Télévision Croissance et politique de 1960 à 1969 : Histoire
Publié le 02/12/2018
Extrait du document
Télévision
Croissance et politique
C'est dans les années soixante que la France découvre vraiment la télévision. Ce sont les années du décollage. Le taux d'équipement des ménages est de 13 % en 1960, de 70 % en 1970. En 1960, il n’y a qu'une seule chaîne ; elle diffuse un peu plus de cinquante heures par semaine, et elle n'est reçue que sur la moitié du territoire. Le 18 avril 1964 est inaugurée la deuxième chaîne : elle touche alors 20 % du territoire. En octobre 1967, la couleur, avec le procédé français SECAM, fait une timide apparition chez quelques privilégiés. En 1969 enfin, la première chaîne est reçue sur 95 % du territoire, la deuxième sur 82 %. Quant au nombre d'heures de programmes, il est passé de 56 heures par semaine en 1960 à 115 heures en 1969. La RTF installe en 1963 son siège social dans la nouvelle «maison ronde» du quai Kennedy que les Parisiens appellent bientôt le palais Gruyère, et qui s’ajoute aux grands studios des Buttes-Chaumont, rue des Alouettes, et aux studios de la rue Cognacq-Jay plusieurs fois agrandis depuis les origines. De 1963 à 1965 sont mises en place des stations régionales dans les grandes villes de province.
Parallèlement à la télévision, les Français découvrent un nouveau régime politique. La Ve République a pour premier président le général de Gaulle qui s'intéresse de près au petit écran qu'il considère comme «un magnifique instrument de soutien de l’esprit public», et dont il fait grand usage. Quant à l'opposition, elle est pour ainsi dire interdite de télévision jusqu'à l'élection présidentielle de décembre 1965. En vertu d'une nouvelle réglementation, chaque candidat a alors droit à deux heures d’émission. François Mitterrand met Charles de Gaulle en ballottage, tandis que Jean Lecanuct fait une bonne performance. Mais entre les deux tours, tandis que François Mitterrand se fait interroger par Roger Louis et Georges de Caunes, le général opérera un prompt rétablissement; il est vrai qu’il est plus convaincant et télégénique que jamais dans sa prestation face à Michel Droit.
Réformes et information
La télévision devient ainsi peu à peu un enjeu politique majeur. Mais elle souffre de règles bureaucratiques impropres à ses exigences de fonctionnement. Aussi le nouveau régime multiplie-t-il les tentatives de réformes.
L'ordonnance du 2 février 1959 transforme d’abord l’ancien budget annexe des PTT en établissement public industriel et commercial; mais elle maintient la RTF sous l’autorité du ministre de l'information. En février 1960, les personnels reçoivent un statut avantageux qui proclame le principe du monopole de production. Durant toute la décennie, la RTF produira l’essentiel de ses programmes.
Alain Peyrefitte, ministre de l’information d'avril 1962 à janvier 1966 — sauf une brève interruption à l’automne 1962 — , est en avance sur la classe politique de son temps: il se passionne pour la radio et la télévision. Nommant de nombreux dirigeants, surveillant de près l'information, lançant la régionalisation, il inquiète les personnels de la RTF. Dès son arrivée, il met au point un projet de réforme qui aboutit avec la loi du 26 juin 1964. La RTF devient alors PORTE l'Office de radiodiffusion-télévision française, doté d’un conseil d’administration qui se révélera très vite peu influent et dévoué au gouvernement. Le contrôle est théoriquement relâché, mais la tutelle financière gêne le fonctionnement de la télévision. Seul le nouveau statut des personnels contient une innovation majeure, la suppression du monopole de production.
«
En
1965; la nouvelle direction de la télévision s'attaque aux
réalisateurs.
Elle veut ouvrir l'accès à la profession.
La suppression de
La caméra explore le, temps, l'émission la plus populaire de la télé
vision, fait scandale.
A travers elle, il s'agit de toucher Stellio Lorenzi,
secrétaire général d'un syndicat de réalisateurs jugés trop à gauche.
Ceux-ci doivent alors négocier un nouveau protocole qui affaiblira
sensiblement leur position jusque-là dominante dans l'institution.
Quant aux journalistes, le gouvernement ne les perd pas de
vue.
Un syndicaliste gréviste, Joseph Pasteur, est écané de l'antenne
en 1962.
En 1964, les journalistes sont les premiers intéressés par la
grève du service minimal.
Réclamant un meilleur statut et de meil
leurs salaires, ils font de nouveau grève en février 1966.
Cependant, du côté des programmes, les grands magazines
compensent les lacunes du journal télévisé.
Pierre Lazareff, le grand
patron de France-Soir, associé à Pierre Dumayet, Pierre Desgraupes,
Igor Barrère et Éliane Victor, avait lancé le 9 janvier 1959 Cinq Co
lonnes à la une qui est devenu très vite le grand rendez-vous mensuel.
Pour la première fois, on montre à la télévision française des images
de combats en Algérie, ce qui constitue un parfait contrepoint à la
politique de décolonisation du général de Gaulle.
