Rogier Van der Weyden : LE JUGEMENT DERNIER DE BEAUNE
Publié le 14/09/2014
Extrait du document
«
tenir la balance, main gauche abaissée avec
les doigts légèreme nt éca rtés, répète auss i
celui du Christ, dont il n'est que l'ins tru ment.
Sur les plateaux de la balance , un même per
sonnage, dédoublé, est pesé.
C'est un homme
n u, bea ucou p plu s petit que les ressuscités
sortant de terre.
Il représente l'âme du mort ,
selon l'imagerie traditionnelle de l'époque :
dans les Arts de mourir par exemp le (de petits
livres illus trés de gravures sur bois, qui ense i
gnent la patience à ceux qui agonisent), on
montre un corps nu - généralement un
enfant - sortan t des lèvres du ma lade au
moment de son dernie r soupir.
Ici, l'âme est
évoquée deux fois.
Dans le plateau le plus
bas, situé à droite par rapport au specta teur,
elle se trouve représen tée par ses péchés (ins
cription latine peccata).
Dans celui de gauche,
le plus haut, sont ses vertus (inscription
virtute) .
Il est bien difficile de dire quelle est, dans ce
cas, l' issue du jugement.
L'â me bonne est
dans le platea u le plus lége r - les actes méri
toires du mort pèseraient-ils moins que ses
péchés ? Mais l'élévation et la position, à la
droi te du Christ, du plateau dans lequel elle
se trouve ont une valeur positive qui contre
dit la simple rationaji té de la pesée.
Un seul
tableau , au Moyen Age , résout cette contra
diction dan s le sens de la logi que m oderne : le
Jugement dernier de Hans Memling, au musée
Pomorskie de Gdansk.
Commandité par un
banquie r, c'est-à-dire un homme habitué à
manier de l'argent , à le peser , il montre l'âme
en prière du mécène , Tommaso Portinari,
toujours à droite de Dieu , mais pesant désor
mais assez sur le plateau p our l'enfoncer
davantage que celui qui contient l'effigie de
ses actes mauvais .
Enfer et paradis
Les morts qui ressusc itent sont t o us j eunes et
beaux : ce sont des corps fixés dans leur évo
lution physique à l'âge de 33 ans - l'âge du
Ch rist à sa mo rt.
Auc un indice, sauf parfois la
tonsu re , n'i
ndique leur position socia le ou
leu r fonction, à l'encontre d'autres Jugement
dernier contemporai ns ou antérieurs , qui
doten t
les ress uscités de bourses, de cou
ronnes, de robes ecclésiastiques indiquant
leur état.
Ici, les corps sont nus : tous les
groupes sont éga ux face à la mo rt et au
Jugement.
C'est à peine si l'o n peut remar
quer, peut-être , plus de femmes dans le
grou pe qui s'oriente vers l'enfe r que dans
celui qui s'approche du paradis.
Hasard ou
intention misogyne ...
Une très grande sobriété caractér ise aussi
l'évocation
des deux mondes a n tagonistes,
enfer et paradis.
Rogier se débarrasse de tous
les poncifs qui encombrent la tradition repré
sentative d u Ju gement au XIV' et a u XV siècle.
Il n'y a ni fleurs ni embrassades d'élus dans
son paradis, au contraire de ce que peint, à la
même époque, le dominicain Fra Angelico en
Italie.
Il n'y a pas non plus de cellules pou r
ab riter
des tourments complaisamment
décrits , comme chez Giotto
ou chez
! '
Orcagna, a u siècle p récédent.
L es diables
affreux que représente , par exemple, le
Flamand Dirk Bouts (musée de Lille ), dans les
mêmes années que Rogier, son t également
absents.
Le Jugement se réduit à une évoca
tion à la fois colorée et dépouillée , suscep
tible, peut-être , de parler d 'a utant mieux aux
fidèles.
-+Voir aussi : p.
150-151 (Le Jugement dernier ).
Le Jugement dernier
de Beaune , Rogier Van der Weyden ,
1445-1448
(Beaune, hôtel-Dieu) : le
ret abl e ouver t, ensemble et ditails.
Rogier Van der Weyden
La vie e t la carri ère d e Rog ier Van der We yden s ont connu s par de s
t
ext es d' interpr étation si incertain e
qu'on a pu , un t e mp s, ém ettr e l'hyp othèse qu'ils concernaient plu sieur s a rtistes.
Rogier (dont l e nom fra nça is est « d e la P asture») sembl e être né à
Tournai en 1399 ou 1400 .
Il s'est
s ans do ute form é à partir de 1427 da ns ce tte vill e, d a ns l'ate lier de l'arti ste Robert C a mpin .
Toutefois , un texte le mentionne comm e « m a ître ..
dès 1426 , et il épou se une Bruxel loise pro babl em e nt un pe u ava nt cette da te - ce qui peut signifier un début de carrière à Bru xelles .
Les œ uvre s qu'on con serve de lui sont des huiles sur bois : des c om mand es religieu ses tels le Polypty que du Jugem ent dernie r de Beaun e, la Desc e nte de c roix du Prado , à Madr id , ou la Mise au tomb e au des Off ices, à Flo renc e, e t des portrait s distr ibués s ur deu x volet s (diptyque s) montr ant un donateu r priant dev ant la Vierge.
L'a rtiste, qui acco mplit en 1450 un voyage en Italie , meurt à Bruxelle s
en 1464..
»
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