Piero della Francesca peint les fresques d'Arezzo : LA LÉGENDE DE LA VRAIE CROIX
Publié le 14/09/2014
Extrait du document
«
croix du Golgotha sont extraites du lieu où elles
avaient été enterrées, et celle sur laqu elle Jésus
fut supplicié est identi fiée grâce à un miracle -
la vraie Croix ressuscite u n jeune homme.
Dans
la Défaite de Chosroês par Héracliu s, dans la
Victoire de Constantin sur Maxence , la Croix
donne la victoire à ceux qui s'y rallient contre
leurs ennemis païens.
Un espace neuf
Pour traite r ce thème traditionnel, Piero della
Francesca invente un vocabulaire pictural inédit.
Dans l'lnvention et la preuve de la vraie Croix, une
façade d 'église - censée être un temple de
Vénus, dans la légende - attire l'attention, en
arriè re de l'homme ressuscité.
Faite de pan
neaux rectangulaires imitant des marbres poly
chromes, elle s'ouvr e dans le bas par des arcades
en plein cintre soutenues par des pilastres,
s'ome de médaillons circula ires, se termine, en
haut, par un fronton doublé d'une corniche.
Une telle église n'existe pas encore en Italie à
l
'époque où peint Piero.
Ou plutôt, un monu
ment semblable commence à s'élever, au même
moment, dans une cité située tr ès à l'est
d'Arezzo, sur
la côte adriatique, Rimini.
Là,
depuis 1447, l'architecte et théoricien Lean
Battista Alberti a entrepris d'élever une église
d'un style nouveau, classique : une église à arca
tures et frontons, revêtue d' un placage de
marbres et ornée d'oculi , c'est-à-dire d'ouver
tures ou de motifs décoratifs en forme de cercle.
À gauche de la même fresque, derrière les
hommes occupés à déterrer les croix , surg it une
ville d'une fascinante beauté, au loin entre deux
collines.
Les maisons, les églises, les campaniles
développent leurs volumes cubiques, leurs
plans inclinés blancs, gris et roses, en arrière de
hautes mura illes au tracé également géomé
trique.
Une lumière éblouissante jaillit des murs
de cette ville, où la vie quotidienne s'exprime
Piero della Francesca
Piero della Francesca est né à Borgo sa n Sepolcro entre 141 O et
1420.
Formé à Flor enc e auprès du peintr e Domenico Veneziano , il réa lise sa
première œuvre connue, le Polyptyque
de la miséricorde, dan s sa ville natale , en 1445.
À la mê me époqu e, il com mence à trav ailler pour F e der ico di Mont efeltre, sei gneur d'Urbino : il réa lise ra e n 1465 le
portrait du du c et de la duchesse de
Mont efe ltre (Diptyque d'Urbino , Florence, galerie des O ffice s).
En 1451, il est à
Détail de la Victoire de Consta ntin sur Maxence , Piero della France sca.
par de subtils détails : les trous d'un colombier,
les bancs d'une rue, les barres d'appui des
fenêtres soutenues par des crampons.
Des figures comme des colonnes
Devant ce paysage d'une rigueur admirable , les
personnages se meuvent avec des gestes lents
ou demeurent immobiles, comme dans un rite
sac ré.
À droite de l'invention de la vraie Croix, un
ouvrier s'appuie sur sa bêche, dans un geste
plein de naturel.
Il fait chaud : il a rabattu ses
chausses sur ses mollets et reste en chemise,
cuisses à l' air.
Ce détail pittoresque n'enlève
rien à la solennité de la scène.
D'un bord à
l '
autre de la peinture , les personnages, disposés
comme dans une frise, ressemblent à des sta
tues de marbre vêtues et discrètement colo
rées.
Ils se dressent , droits, les uns à côté des
autres, le bas du corps magnifié par l'ampleur
du vêtement, et même les gestes des terrassiers
ext rayant les cro ix de leur fosse ne les sous
traient pas à cette linéarité •colonnai re•.
Dans les scènes mêmes du cycle où le thème
impose de reproduire un vif mouvement ,
!'artiste
ne se départit pas de ce traitement
presque abstrait.
Dans la Victoire de Constantin
cont re Maxence , ce n 'est pas le moment du com
bat qu'il représente mais l'instant qui suit la fin
de la bataille - lorsque les cavaliers s'arrêtent
devant le fleuve , laissant fuir leur ennemi.
Dans
Rimini , où il peint dans le « temple mala
testien ,, - l'église recons truite par
Alberti - une fres qu e repr ésentant Sig ism ond Malate sta, seigneur du lieu .
L'a nnée su ivante , il comm e nce travailler au cycle d e la vraie Croix, à Arezzo .
En 1460, il peint une étonnant e Flagellation du Christ, aujourd' hui au
palais ducal d'Urbino , et la Vi erge enceinte de la chap elle du cimetière de
Mont erchi.
Il meurt en 1492 à Borgo San
Se
pol cro.
L'invention et la preuve de la
Vraie Croix, Piero della Francesca (Arezzo, S.
Francesco).
la Bataille d'Héraclius contre Chosroês, le corps à
corps des soldats est bien reproduit, mais toute
la partie haute de la fresque montre le jeu ryth
mique des étendar ds déployés dans le ciel e t
des panaches se dressant au-dessus des cimiers.
Une lumière surprenante
Mais le travail du peintre ne porte pas seu le
ment
sur la géomét r ie.
Dans le Songe de
Consta111in 1 Piero della Francesca invente l'une
des prem ières scènes nocturnes de la peinture
occ identale, et l 'une des plus belles.
L'empereur
repose sous sa tente , vaste pavillon conique
soutenu par un piquet central.
Derrière lui sont
rangées à la file , •comme des montagnes autour
d'un plateau •, disait l'historien R.
Longhi, les
tentes des autres chefs, sous un ciel parsemé
d'étoiles.
Constantin a laissé sa tente ouverte à
cause de la chaleur.
Il est veillé par deux senti
nelles à demi assoup ies et par un servite ur assis
sur un banc aup rès de lui, qui somnole aussi.
La
composition, faite de valeurs inhabituelles , des
jaunes, des oran gés, des bruns se détachant sur
le fond bleuté, est illuminée par la lumière que
produ it l e corps de l'ange se p récip itan t vers
l'empereur comme une météorite venue du
haut de la fresque.
La clarté éblouissante,
lunaire, blanchit les é toffes, se réverbère sur les
casques, et fait paraître plus noire , par contraste,
la longue ligne droite d e la lance du soldat..
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