Michel-Ange, Vasari et Jacopo Carrucci
Publié le 22/02/2012
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encore une nouvelle et significative rupture avec les traditions de la Renaissance.
Les courbes complexesapparaissent déjà dans le premier grand travail de Michel-Ange, la Bibliothèque Laurentienne, à Florence, où unescalier bizarre semble littéralement se déverser de la porte d'entrée.
Sur la Colline du Capitole, la place s'ordonneautour d'un centre ovale surélevé, incrusté à l'intérieur d'un trapézoïde forme qui rassemble les concepts du cercleet de l'axe et suggère à la fois mouvement et stabilité.
Les plans fantastiques et excitants des fortifications deFlorence introduisent des formes biologiques qui semblent s'inspirer de l'anatomie des crustacés.
Ce qui est réalisé en plan par le modelage des masses est souligné dans l'élévation par d'autres procédésrévolutionnaires.
Alors que ses contemporains cherchaient à réaliser l'équilibre entre l'invention et la résurrectionscolaire, bien qu'archéologique, des formes antiques, Michel-Ange n'utilisait l'héritage classique que pour catalysersa fertile imagination.
Les colonnes du ricetto de la Bibliothèque Laurentienne ne supportent pas le mur maiss'incorporent à lui.
Autour des fenêtres du Palais Farnèse à Rome, frontons et encadrements abandonnent touteprétention à la logique structurelle pour devenir franchement des motifs décoratifs et sculpturaux ; et à la Porta Pia,l'antique vocabulaire se transforme en royaume de rêve.
Il nous est difficile, au XXe siècle, d'apprécier pleinement lechoc que produisit cette iconoclastie au milieu d'une culture unanime dans ses jugements sur l'orthodoxie classique.
La contribution à l'avenir la plus efficace peut-être de Michel-Ange fut l'exploitation de l'ordre dit "colossal".
C'estune forme qui rattache deux ou plusieurs étages par un immense pilastre partant du sol et montant jusqu'à lacorniche, contrairement à la tradition classique établie qui exige un ordre par étage.
De la manière dont il est utiliséà Saint-Pierre et au Capitole, l'ordre colossal incorpore les éléments horizontaux de la structure dans une pousséeverticale, dramatique.
En fait, la verticalité était si forte que le maître se vit obligé de condamner également latraditionnelle corniche en faveur d'une bordure horizontale pondérée, destinée à modérer la trop apparente pousséevers le haut.
Le sens du conflit est à la base de l'architecture de Michel-Ange comme il est à la base de sa sculpture et de sapeinture.
L'artiste a atteint l'équilibre non pas en créant des formes pacifiques, mais en résolvant le combat entredes forces puissantes.
A Saint-Pierre, la coupole s'élève (grâce à son haut tambour et à sa courbe parabolique) àune hauteur jamais atteinte encore.
Les formes verticales et ascendantes tendent à dominer, mais elles sontfreinées par la répétition d'éléments horizontaux : une attique, trois rangs de "baies" décoratives autour de lacoupole et, finalement, le lourd temple au sommet.
La prédominance de la coupole centrale est encore modérée parla présence de quatre petites coupoles qui l'encadrent en l'annonçant.
Le résultat final de toutes ces innovations du dessin fut de créer une tension qui transcende les éléments statiquesde l'architecture.
Notre oeil est tenu en mouvement par des formes sculpturales qui travaillent en tension graduéejusqu'à un paroxysme et qui suscitent des jeux changeants d'ombre et de lumière.
Nous sommes invités ainsi àexplorer l'édifice du dehors et du dedans, entraînés par l'interdépendance de tous les éléments et par l'équilibretoujours instable des surfaces apparentes.
Mouvement, tension, paroxysme, ce sont là les éléments du stylebaroque du XVIIe siècle.
Ce style, qui s'est largement répandu à travers le monde, doit plus à Michel-Ange qu'àaucun architecte de ce temps.
En 1537, l'Arétin écrit à Michel-Ange : "La perfection du dessin, clé de l'expression picturale, vous est si familièreque vous voyez dans la représentation du corps humain la fin de l'art, c'est-à-dire dans ce qu'il a departiculièrement inaccessible.".
Cette perfection concerne de la même manière l'architecture et la peinture deMichel-Ange.
Or, lui-même n'a pas cessé de se dire sculpteur.
En 1557, alors que Michel-Ange vient d'achever unmodèle en argile de la coupole de Saint-Pierre de Rome, Lenzoni écrit à Michel-Ange : "Vous, si bien avant vous et àvotre époque même certains se sont honorablement illustrés dans tel ou tel art, vous avez été le premier à lespratiquer tous avec un même succès, en sorte que vous demeurerez un modèle inimitable.".Le corps de l'homme est la référence fondamentale de tous les aspects de l'œuvre de Michel-Ange.
Il conclut lui-même l'un des rares textes qu'il ait écrit à propos de l'architecture par ces mots : "Il est certain que les membresd'une architecture restent en liaison avec les membres du corps humain : celui qui n'a jamais été un bon maître de lafigure et donc de l'anatomie, n'y peut rien comprendre.".
Si Brunelleschi et Alberti ont conçu à Florence unearchitecture humaniste qui associe aux exigences de la perpective et des proportions les modèles de l'Antiquité,l'ambition que les papes ont pour Rome ne se satisfait pas de l'élégance des volumes du Quatrocento.
Michel-Angeimpose en architecture un espace total dont toutes les parties semblent déduites, comme les incidences d'unemême pensée globale.
De la même manière, l'ordonnancement du plafond de la Chapelle Sixtine, que Jules II luidemande de décorer de fresques en 1506, se déploie comme un ensemble, quelle que soit la diversité de l'échelledes personnages, le recours à de feintes perspectives.
Les ignudi qui pontuent le plafond de la chapelle sont latransposition de sculptures.
Même puissance des corps, même exigence de beauté.
L'œuvre de Michel-Ange est uneimmense prière.
Et elle est la certitude que la plus haute noblesse de l'homme est son corps.
Alors qu'on lui reprochede peindre des nus encore dans Le Jugement dernier il répond : "Quelle intelligence serait assez inculte pour ne pasvoir que le pied de l'homme a plus de noblesse que son soulier, que sa peau est plus noble que ses vêtements ?".
Vasari, qui naît en 1511, voue à Michel-Ange une admiration absolue.
Il assure à propos de la Chapelle Sixtine : "Envérité les peintres n'ont plus à chercher de nouvelles inventions dans les attitudes et les draperies des figures ou denouveaux modes de tête et de grandeur dans les différentes parties, car tout cela est réuni dans cette œuvremagistrale.".
Pour lui, Michel-Ange est l'aboutissement de l'art qui n'a commencé à retrouver sens qu'avec Giotto.
Le.
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