Outre l'Algérie,
Cinq Colonnes développe les grands reportages à l'étranger.
Et la politique intérieure? Après le ballottage de 1965, le
régime a peut-être le sentiment «d'en avoir trop fait» {Pierre Vians
son-Ponté).
En 1966, un nouveau magazine est produit sur la première
chaîne par Jean Farran et Igor Barrère: Face à face voit un homme
politique ou une personnalité interrogés en direct par des journalistes.
On y découvre un ministre des Finances pédagogue, Valéry Giscard
d'Estaing.
Sur la deuxième chaîne démarre une série de magazines à
l'audience plus confidentielle, sous l'égide de Jacques Thibau, le nou
veau et bouillant directeur de l'antenne, qui sera renvoyé sans mé
nagements en 1968.
On remarque notamment Zoom, d'André Harris
et Alain de Sédouy, qui traite de faits de société (la drogue, les
prisons) et montre une certaine insolence à l'égard des institutions.
D RAMATIQUES,
DOCUMENTAIRES, MAGAZINES
Pour l'ensemble des émissions, les années soixante consti
tuent u,ne sone d'âge d'or dans le souvenir de beaucoup de réalisa
teurs.
A la tête de la direction des programmes, Albert Ollivier suc
cède à Jean d'Arcy en 1960.
Il mourra en 1964.
Historien, gaulliste, il
poursuit l'œuvre de son prédécesseur en l'infléchissant sur un point
particulier : il est favorable au support film, plutôt qu'au direct.
Le film
16 mm se développe alors en même temps que les lourds magnéto
scopes sur bande 2 pouces, apparus en 1960.
La dramatique en dire.ct LA
TÉLÉVISION.
LA
TÉLÉVISION.
Séquence • Poste avancé en Algérie • de la première édition
de Cinq Colonnes à la une diffusée en /959.
Ce magazine présente chaque mois
de grands reportages ti'actualilés.
© J..CJ.
Pierdet · S.F.P.
lean-Christophe Averty crie les Raisins verts en 1963.
© G.
Ga/miche · S.F .P.
disparaît donc très vite.
Après Albert Ollivier, Claude Contamine,
énarque rigide, politiquement hostile aux syndicats et aux réalisa
teurs, est plus soucieux d'audience et de télévision populaire.
Il oc
cupe la direction de la télévision de 1964 à 1967.
La télévision produit alors un grand nombre de dramatiques
originales.
La palme de la popularité revient à La caméra explore le
temps, née en 1957.
Due à Stellio Lorenzi, producteur et souvent
réalisateur, associé à Alain Decaux et André Castelot, l'émission dra
matise les grands moments de l'histoire de France.
On se souvient
notamment de l'Affaire Calas, des Cathares (à propos du bûcher de
Montségur), dernière émission diffusée, et de la Terreur et la Vertu,
consacrée à 1793.
Si La caméra explore le temps suppose une écriture origi
nale, la télévision s'illustre aussi dans les grandes adaptations.
Les
pièces de Racine réalisées par Jean Kerchbron font date.
Deux
grandes émissions ont été souvent rediffusées depuis: les Perses d'Es·
chyle, dont Jean Prat assura la réalisation sur une musique de Jean
Prodromidès {1961), et Dom Juan de Molière, réalisé par Marcel
Bluwal, joué par Claude Brasseur et Michel Piccoli (1%5).
La télé
vision suit aussi le théâtre de son temps: Tous ceux qui tombent, de
Samuel Beckett, est mis en scène par Michel Mitrani en 1962.
Enfin, si la dramatique est reine, le documentaire et le re
portage sont eux aussi des lieux d'innovation.
La télévision part À la
découverte des Français sous la férule de Jacques Krier et Jean-Claude
Bergeret; elle offre des Croquis très remarqués dus à Jean-Claude
Bringuier et Huben Knapp.
Le petit écran présente des métiers, des
hommes, des lieux peu connus, de façon très personnelle; il fait aussi
découvrir la question féminine: Les Femmes ...
aussi, d'Éliane Victor
(1964), traite de la femme au travail, du divorce, de l'éducation.
Dans
un autre genre, Dim Dam Dom (1965), produit par Daisy de Galard,
propose de courts sujets très personnels traitant aussi bien de mode
que de politique et de cinéma, et colle à l'esprit du temps.
G RAND DIVERTISSEMENT
Les années soixante voient l'épanouissement d'un genre té
lévisuel peu connu en France jusqu'alors: le feuilleton.
Il s'agit d'a
bord de «quans d'heure» diffusés avant le journal télévisé.
Au Temps
des copains (1961 ), qui se veut un éclairage bon enfant d'une certaine
réalité contemporaine, succède Jan i
q ue Aimée (1963), histoire senti
mentale d'une petite infirmière.
Le feuilleton américain fait aussi son
apparition sur les écrans français.
Sur la couverture de Télé 7 Jours,
Steve McQueen (Au nom de la loi, 1963) et Robert Stark (les Incor
ruptibles, 1964) concurrencent bientôt Léon Zitrone, le déjà fameux
présentateur du journal et commentateur sportif..
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