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Modest Petrovitch Moussorgsky

Publié le 22/02/2012

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moussorgsky
Né à Karevo dans une bonne famille de propriétaires terriens, Moussorgsky se destinait à une carrière militaire. Il avait le grade de lieutenant quand il fit la rencontre déterminante, en 1856, de Balakirev et Cui, qui l'incitèrent à quitter l'armée deux ans plus tard pour se consacrer à la musique en autodidacte. Ces trois hommes, entourés de Borodine et Rimski-Korsakov, fondèrent à Saint-Pétersbourg, le groupe des Cinq qui allait devenir un noyau créatif très influent sur la musique russe de l'époque. Ruiné par l'abolition de l'esclavage, Moussorgsky s'engouffra alors sur la voie sans retour de l'alcoolisme et de la décadence, malgré l'amitié indéfectible de Rimski-Korsakov et de Balakirev. Son inspiration, nourrie de souffrances, de visions, de vie populaire donna à ses compositions fulgurantes et instinctives une authenticité, une profondeur humaine dont la résonance fit trembler les conventions classiques. Dans Boris Godounov, un des chefs-d'oeuvre de l'histoire de l'opéra, Moussorgsky donne à ses personnages une impressionnante aura, et surtout il utilise avec une maîtrise inouïe les inflexions de la voix humaine. Debussy fut illuminé par cette couleur dense des mélodies, Ravel orchestra les Tableaux d'une exposition pour piano, Rimski-Korsakov termina des partitions inachevées : tous reconnurent dans les oeuvres de Moussorgsky la profondeur farouche d'un homme en lutte avec le destin, qui disparut tragiquement dans un hôpital militaire de Saint-Pétersbourg.
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« La première grande Oeuvre de Moussorgsky, Boris Godounov, date de 1868-1870.

Le petit cercle des "Cinq" etDargomyshski lui-même, qui touchait déjà au terme de sa carrière, avaient acclamé l'Oeuvre avec enthousiasme aufur et à mesure de sa composition.

Achevée, la partition fut présentée à la direction de l'Opéra Impérial, qui trouvaà redire : cet opéra ne comportait ni ballet ni même rôle féminin.

Moussorgsky remédia facilement à cela en 1871 : ilintroduisit dans son Oeuvre un acte polonais, où une entrée solennelle faisait figure de danse, et surtout le rôleféminin très intéressant de Marina Mnichek ; l'Oeuvre n'en fut pas déparée, mais plutôt enrichie. Ainsi l'Opéra la reçut, et la première représentation eut lieu quelques années plus tard, en 1874.

Ce fut unévénement sensationnel, car à tout ce qui était jeune et, partant, dans l'opposition, l'Oeuvre apparaissait comme unétendard, voire comme un bélier destiné à abattre les positions musicales acquises.

Par contre, la partie mondainedu public était choquée par la rudesse expressive de cette musique ; trente-huit ans plus tôt, elle avait déclaré quel'opéra de Glinka, la Vie pour le Tsar, était de la "musique de cochers".

Le parti du Conservatoire était furieux.

Il yeut des discussions sans fin, et même des intrigues.

Mais somme toute c'était un succès, succès trop polémiquetoutefois.

On était trop échauffé, trop partisan de l'une des factions pour discerner les mérites intrinsèques del'Oeuvre.

Ainsi, après une vingtaine de représentations qui furent un épisode mémorable dans l'histoire du théâtrerusse, elle disparut du programme.

Boris ne fut repris que longtemps après la mort de son auteur, et encore était-ceune version "domestiquée" par son ami Rimski-Korsakov.

C'est seulement de notre vivant qu'on est revenu à laversion authentique, ou plutôt à l'une de deux versions authentiques (si ce n'est une combinaison des deux).Ajoutons que la partition exécutée en 1874, et réduite pour piano et chant, fut imprimée en Russie.

C'est unexemplaire de cette partition, rapporté à Paris par Saint-Saëns, qui a suscité par la suite un intérêt si passionnépour son auteur, en sorte que la renaissance de Moussorgsky commença en France avant même que Boris ne fûtrepris à Saint-Pétersbourg.

Nommons ici, parmi les promoteurs de cette renaissance, J.

de Brayer, le Genevois R.Godet, ainsi que P.

d'Alheim et surtout sa femme, la cantatrice M.

