Modest Petrovitch Moussorgsky
Publié le 26/02/2010
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Comme presque tous les compositeurs russes du XIXe siècle et comme les écrivains, Moussorgsky est issu de la noblesse. Mais dans la noblesse il y avait beaucoup de familles ruinées, et celle de Moussorgsky était du nombre. Ainsi sa vie fut-elle pleine de difficultés. Et il n'était pas de ceux qui savent se plier aux nécessités de la vie... Modest Petrovitch Petrovitch Moussorgsky naquit le 28 mars 1839 à la campagne, au district de Pskoff, dans la propriété de ses parents. Il y passa une heureuse enfance. Il aimait surtout les contes que récitait sa vieille bonne, la "nyanya". Le futur compositeur de musique caractéristique s'annonçait en lui déjà à cette époque, car en tâtonnant le piano, il trouvait des formules qui représentaient les personnages des contes de fées. A l'âge de dix ans, Modest Petrovitch entra dans les écoles à Saint-Pétersbourg. Bientôt il passa dans une école militaire ; mais en même temps, il travaillait avec succès le piano. A l'âge de dix-sept ans, il était dès lors officier de la Garde Impériale. Ainsi sa carrière semblait décidée. Mais le jeune officier était de plus en plus absorbé par la musique. Il avait fait la connaissance de Dargomyshski et Balakirev, les deux compositeurs qui détenaient la tradition de Glinka, mort à l'étranger en 1857. Dargomyshski était de vingt-six ans plus âgé que Moussorgsky, Balakirev de deux ans seulement. Balakirev possédait déjà une vaste érudition musicale, et Moussorgsky, se sentant entraîné vers la composition, lui demanda des conseils. Ce furent d'abord des leçons, ensuite des réunions amicales où l'on étudiait les Oeuvres de Beethoven, Glinka, Schumann, plus tard celles de Berlioz et Liszt. Ces réunions furent d'autant plus fructueuses que les deux amis étaient animés du même idéal. Balakirev reconnut aussitôt les dispositions spéciales de Moussorgsky pour la musique dramatique et le dirigea dans ce sens.
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une version "domestiquée" par son ami Rimski-Korsakov.
C'est seulement de notre vivant qu'on est revenu à laversion authentique, ou plutôt à l'une de deux versions authentiques (si ce n'est une combinaison des deux).Ajoutons que la partition exécutée en 1874, et réduite pour piano et chant, fut imprimée en Russie.
C'est unexemplaire de cette partition, rapporté à Paris par Saint-Saëns, qui a suscité par la suite un intérêt si passionnépour son auteur, en sorte que la renaissance de Moussorgsky commença en France avant même que Boris ne fûtrepris à Saint-Pétersbourg.
Nommons ici, parmi les promoteurs de cette renaissance, J.
de Brayer, le Genevois R.Godet, ainsi que P.
d'Alheim et surtout sa femme, la cantatrice M.
Olénine-d'Alhelm : leur première conférence-audition consacrée à Moussorgsky eut lieu en 1896.
Moussorgsky n'avait pas attendu la représentation de Boris pour s'attacher à une nouvelle Oeuvre dramatique : laKhovanchtchina.
De même que Boris, elle empruntait son sujet à une époque troublée de l'histoire russe.Moussorgsky y travailla, avec interruptions, de 1870 à 1881, année de sa mort, et la laissa presque achevée.
Évidemment nous ne pouvons donner ici une énumération complète des Oeuvres de Moussorgsky.
Mais il en est unecatégorie qu'il faut mentionner, car c'est à elle qu'est due la renaissance de Moussorgsky, laquelle, comme nous ledisions, a commencé en France.
Ce sont ses chants ou romances, et parmi eux, en premier lieu, les trois cycles : laChambre d'enfants (1873), Sans soleil (1874) et les Chants et danses de la Mort (1875-1877).
Ces trois cycles marquent, dans l'évolution de Moussorgsky, des étapes significatives.
On dirait que, profondémentdéçu par ses contemporains adultes, Moussorgsky voulut se délasser et s'oublier parmi ses petits amis aux âmeslimpides, dans la Chambre d'enfants ; qu'ensuite, toujours plus solitaire, il jeta sa première plainte (Sans soleil) ; etqu'enfin il se tourna vers ces images inoubliables de la mort.
Et n'est-ce pas aussi par une apothéose de la mort quefinit la Khovanchtchina, en cette scène finale où les "vieux croyants", traqués par les bourreaux de Pierre le Grand,allument le bûcher sur lequel ils sont montés, pour ne pas tomber aux mains de ceux qu'ils considèrent comme lesémissaires de l'Antéchrist ?
