Titien LA VÉNUS D'URBINO
Publié le 14/09/2014
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Avec cette peinture, Titien s'inscrit dans une tradition qui remonte à Giorgione, auteur d'un autre nu célèbre, la Vénus de Dresde, qui montre une femme nue dans un paysage de campagne. Cette Vénus-là date d'une trentaine d'années avant celle d'Urbino et Titien la connaît d'autant mieux qu'il l'a lui-même achevée après la mort de Giorgione. La femme qu'il peint en 1538 a d'ailleurs la même pose que la Vénus de Dresde : la seule différence, mais elle est essentielle, est que cette dernière dort, la tête posée sur son bras droit replié, inconsciente, donc, de l'abandon délicieux dans lequel elle est représentée. Par la suite, d'ailleurs, Titien réalise différents tableaux dans la même veine. En 1543, un prélat aux idées larges, le cardinal Farnese, lui commande une autre peinture de femme nue couchée : ce sera Danaé, belle mortelle visitée dans sa couche par Zeus sous la forme d'une pluie d'or (Naples, musée de Capodimonte). Puis
«
viennen t, notamment, une deuxième Vénus,
pour l'empereur Charles Quint, et une autre
Danaé pour le fils de celui-ci, Philippe (Madri d,
m u
sée du Prado).
Pourquoi l'artiste a-t-i l accep té, si tard dans sa
carrière, ces commandes à finalité érotique?
Plus d'une vingtai ne d'années auparavant,
vers
15 15, l'une des prem ières grandes
œuvres de !'art i ste, l'Amour sacré, l'Amour pro
fane (Rome, galerie Borghèse), évoque dans
des termes bien différents le point de vue de
l'artiste sur l'amour .
Le tableau montre deux
femmes éga lement belles et blondes, assises
sur un sarcophage.
L'une est nue, ou presque,
mais sa n udité a un caractère de pureté : elle
est !'Ève d'avant le péché originel - la figure
de la foi, de l'amour céleste.
L'autre est vêtue
avec pudeur mais aussi avec coquetterie : elle
tient
un bouquet - comme la Vénus d'Urbino
- et son poignet gauche est orné d'un bijou .
Elle personnifie l'amour profane, les attache
men ts terrestres.
Le peintre place sa tête un
peu plus bas que la tête de celle qui figure
l'amour sacré, signe de son rang, honorable
mais inférieur.
Sur le sarcophage, enfin, des
reliefs mythologiques montrent une femme
qu'un homme tente d'enlever, un étalon sans
bride, une scène où un homme est flagellé :
allusions
aux excès de tout genre auxquels
mène u ne passion purement physique.
Dans la Vénus d'U rbino, l'évocation de l'amour
charnel est évidemment présente, ne sera it-ce
que par le geste que fait la main gauche de la
femme .
Mais la scène se situe dans l'intimité
d'une maison et
elle est en quelque sorte ren
due licite par la présence des servantes que ne
semble nullement offusquer la nudité de la
femme : peu t-être faut -il voir dans le tableau
une allégorie de l'amou r conjugal, et la belle
jeune femme est-elle une épousée dont les
suivantes préparent la toilette nuptiale.
Une extraordinaire postérité
Pourtant, c'est la force érotique de la Vénus
d'Urbino qui a frappé les artistes qui l'ont regar
dée, plus que son éventuelle signification allé
gorique.
Dans les années qui suivent la réalisa
tion de cette peinture, le thème de la femme
couchée ou faisant sa toilette insp ire les manié
ristes de l'école française .
Jean Cousin peint
une Eva Prima Pandora - Ève première Pandore
- (Paris, musée du Louvre), dont le sens moral
(la femme fautive, qu'elle soit biblique ou
païenne) est
le prétexte à l'évocation d'un
corps féminin nu dans un décor de nymphée.
Son contemporain François Clouet représen te
la maîtresse d u roi Henri N en train de prendre
son bain dans un palais inspiré de celui du
Titien (Diane de Poitiers au bain , Washington,
National Gallery of Art).
La Vénus d'Urbino, Titien (Florence , galerie des Offices).
Ensemble et détail.
Ce nu couché est-il celui d'une femme provocante ou doit -il être compris comme une allégorie de l'amour entre époux?
Cons ervée à la g ale rie de s
O ffi ces à Flo re n ce, la Vénus d'Ur bino est une hui le s ur toil e de
1 1 9 c m d e ha ut sur 165 cm de large.
Pei nte pour l e du c d 'Urbino G uidob ald o de lla Rov ere , la p ein ture f ut a che vée en 1538 .
Ell e
d e meura jusqu 'e n 163 2 à Urbino , pui s pa ssa à Flo re nce .
Bien plus tard, au XIX' siècle, un peintre s'inspire
de la Vénus d'Urbino pour représenter la plus
célèbre, sans doute, des courtisanes de l'art
moderne : /'Olympia de Manet (Paris, musée
d'Orsay) montre une femme nue allongée sur
un divan, le buste relevé par des coussins, tan
dis que, en arrière, une servante noire lui porte
le somptueux bouquet offert par un admirate u r.
La belle et mystérieuse femme peinte par Titien
revit, trois siècles plus tard, sous les traits d'une
petite prostituée française dont le portrait
devait provoquer un formidable scandale.
--+Voir aussi: p.
160 -161 (Le Supplice de Marsyas)..
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