Olénine-d'Alhelm : leur première conférence-audition consacrée à Moussorgsky eut lieu en 1896. Moussorgsky n'avait pas attendu la représentation de Boris pour s'attacher à une nouvelle Oeuvre dramatique : laKhovanchtchina.

De même que Boris, elle empruntait son sujet à une époque troublée de l'histoire russe.Moussorgsky y travailla, avec interruptions, de 1870 à 1881, année de sa mort, et la laissa presque achevée. Évidemment nous ne pouvons donner ici une énumération complète des Oeuvres de Moussorgsky.

Mais il en est unecatégorie qu'il faut mentionner, car c'est à elle qu'est due la renaissance de Moussorgsky, laquelle, comme nous ledisions, a commencé en France.

Ce sont ses chants ou romances, et parmi eux, en premier lieu, les trois cycles : laChambre d'enfants (1873), Sans soleil (1874) et les Chants et danses de la Mort (1875-1877). Ces trois cycles marquent, dans l'évolution de Moussorgsky, des étapes significatives.

On dirait que, profondémentdéçu par ses contemporains adultes, Moussorgsky voulut se délasser et s'oublier parmi ses petits amis aux âmeslimpides, dans la Chambre d'enfants ; qu'ensuite, toujours plus solitaire, il jeta sa première plainte (Sans soleil) ; etqu'enfin il se tourna vers ces images inoubliables de la mort.

Et n'est-ce pas aussi par une apothéose de la mort quefinit la Khovanchtchina, en cette scène finale où les "vieux croyants", traqués par les bourreaux de Pierre le Grand,allument le bûcher sur lequel ils sont montés, pour ne pas tomber aux mains de ceux qu'ils considèrent comme lesémissaires de l'Antéchrist ? Mais pourquoi, dira-t-on, ces plaintes et ces images sombres, puisqu'il y avait encore des hommes pour comprendreMoussorgsky ? La représentation de Boris, en 1874, n'avait-elle pas donné lieu à des manifestations d'enthousiasme,ne fût-ce que de la part d'une minorité ? Sans doute, mais Moussorgsky était déjà occupé à quitter cette position fragile, à peine acquise ; car la série desOeuvres énumérées ne signifie pas seulement un changement dans sa manière d'envisager la vie, mais encore unemodification de son idéal artistique ; et celle-ci était peut-être à la base de celle-là.

Moussorgsky s'apercevait, eneffet, que par les nouvelles tendances manifestées par lui dans la Khovanchtchina, dans Sans soleil et dans lesChants et danses de la Mort, il se détachait même de ses propres partisans.

Ce qu'ils acclamaient dans Boris etencore dans la Chambre d'enfants, c'était la formule réaliste ; mais cette formule, il l'avait déjà dépassée quant à luialors que beaucoup de ses amis et partisans ne l'avaient acceptée qu'à demi.

Dans le cercle des "Cinq", l'uniondisparaissait à mesure que chacun suivait les lois de son évolution propre.

Il y eut donc des dissensions, et mêmedes incompréhensions personnelles.

Rimski-Korsakov était porté à approfondir la technique de son art d'une manièretoute professorale ; Balakirev, le chef intellectuel du groupe, prenait le chemin d'un mysticisme religieux où aucundes autres ne le suivait.

Et avec tout cela, Moussorgsky était rongé par les soucis d'une vie matérielle qu'il ne savaitmaîtriser. Ainsi que nous l'avons dit, il y a entre Boris et la Chambre d'enfants, d'une part, la Khovanchtchina, Sans soleil etles Chants et danses de la Mort, d'autre part, une ligne de démarcation esthétique sur laquelle on ne peut seméprendre, quoiqu'il y ait, çà et là, des transitions insensibles.

C'est vraiment par un enchaînement logique des pluscurieux que Moussorgsky d'abord fut entraîné loin de la majorité de ses contemporains, ensuite loin d'une minoritéqui s'était rangée de son côté.

Essayons de nous l'expliquer. Le point de départ de Moussorgsky avait bien été la doctrine réaliste, telle que la propageaient quelques philosophesou publicistes, esprits forts de l'époque.

L'art, suivant eux, est destiné à représenter la réalité ; la beauté naturelleest supérieure à celle de l'art ; et dans l'Oeuvre d'art un brin de "vérité" vaut plus que toutes les beautés nées de la. »

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