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L'EXPOSITION DE 1874 ET LA CRITIQUE

Publié le 03/05/2019

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hier sa première exposition dans les anciens ateliers de Nadar, boulevard des Capucines, admirablement agencés pour une exhibition de ce genre.

 

Ces salons, disposés en deux étages, ne contiennent pas moins de cent soixante-dix ouvrages, exposés dans un excellent jour et placés seulement sur un ou deux rangs, ce qui fa cilite les appréciations des connaisseurs.

 

Dans une visite beaucoup trop rapide, nous n'avons pu nous arrêter devant tous ces tableaux ni en donner une indication sommaire ; mais nous avons cependant remarqué une certaine quantité de toiles qui nous paraissent dignes de fixer l'attention du public, qui répondra à coup sûr par son empressement à cette très louable tentative.

 

M. Edouard Brandon a envoyé la Première Lecture de la loi et le I'vfaître d'école, deux de ces compositions israélites dans lesquelles se manifeste son talent si ferme et si charmant. M. Brandon a en outre un beau portrait, des aquarelles et un grand carton au fu sain.

 

De M. E. Degas, nous avons vu un Intérieur de coulisses, où une jeune danseuse, à l'ombre d'un portant, regarde les entrechats que font ses compagnes sur la scène éclairée par les feux de la rampe. C'est fort joli, ainsi qu'un dessin représentant une Répétition de ballet en plein jour, où les groupes des danseuses sont très habilement disposés. Un pastel très robuste et très franc représentant une blanchisseuse, et plusieurs dessins de chevaux nous ont également fr appé.

 

M. Claude Monet a exposé un grand tableau, intitulé le Déjeuner, entièrement peint d'après nature, mais où le réalisme n'a rien que de fort attrayant. La table, couverte d'une nappe blanche chargée de flacons et de fr uits, la mère soignant sa petite fille blonde, la figure de femme qui est adossée à la fe nêtre, sont traitées avec un talent réel, et en d'autres temps une œuvre semblable fe rait sensation. Des marines, des paysages, une esquisse brillante du boulevard des Capucines, et plusieurs croquis au pastel complètent l'envoi de M. Monet.

La Républiquefra nçaise 16avril 1874

 

C'est aujourd'hui, mercredi, que s'ouvre, au boulevard des Capucines, dans l'ancien local du photographe Nadar, l'exposition dont nous annoncions ces jours derniers l'organisation. Répétons que cette exhibition d'œuvres d'art est ouverte le jour de 10 à 6 heures, et le soir de 8 à 10 heures.

 

Trente artistes peintres, sculpteurs, graveurs à l'eau-forte et émailleurs se sont réunis, et, à leurs risques et périls, ont fondé une société coopérative. Le fait est assez singulier et louable pour que nous n'hésitions pas à donner leurs noms. Ce sont:

 

MM. Zacharie Astruc, Attendu, Béliard, Bracquemond, Brandon, Boudin, Bureau, Cals, Cézanne, Gustave Colin, Debras, Degas, Guillaumin, Latouche, Lepic, Lépine, Levert, Meyer, de Molins, Monet, Mlle Berthe Morisot, MM. Mulot-Durivage, de Nittis, Aug.-Louis-Marie Ottin, Léon Ottin, Pissarro, Renoir, Robert, Rouart, Sisley.

 

Cette exposition est prête le 15 avril, pour bien marquer qu'elle n'est en rien une maison de refuge pour les refusés par le jury officiel. Elle n'entend en rien entrer en lutte avec l'administration. Ses statuts rejettent le principe du jury, comme attentatoire à la libre manifestation des données personnelles. Par suite du même ordre d'idées, les récompenses sont également exclues. C'est le sort qui décide du placement, les œuvres étant préalablement groupées par dimension. On expose pour se montrer au public, pour se faire juger par la critique, pour renforcer par sa présence un groupe de camarades militants et convaincus. Quelques-uns de ces artistes entendent si peu se poser en protestants bruyants, qu'il ont envoyé

Maintenant tournez la tête, et toutes deux, la petite fille et la petite demoiselle, vous les retrouverez, développées, épanouies, puissantes, dans une toile de M. Renoir encore, intitulée l'Avant-scène. Vo ilà, mesdemoiselles, ce que vous deviendrez. Les joues blanchies de blanc de perle, les yeux allumés d'un regard banalement passionné, vous serez ainsi, la lorgnette d'or à la main, attrayantes et nulles, délicieuses et stupides. Cette fe mme, qui s'inquiète aussi peu du drame que l'on joue que du monsieur assis à côté d'elle, un peu en arrière, c'est votre avenir même, et je crains qu'il ne vous épouvante pas. M. Renoir a-t-il songé en exposant ses trois tableaux à nous montrer les trois étapes par où passent communément les petites dames de Paris ? Cela est douteux. Mais s'il n'a pas voulu faire œuvre de penseur, il a fait œuvre de peintre, et nous croyons fe rmement que la «cocotte » noire et blanche de l'Avant-scène retiendra l'attention par son charme coupable et par le luxe joyeux et léger des étoffe s.

 

Te rpsichore, cette année, porte bonheur aux peintres. C'est une toile heureuse d'où la réalité n'exclut pas le charme que la Scène de l'Opéra pendant un ballet, vue d'une coulisse, et peinte par M. Degas.

 

On aperçoit à peine le rebord rouge et doré de la première baignoire; derrière le manteau d'Arlequin, une marcheuse s' emmi-touille d'un châle rouge ; des figurantes, de l'autre côté, les unes vertes, les autres roses que dépassent des chapeaux d'hommes, attendent le moment de leur entrée, tandis que la première danseuse, en scène, droite sur la pointe d'un pied, élève l'une de ses jambes, et détend ses bras maigres et longs avant de les arrondir dans la révérence de l'accord final. Cette petite figurine, surtout, est dessinée à merveille, et peinte de main d'artiste. L'ensemble, vu le soir, - car le tableau de M. Degas gagne singulièrement à être éclairé d'un jour fa ctice -, est d'une vérité incontestable, et les anciens habitués du foyer de l'Opéra, en passant devant cette toile, souriront, avec un soupir.

 

Loin des coulisses, Mlle Berthe Morisot nous conduit dans les prés mouillés par la rosée marine. Dans ses aquarelles comme dans

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