LES MÉTIERS D'ART
Publié le 17/01/2022
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Les métiers d'art ont en commun d'être exercés par des professionnels très qualifiés, ayant souvent consacré cinq à dix années de leur apprentissage. Ils exercent le plus souvent dans des entreprises petites ou moyennes, au sein des manufactures d' Etat, quelquefois seuls ou aidés d'un compagnon. C'est un secteur qui a été gravement désorganisé, et même presque anéanti pour certains corps de métier, par les changements économiques et sociaux intervenus depuis le début du siècle et singulièrement depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
«
Les artisans les plus satisfaits de leur vie se sont
mis à désirer '' mieux " pour leurs enfants , ont
sous-estimé la valeur de leur travail : le salaire
horaire d'un compagnon, riche d'une formation
qui s'étend souvent sur dix années de pratique et
de recherches personnelles, est comparable à celui
que reçoivent d'emblée les ouvriers de l'industrie
(lesquels jouissent aussi des avantages sociaux des
grandes entreprises).
Comment s'étonner alors que les métiers
d'art aient été complètement et pour longtemps désertés par la jeunesse ? Comment s'étonner également
que des métiers où la moyenne d'âge est élevée et
la relève inexistante ,
se soient un peu laissés mou
rir , privés de sang neuf et d'imagination.
La formation de jeunes compagnons rencontre
encore bien d'autres problèmes.
Les
C.A .P .
et
autres diplômes professionnels délivrés par l'ensei
gnement technique -sont encore mal adaptés aux
exigences des métiers d'art.
Une longue pratique
en atelier est nécessaire avant qu'un apprenti
puisse rendre quelques services au sein d'une
entreprise.
Or, même l'enseignement technique ne permet pas assez d'heures d'ateliers : les profes
seurs sont toujours et partout des théoriciens
d'abord.
Les artisans refusent souvent de prendre en
charge la première formation
d'un apprenti, tout
simplement parce que c'est un véritable travail,
qui mobilise entièrement une personne , envisagea
ble quand
il y a de nombreux compagnons, une
charge trop lourde quand on travaille seul ou à
deux .
L 'enseignement dispensé
par les associations de compagnonnage semble avoir en grande partie
résolu ces contradictions (voir infra) mais il n'est malheureusement pratiqué que pour certains
corps de métiers .
Peut-être devrait-on s'inspirer de certaines de ses caractéristiques , à savoir faire par
ticiper davantage
les artisans chevronnés à l'ensei
gnement dans les établ issements scolaires (en
principe
il faut des titres universitaires pour ensei
gner dans les établissements publics).
Les difficultés de fourniture de produits ou de services
Enfin beaucoup d'artisans rencontrent des diffi
cultés soit pour renouveler leur outillage, soit pour
s'approvisionner en matériaux ou pour obtenir certains services avant ou après leur travail.
L 'électricité qui actionne les meules ou les tours,
touret , fraises , etc ., a bien sûr facilité le travail de
chacun mais tous les ouvriers qui utilisent des
petits outils tranchants (ciseaux, burins, gouge ,
ciselets , poinçons, etc.)
se plaignent de ne pouvoir
renouveler leur outillage sinon en
le fabriquant
eux-mêmes (ce que beaucoup ont accepté de faire) ou
en rachetant
les outils d'un artisan qui ferme
son atelier .
·
Il n'y a plus guère de façonnage fin de l'acier
(peut-on espérer que le renouveau de certains sec
teurs incite quelques fabricants d'outils de préci
s ion à reprendre une activité
?) et les produits de
l'industrie sont mal adaptés aux exigences d'ex
trême variété des artisanats de précision,
d'autant qu'il s'agit de commandes de " petite série ''·
Les gtandes entreprises refusent quelquefois de
poursuivre la production de certains matériaux
spéciaux qui leurs sont commandés en quantités
trop faibles pour que la fabrication en soit renta
ble.
Certains petits fournisseurs de matériaux ou de
services n'ont pas résisté à l'irrégularité des com
mandes de leurs clients artisans , ils ont disparu ou
se sont orientés vers d'autres productions plus ren
tables.
Ainsi
le grainage des plaques dé zinc utilisées par les lithographes n'est plus assuré que par une
ou deux entreprises que le volume de commandes
des lithographes ne suffit pas à faire vivre (le grai
nage s'effectue en agitant latéralement un bac où
une plaque de zinc est soumise à la fois au frotte
ment d'un abrasif et au
" roulage >> de billes
d'acier , ce qui donne à la surface de zinc le grain
exact qui convient au tirage).
Les imprimeries ont depuis longtemps cessé
d'utiliser
ce matériel.
De même les lithographes et les graveurs ont-ils les plus grandes difficultés
pour se procurer des encres anciennes onctueuses
qui leur sont nécessaires (on utilise actuellement
des encres
" rapides •• à base de résines synthéti
ques).
Les quelques entreprises capables de les fournir exigent des commandes importantes et
limitent leur gamme de couleur .
Les teinturiers n'effectuent plus les teintures à
l ' ancienne (végétaux et cochenille) obligatoires
pour la teinture des soies et des laines utilisées
pour la restauration des tapis, tapisseries et tissus
anciens , on n'accepte de
le faire que pour de
grandes quantités · qui dépassent largement les
besoins des lissiers-restaurateurs.
Les doreurs à la feuille
se procurent difficile
ment certains composants de l'assiette à dorer (bol
d'Arménie) ; les doreurs au mercure (qui ne sont
plus qu'une poignée) utilisent, chaque année, quel
ques kilos chacun d'une suie
de bois calcinée,
récemment devenue introuvable ..
.
la liste est lon
gue.
Des solutions peuvent être inventées bien sûr si
les artisans d'art se sentent assez forts et assez
motivés pour créer des associations, grouper leurs
achats , constituer des
,, banques de matériaux » (les luthiers de Mirecourt ont ainsi entrepris de
reconstituer un stock de bois séché naturellement
pour pourvoir à leurs besoins) ..
»
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