offert, la Cour d'hon­ neur du palais des Papes, pour redessiner un théâ­ tre clos, Vilar plie le théâtre au cadre.

Le 1 •' Festival d'Art dramatique d'Avignon s'ou vre donc, du 4 au 11 septemb re 1947 , av ec le fameux Richard II de Shakespeare dont l' ampleur même sied au cadre , et deux pièces d'auteurs jusque-là réservés aux petites salles : /'Histoire de Tobie et Sarah de P.

Claudel et la Terrasse de midi de M.

Clavel.

Ceux qui ont pu voir Jean Vilar dans le rôle de Richard II ne l'oublieront pas.

Son jeu lui-même soufflait un air neuf .

Ainsi que l'écrit un critique dramatique < < Sur scène , Vilar paraissait long, maigre , un escogriffe d'os et de nerfs alimenté juste d'esprit.

Il allait à grandes enjambées , avec des pas bizarres, comme si les planches eussent été la terre inégale d'une falaise .

Lorsqu'il s'arrêtait, on aurait dit qu'il faisait face à un événement naturel , le ver de soleil, éclipse [ ...

].

C'était un phé­ nomène instinctif d'énergie spirituelle ''· Un lieu est né, re-né , délivré et s'épanouissant à ciel ouvert comme aux temps anciens -lorsque Vilar avait monté Meurtre dans la cathédrale , il n'avait pas oublié que la pièce avait été conçue pour le parvis de la cathédrale de Canterbury - un lieu théâtral conviant le public à faire, selon les souhaits de Vilar , un pèlerinage semblable à celui des gitans des Saintes-Maries de la Mer .

Ce lieu est lieu de culte .

Pour ce culte s'organise un cérémo­ nial rituel.

Une fois franchie la haute porte de la Cour d'honneur , le cercle se referme et commence l 'attente .

Le monde est au-delà du grand mur d'enceinte .

La scène guette la nuit .

Pas de rideau .

Le mystère proche se voile d'une ombre plus pâle qu i est, elle aussi , attente , présage de lumière.

Les oriflammes claquent au vent doux , des trompettes retentissent , solennelles, à l'image de celui qui est le maître de ces lieux .

Au côté « cour "• quelque peu austère , de ce palais d'Honneur s'ajoute très vite le côté « jar­ din ' ' du verger Urbain V : là un théâtre poétique et baroque fait pour les quatre vents de l'esprit et du cœur , la fraîcheur lyrique, le jaillissement du rire ou de la plainte.

1951 est l'année d'un festival éblouissant.

On joue à Avignon le Prince de Hombourg de Heinrich von Kleist , la Ca/andria de Dovizzi do Bibbiena , le C id a vec Gérard Philipe , jeune premier romanti­ que de l'époque, popularisé par le film le Diable au corps.

A l 'intelligence raisonnable de Vilar , pourrait-on dire, s'ajoute la fougue enthousiaste de la jeunesse de Philipe.

Cette même année 1951 voit la création du T.N.P ., théâtre national populaire, dont la direction est confiée à Jean Vilar -re-création plutôt, car son existence remonte en 1920, à Firmin Gémier.

Le T.N . P.

s'installe dans les salles froides , rigides , désespérément immenses du palais de Chaillot, vestige de l'Exposition universelle de 1937 .

Ou plutôt va s'installer , car les troupes de l' o .N .u .

occupent encore les lieux.

Les premières représen­ tations du T.N .P .

se font donc, non pas à Chaillot, mais à Suresnes, où durant deux semaines se ren­ dent 15 000 spectateurs , à Clichy- 20 000 specta­ teurs ; puis des tournées en province, en Europe.

Un vaste mouvement « populaire " se dessine vers le théâtre, aidé peut-être en cela par l'inscription au répertoire de Mère Courage de Brecht (cette pièce sera encore un des grands succès du T.N .P .

après la disparition de Vilar) .

Les premières caté­ gories de spectateurs sont formées de membres d 'associations culturelles, de mouvements de jeu­ nesse .

Conforté par ce succès, J.

Vilar cherche à établir le principe à partir duquel il instaure le théâtre­ service public : permettre aux gens les plus défavo­ risés de retrouver le chemin du théâtre, celui du temps des cathédrale-s et des mystères .

« On sent bien qu'il n'est pas question pour nous d'éduquer un public .

La mission du théâtre est plus humble, encore qu'aussi généreuse.

Comment la définir? Depuis toujours, nous artisans de la scène, en cherchons le sens.

" Idéalisme de Jean Vilar que de chercher à retrouver le spectacle-communion ? Démagogie ? Ce que l'on peut dire aujourd' hui, c'est que si Jean Vilar n'a pas été un démiurge, il a été un créateur de public.

En effet, pendant la période 1951-1956, plus de 2 millions de spectateurs assistèrent à envi­ ron 1500 représentations en France et dans le monde ; pour le seul palais de Chaillot il y eut une moyenne de mille neuf cents personnes par jour.

Un sty le Vilar s'est affirmé : avant tout briser les conventions du théâtre à l'italienne, qui divise au lieu d'unir ; supprimer totalement ou presque les décors, coûteux; utiliser des fonds de velours noir où viennent jouer des faisceaux de lumière mais surtout donner à l'homme, par le théâtre, des raisons de croire, d'espérer .

En 1963, Jean Vilar donne sa démission du poste de directeur du T.N.P .

affirmant par là qu' « on voudra bien admettre qu'il est extrême­ ment ingrat d'être responsable pendant douze ans d 'un théâtre populaire et d'une culture populaire par le théâtre au sein d'une société qui, de toute évidence , ne l'est pas.

" G.

Wilson lui succède; mais Vilar reste jusqu'à sa mort, en 1971, directeur de cette fête qu'il a instituée, le festival d'Avignon, et où il s'entendra conspuer, en 1968 , lors d'une représentation du Living theater : « Vilar au musée! "· Mais était-ce bien par ceux-là même qui avaient demandé : l'imagination au pouvoir ou encore il est interdit d'interdire ?. »

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