Mais pourquoi, dira-t-on, ces plaintes et ces images sombres, puisqu'il y avait encore des hommes pour comprendreMoussorgsky ? La représentation de Boris, en 1874, n'avait-elle pas donné lieu à des manifestations d'enthousiasme,ne fût-ce que de la part d'une minorité ?
Sans doute, mais Moussorgsky était déjà occupé à quitter cette position fragile, à peine acquise ; car la série desOeuvres énumérées ne signifie pas seulement un changement dans sa manière d'envisager la vie, mais encore unemodification de son idéal artistique ; et celle-ci était peut-être à la base de celle-là.
Moussorgsky s'apercevait, eneffet, que par les nouvelles tendances manifestées par lui dans la Khovanchtchina, dans Sans soleil et dans lesChants et danses de la Mort, il se détachait même de ses propres partisans.
Ce qu'ils acclamaient dans Boris etencore dans la Chambre d'enfants, c'était la formule réaliste ; mais cette formule, il l'avait déjà dépassée quant à luialors que beaucoup de ses amis et partisans ne l'avaient acceptée qu'à demi.
Dans le cercle des "Cinq", l'uniondisparaissait à mesure que chacun suivait les lois de son évolution propre.
Il y eut donc des dissensions, et mêmedes incompréhensions personnelles.
Rimski-Korsakov était porté à approfondir la technique de son art d'une manièretoute professorale ; Balakirev, le chef intellectuel du groupe, prenait le chemin d'un mysticisme religieux où aucundes autres ne le suivait.
Et avec tout cela, Moussorgsky était rongé par les soucis d'une vie matérielle qu'il ne savaitmaîtriser.
Ainsi que nous l'avons dit, il y a entre Boris et la Chambre d'enfants, d'une part, la Khovanchtchina, Sans soleil etles Chants et danses de la Mort, d'autre part, une ligne de démarcation esthétique sur laquelle on ne peut seméprendre, quoiqu'il y ait, çà et là, des transitions insensibles.
C'est vraiment par un enchaînement logique des pluscurieux que Moussorgsky d'abord fut entraîné loin de la majorité de ses contemporains, ensuite loin d'une minoritéqui s'était rangée de son côté.
Essayons de nous l'expliquer.
Le point de départ de Moussorgsky avait bien été la doctrine réaliste, telle que la propageaient quelques philosophesou publicistes, esprits forts de l'époque.
L'art, suivant eux, est destiné à représenter la réalité ; la beauté naturelleest supérieure à celle de l'art ; et dans l'Oeuvre d'art un brin de "vérité" vaut plus que toutes les beautés nées de laforme.
Mais suivons cette doctrine dans ses conséquences.
Si seule compte la réalité, la nature du sujet auquel ons'attache, évidemment, n'importe pas beaucoup, et en effet, Moussorgsky pensait bien un peu ainsi, puisqu'il aessayé de transposer en musique les paroles d'une comédie de Gogol telles quelles, en reproduisant par la mélodiel'accentuation verbale.
Mais bientôt il sentit qu'on ne pouvait s'en tenir là.
La subordination de l'art à la réalité étantadmise, il est clair que l'art ne pourra émouvoir qu'en s'attaquant à des sujets en eux-mêmes fortement émouvants.Plus on veut se passer du développement interne et organique dans l'Oeuvre d'art, plus on est poussé vers lessensations aiguës.
Or, les sujets les plus émouvants ne se rencontrent pas dans la réalité quotidienne ; on lestrouve même surtout aux confins du néant.
Ainsi Moussorgsky, en partant d'un point de vue réaliste et leconservant en principe, passa insensiblement au genre fantastique et même à ce profond lyrisme teinté de désespoirdes chants de Sans soleil.
Ici il faut que nous nous arrêtions un moment.
Ces chants, bien qu'ils soient encore un peu rattachés à un milieuréel l'atmosphère brumeuse et morne de Pétersbourg , se placent en vérité dans le domaine d'une réalité toutintérieure, ce qui s'oppose aux doctrines que Moussorgsky admettait dans ses lettres à Stassoff.
Mais...
ne faut-ilpas dire que déjà dans sa période "réaliste", Moussorgsky s'attachait plutôt à la réalité psychologique et à l'émotionintérieure, qu'à la réalité extérieure ? Il est vrai que là, il s'agissait de l'émotion attribuée à un personnage objectif,tandis qu'ici, c'est l'auteur lui-même qui parle, ce qui est le propre du lyrisme.
Mais pratiquement, il n'y a là qu'une.
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