L'OEUVRE DE PAUL CEZANNE

« sentiments.

Parmi les maîtres anciens, il proclama toujours sa préférence pour les grands coloristes : Titien,Tintoret, Véronèse, Rubens, Delacroix.

Ses déclarations à propos de la couleur peuvent être considérées comme laclef de sa méthode : « la juxtaposition des couleurs, voilà tout ce qui compte.

Allez voir au Louvre.

Allez voircomment Véronèse compose ».

Il était extrêmement sensible à la puissance expressive de la couleur et il l'employaitcomme facteur dominant pour marquer le sentiment qu'il voulait introduire dans ses tableaux.

Il parlait des «couleurs de l'amitié », de la « couleur du mal », et il expliquait comment, en « mariant à un rouge un soupçon devert, on peut soit attrister une joue, soit la faire sourire ».

La luminosité et l'infinie variété de sa couleur sontremarquables.

La plupart des autres peintres préparent une tonalité locale et l'appliquent d'un bout à l'autre d'unpassage donné.

Cézanne semble introduire un changement subtil à chaque coup de pinceau, ou presque.

Grâce àquoi, chaque centimètre carré de sa toile devient vivant.

Il n'y a jamais chez lui de passage ennuyeux ou plat.

Parlà, il s'apparente aux grands coloristes qu'il admirait, mais sa méthode lui est propre et demeure l'un des aspects lesplus originaux de son art.La ligne, la pure ligne abstraite, qui ne se trouve nulle part dans la nature, constitue une partie importante de laméthode de Cézanne.

Elle accentue les formes : celles des plis des draperies, des troncs d'arbres, ou desmontagnes.

Parfois, le peintre trace au pinceau, d'ordinaire dans un ton bleu, plusieurs lignes qui, toutes, répètentle contour de l'objet, produisant pour l'oeil un curieux effet de vibration qui donne plus de vie à tel ou tel passage decouleur.Comme le Greco, Cézanne utilisa son coup de pinceau comme un moyen à la fois de souligner la structure de sontableau et de donner vie à sa surface.

Parfois le mouvement est donné à la composition par la direction généraledes touches.

Parfois les différences de contextures sont rendues, non pas par une imitation de la réalité, mais pardes touches différentes, formant contraste avec celles des zones voisines.

Des états d'esprit différents, libres etgais, paisibles et harmonieux, âpres et violents, s'expriment également chez lui par ce moyen.

Pour celui qui aime lespeintures de Cézanne, c'est là une de leurs caractéristiques les plus plaisantes.Chacun de ces éléments fut étudié pour son effet avec un soin infini.

Aucun peintre ne fut plus méthodique queCézanne.

A cet égard il se rapproche de Dürer, et se tient aux antipodes de l'insouciante facilité de Velasquez oudes explosions passionnées de Van Gogh.

Il passait un bien plus grand nombre d'heures à regarder et à méditer, qu'iln'en passait à peindre.

Ceux qui l'observèrent ont raconté qu'il hésitait parfois vingt bonnes minutes entre deuxcoups de pinceau.

Lui-même a dit que certains jours il lui arrivait de regarder le sujet si longtemps, qu'il finissait paravoir l'impression que « ses yeux saignaient ».

Certains de ses tableaux exigèrent de lui des mois de travail.En dépit de leur simplicité, ces tableaux n'ont rien d'évident ou de facile.

Il faut les regarder mainte et mainte foisavec une attention soutenue pour qu'ils révèlent toute leur beauté.

Mais comme tout ce qui, dans la vie, exige unvéritable effort, ils récompensent magnifiquement de la peine qu'ils donnent, offrant à ceux qui veulent bien lescomprendre une intarissable source de joie.. »