Les Le Nain : LA FAMILLE DE PAYSANS
Publié le 14/09/2014
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«
La Famille de paysans est une huile sur toile de 113 ,3 cm de haut
sur 159,5 cm de large .
Ces dimen
sions en font le plus grand des tableaux de pay sans des Le Nain .
L' œuvre n'es t ni signée ni datée .
Des critères stylistiques la font attri
buer principalement à Louis le Nain
- même si les deux autres frères
ont participé également à l'exécu tion - et amènent à dater l'œuvre de 1642 environ .
Le
tableau est conservé à Pari s, au musée du Louvre , qu i l'a acquis en 1915 , un an aprè s que le marqui s de
Marm ier - dont la famille posséda it l' œuvre peut-être depuis l'origine - l'e ut mise en vent e à l'hôtel Drouot.
La solitude des simples
Il n'est probablement pas fortuit que cette
révélation de la beauté des moments quoti
diens, se produise dans des tableaux qui mon
trent un univers bien éloigné des tracas de la
ville.
Mais les Le Nain sont les premiers
peintres à avoir ainsi saisi le mystère sublime
des gens simples de la cam pagne .
Certes,
d'autres artistes, avant eux, ont représenté la
condition des hommes et des femmes de la
terre.
Mai s c'é tait soit pour en livrer une
image idéale, de type pastoral (les Limbourg),
soit dans d'aimables scènes de genre
(Bruegel).
Or, il n'y a ni caricatu re ni complai
sance dans les œuvres des Le Nain.
Les trois
artistes peignent leurs modèles avec simplicité
et amour.
Par la suite, seul le peintre français
Millet, au XIX' siècle, représentera ainsi les
paysans, avec toutefois une mièvrerie que ne
contiennent pas les œuvres des le Nain.
Car il n'y a nulle afféterie dans la Famille de pay
sans.
Ce qui frappe, au contrai re, lorsque l'on
regarde le tableau , c'est l'impr ession de malaise
qui se dégage de la peinture des êtres : même en
cette heure consacrée au repos, tous, y compris
les bêtes, demeurent en alerte.
Le chien, au pre
mier plan, semble prêt à s'élancer; le chat, der
rière le chaudron, guette peut-être une proie.
Plusieurs des modèles -l'ho mme , les deux
femmes, l'enfant assis par terre - ont suspendu
leur geste pour regarder le peintre.
Mais ils ne
met t ent dans leur pose aucune coquetterie.
Immobiles, fixant leur regard sur le peintre ou le
spectateur, ils semblent interroger celui-ci plutôt
que poser pour lui.
Les autres personnages, s'ils ne regardent pas
le peint re, ne semb l ent pas pour autant insou
c
iants.
Les modèles, dans la Famille de pay
sans , sont seuls avec eux-mêmes : les enfants
ne jouent pas les uns avec les autres, les
adultes ne bavardent pas entre eux, aucun des
personnages présents ne regarde son voisin;
chacun demeure isolé, replié dans ses pen
sées.
Cette solitude est particulièrement frap
pante dans la peinture que les Le Nain don
nent des jeunes êtres.
L'enfant qui souffle
dans sa flûte a le regard vague : il joue pour
lui, il ne quête pas, en tout cas, l'approbation
de la femme assise auprè s de lui, et celle-ci,
en effet, ne sem ble pas l'écouter.
Les enfants
qui se chauffent près de l'âtre ou contemplen t
les flammes ne se prêtent non plus aucune
attention mutuelle.
Enfin, la fillette placée sur
la droite du tableau, derrière la jeune femme,
regarde aussi, avec inquiétude, non pas
quelqu'un, mais une direction incertaine.
Une interrogation
toujours
renouvelée
Cette même incommunicabilité, cet isolement
des êtres à l'intérieur même d'une commu
nauté, on les retrouve dans les autres tableaux
des Le Nain.
Dans la Charrette de foin , les
modèles - une femme, des enfants - se dis
tribuent en trois groupes écartés les uns des
autres.
À l'intérieur de chaque groupe, les per
sonnag es, pourtant proches, semblent isolés.
Les gestes sont suspendus, aucun regard ne
s'échange, un garçon, de nouveau, joue du fla
geolet pour lui seul, les bustes se déta chen t sur
le fond du paysage sans qu'aucun contact phy
sique (exception faite de l'enfant couché sur les
genoux de sa mère) ne rapproche véritablemen t
les êtres.
Dans le Repas de paysans , il en va
presque de même.
Un homme prie, un autre
boit, un troisième convive lève son verre, un
enfan t a saisi son violon, - mais c'est une
impress ion de silence et d 'i mmobilité qui
domine, dans cet univers où pas un personnage
ne se risque à parler, à faire un geste rapide, ni
ne touche son voisin.
La Charrette de foin , les Le Nain (Paris , musée du Louvre).
Le Repas de paysans, les Le Nain (Paris , musée du Louvre).
Les peintres de la réalité
On appelle •peintres de la réalité> les artistes qui ,
au XV/f siècle et en France particulièrement, pren
nent pour sujet la vie quotidienne en la traitant de
la manière la plus objective possible.
L'expression est employée pour la première fois au
XIX' siècle , au moment où se constitue le mouve
ment littéraire et esthétique appelé •réalisme• par
l'historien Champpeury, dans un ouvrage consacré
aux artistes de cette tendance.
Passée dans le langage courant des historiens de
/'an au XX' siècle, elle désigne , outre les Le Nain,
des peintres d'obédience caravagesque (Valentin,
Tournier, La Tour) et, de manière plus poue , des
portraitistes comme Champaigne , des artistes spé
cialisés dans des scènes de genre populaires, rel
Bourdon, et des auteurs de natures mortes, comme
Linard ou Moi/Ion..
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