Théâtres de 1930 à 1939 : Histoire

Le CARTEL

En France, le renouveau du théâtre est venu, dans le premier quart du siècle, de l'acteur-metteur en scène Jacques Copeau qui, dans sa salle du Vieux-Colombier, a définitivement affirmé l’importance du metteur en scène et imposé son esthétique du dépouillement, du «tréteau nu». Dans un esprit de fidélité à Copeau, quatre grandes et nouvelles personnalités du monde théâtral — Gaston Baty, Charles Dullin, Louis Jouvet et Georges Pitoëff — fondent en 1927 l’association du Cartel. Le Cartel, fondé «sur l’estime professionnelle et le respect réciproque», où «les soussignés s'engagent à se solidariser dans toutes affaires où les intérêts professionnels et moraux seront en jeu», entend combattre le théâtre commercial qui domine alors et régénérer à la fois l'esthétique et l'éthique de la scène. Il incarnera les défis les plus importants et les plus réussis, jusqu'en 1939.

Gaston baty, uesthète

Animés par les mêmes idéaux, les quatre mousquetaires du Cartel sont en réalité des artistes aux tempéraments différents; ils s’expriment chacun dans un registre original. Gaston Baty est un esthète, un metteur en scène extrêmement raffiné, qui transforme la scène en un lieu de rêve — le lieu de ses rêveries et des émerveillements romantiques. En 1944, il délaissera le théâtre d’acteurs pour le théâtre de marionnettes, poussant jusqu'à sa logique ultime sa passion du dessin, du décor, de l’image et de l’éciairage. 11 avait appelé son premier théâtre la Chimère et, à la manière d'un René Clair, il mit plus en scène des personnages imaginaires que des personnages de chair.

Théoricien paradoxal, il prend le parti des auteurs mais déclare la guerre à «Sire le mot». Curieusement, il est le premier metteur en scène français qui monte Bertolt Brecht (avec l’Opéra de quat’sous, en 1930). Mais il puise plutôt dans le répertoire des auteurs français de son temps, aux pièces légères, morales ou exotiques (Gan-tillon, Lenormand) qu’il monte au Studio des Champs-Elysées, à l’Avenue et au Montparnasse. Ses mises en scène à la Comédie-Française (Musset, Labiche) soumettent les classiques à une confrontation alors inconnue grâce aux artifices et aux magies de la technique.

Charles dullin, le découvreur

Charles Dullin, qui s'installe au théâtre Montmartre et le rebaptise Atelier — d’une manière très significative —, est un paysan comparé à ce grand bourgeois de Baty. Tout Paris sait qu'il dort dans sa loge qui sent l'écurie (son cheval est à côté de lui, il en est tout juste séparé par un mur). Affligé d'une bosse, avec laquelle il compose en grand acteur, il est un apôtre de l’éducation théâtrale : il possède une école, il enseigne (influençant profondément des élèves comme Jean-Louis Barrault et Antonin Artaud) et il monte inlassablement classiques et modernes, dans une forme qui se resserre autour des sentiments essentiels et utilise un rythme halluciné.

Introducteur en France de Pirandello dès 1922, il lance, ou