L'oeuvre de Rimski-Korsakov
Publié le 22/02/2012
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Théoricien officiel, grammairien du groupe des Cinq, il n'est ni le moins attachant, ni même le moins créateur d'entreeux.
Une telle affirmation va peut-être à l'encontre de l'opinion commune ; il convient pourtant de considérer à quelpoint l'obstinée conquête d'un langage aussi parfaitement maître de ses moyens a été chose providentielle etféconde, à quel point, en donnant l'exemple d'un progrès lucide, le compositeur de Mlada a travaillé à l'avènementd'un mode d'expression dont quelques novateurs, et qui n'étaient pas seulement de Russie, ont, autour de lui etaprès lui, tiré avantage.
On tend un peu facilement à oublier cela.
Ce qui y incite, c'est d'abord, précisément, ceque l'on sait, ou croit savoir, de l'homme, de son esprit pédant, de la sécheresse de son Journal (lequel n'estd'ailleurs, il l'a précisé, que celui de sa "vie musicale") ; c'est la curieuse indifférence qu'il y laisse percer à l'égard deses compagnons de lutte, la froideur avec laquelle il parle de leurs recherches communes, l'apparence d'ingratitudedont il fait preuve envers Balakirev, le maître de ses débuts et, d'une façon générale, cette solitude maussade danslaquelle il s'enferme à mesure que sa science et l'autorité de son nom lui donneraient occasion d'intervenir de façonplus efficace en faveur de la jeune école nationale.
C'est oublier néanmoins le désintéressement avec lequel il aservi la partition maîtresse de Moussorgsky ; c'est passer sous silence l'intérêt amical qu'il n'a cessé de porter àGlazounov ; c'est négliger surtout le fait qu'une fois l'époque héroïque révolue, il appartient à chaque ouvrier depoursuivre le travail pour son compte, selon ses aptitudes propres et ses ressources.
Celles de Rimski-Korsakov leportaient, en sa maturité, à exploiter un domaine qui n'était ni tout à fait celui de César Cui et de Borodine, ni celuide Moussorgsky.
Faut-il lui faire grief d'avoir suivi la voie qu'il reconnaissait pour la sienne ?
Le sillon qu'il a tracé est un sillon parallèle à celui de ses camarades de jeunesse, et dont la rectitude est en toutcas digne d'imposer le respect.
Il révèle une volonté d'organisation, une conscience du but à atteindre, fortéloignées de la mentalité bureaucratique que l'on a cru pouvoir, avec plus de légèreté que de raison, attribuer aumusicien de Sadko.
Dès son adolescence, déjà conscient de sa vocation, Nicolas Rimski-Korsakov se consacrepassionnément à la musique Il est dans sa dix-septième année quand il rencontre Balakirev, lui-même âgé de vingt-cinq ans ; sur les conseils de son aîné, il compose une Première symphonie, sans avoir il le reconnaît dans sesMémoires autre chose que "des notions très confuses sur les instruments à cordes".
Aussi bien le résultat n'est-ilpas tel qu'il lui évite de devoir s'engager dans la carrière à laquelle sa famille le destine.
En 1862, aspirant à l'Écolenavale de Saint-Pétersbourg, Nicolas s'embarque sur le clipper Almaz qui, trois ans durant, le promène de Cronstadtà Rio de Janeiro, de Bristol à New York.
Après quoi, nommé fonctionnaire au ministère de la marine, le jeune officierretrouve, un peu désorienté, Balakirev et le cénacle.
Dès lors, sa carrière s'écoulera régulière et unie.
Le seul fait quila marque sera, en 1871, la nomination de Rimski-Korsakov à la classe de composition du Conservatoire (bientôtsuivie, en 1873, de celle d'inspecteur des orchestres de la marine).
Conscient de ses responsabilités, Nicolass'adonne avec une prédilection de plus en plus vive aux problèmes de l'harmonie et du contrepoint, ce qui, pour ledire en passant, ne contribue pas peu à élargir le fossé entre ses anciens amis et lui-même...
Cependant, avec une régularité, une conscience sans défaut, les partitions s'amoncellent.
En 1873, la Pskovitaine,en 1880, la Nuit de Mai.
Puis, s'échelonnant presque d'année en année jusqu'en 1906, Snégourotchka, Mlada, la Nuitde Noël, Sadko, laFiancée du Tsar, Tsar Saltan, Katschéi l'immortel, enfin le Dit de la ville invisible de Kitège.
Parailleurs, Sadko, Antar, le Capriccio espagnol, Schéhérazade, la Grande Pâque russe.
C'est-à-dire opéras, ouvertureset tableaux symphoniques.
Et le Traité d'harmonie, suivi du Traité d'instrumentation, qui nous rappellent que, sous larobe du magicien, le pédagogue exerce son contrôle.
La musique pure musique de chambre ou symphonie est, elle,l'objet d'incursions de moins en moins fréquentes ; il n'y a d'ailleurs pas lieu de le regretter, car, lorsque nulargument ne la sollicite, l'invention du musicien se révèle singulièrement parcimonieuse et scolaire.
Rimski-Korsakovest un visuel, un imaginatif qui aime à broder sur des "thèmes".
Avec cela un technicien prodigieusement habile àdoser les valeurs, un décorateur né.
"Tout de suite après la lecture (de la Snégourotchka d'Ostrovski), note-t-ildans son journal, les motifs commençaient à me venir en tête, les thèmes, les suites d'accords, d'abordinsaisissables, puis de plus en plus nets...
Tout le printemps passa aux travaux préparatoires, et vers l'été j'avaisaccumulé une quantité considérable d'esquisses".
Voilà le processus.
Voilà aussi le ton de l'homme.
Des faits, desdates : nul jugement, nul commentaire, surtout rien qui ressemble à de l'autocritique.
Ne nous étonnons pas qu'unetelle froideur ait pu paraître décevante.
Mais les sortilèges de l'Oeuvre subsistent.
Ils nous représentent un Orient de mirage, aux bleus légers, aux coupolesdiaphanes, un Orient qui mêle le soupir de la flûte au parfum de la rose, un vaste empire endormi dans un songefabuleux et que parfois traverse l'écho d'une lamentation cruelle.
Cet Orient même dont, Rimski-Korsakov une foisdisparu, Stravinski a recueilli le legs suprême et qui unit dans notre mémoire les prestiges de L'Oiseau de Feu auxséductions de Schéhérazade..
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