LES HISTOIRES DE SAINT MARC
Publié le 14/09/2014
Extrait du document
«
peintre veut susciter chez le spectateur a pour
écho dans le tableau le geste stup éfait du
magistrat qui , à droite, sur une estrade, se
lève brusquement de sa chaise en écartant les
bras.
Une lumière très étrange, éblouissante
de blancheur au premier plan, plus naturelle à
l '
arrière, renf orce l'aspect théâtral de la scène.
Dans sa force dramatique, cette représentation
d'une légende chrétienne n'a pas d'équivalent,
en Europe, avant la fin du s iècle - et plus pré
cisement avant la rep rése ntati on du Martyre de
sain t Matth ieu ou de la Conversion de saint Paul ,
par Caravage, à Rome.
L'œuvre surprit consi
dérablement les contemporains et suscita une
si violente polémique que les autorités de la
Scuola décidèr ent de rendre sa toile au peintre,
qui la conserva don c dans son atelier.
Quinze ans plus tard ...
En 1562 cependant, Tintoret, devenu entre
temps un des peintres majeurs de Venise, est
de nouveau sollicité pour peindre la légende
de saint Marc, dans le même lieu.
Les trois
toiles qu'il exécute alors suscitent à nouveau
la perplexité des Vénitiens.
L'enlèvement du corps de saint Marc montre le rapt
du cadavre du saint, supplicié à Alexandrie , en
Égypte.
Des chrétiens de la ville profitèrent
d'un ouragan pou r soustra ire le corps au bûcher
sur lequel les païens s'apprêtaient à le faire brû
ler.
En arrière du groupe formé par les dévôts ,
qui supportent le corps, une perspective vertigi
neuse s'esquisse, formée par un dallage et par
une enfilade d'a rcades fuyant jusqu'à une ligne
d'horizon placée très haut.
Une lumière rou
geâtre éclaire toute la scène, tandis que sur le
côté gauche, s'opposant aux volumes solides
des personnages du premier plan, les architec
tures et les silhouettes des infidèles , affolés par
le déchaînement des élémen ts, sont dessinées
en blanc, avec une légèreté qui contribue à d on
ner un aspect fantasmagorique à la scène.
L1/nvent1on (ou la Découverte } du corps de saint
Marc utilise aussi une perspective redressée et
des jeux de lumièr e et de couleur nouveaux.
La scène est censée se passer en 829, date à
laquelle les Vénitiens dérobèrent le corps du
saint, enseveli dans la ville où il avait subi le
supplice.
Le cadre de l'événement est une
crypte plong ée dans une obscurité verdâtre.
Saint Marc sauve un Sarrasin du naufrage, Tin1ore1 , 1568 (Venise, galerie de l'Académie).
Les ténèbres sont modu lées à l'avant par une
lumière qui vient de l'extérieur , et, à l'arri ère,
par la lueur des torches d'ouvriers qui ouvrent
une sépulture.
Dans cette crypte, au premier
plan, s'ag itent de hautes silhouette s vêtues de
rouge.
Saint Ma rc (à gauche) apparaît pour
désigner aux Vénitiens le lieu de son tombeau
et guérir un possédé qu'un homme et une
femme (à droite) tentent en vain de maîtriser.
La vertigineuse diagonale formée par la pers
pective de la crypte, la faible et malsaine
lumi ère qui baigne le lieu, et enfin la présence,
au premier plan, d'un cadavre traité en rac
courci de sorte à attirer !'attention, tout cela
contribue à l'étrangeté du tableau.
La dernière toile, qui montre Saint Marc sau
vant un Sarrasin du naufrage , est à pein e moins
curieuse, avec l'évocation de la barque redres
sée à l'oblique sur les flots, les verts et les
rouges qui s'opposent, et l' extraordinaire
lumière qui enveloppe d 'un halo jaune saint
Marc et l'homme qu'il soulève, sur le fond de
nuage s ourlés de lueurs blanches.
Un chef-d 'œuvre imposé?
C'est le médecin et esthète Tommaso
Rangone , nouveau
•grand gardien • de la
Scuola di San Marco, qui commanda à Tintoret
ces œuvres.
L'homme est d'ailleur s représenté
à deux reprises dans les toiles : il supp orte les
épaules de saint Marc dans /'Enlèvement du corps
de saint Marc, et, agenouillé, rend grâce à Dieu
dans l'invention du corps de saint Mar c.
Or, les membres de la Scuola semblent n'avoir
jamais accepté tout à fait les toiles comma n
dées par leur grand gardien.
Dès 1573 , en effet,
c'est-à-dire sept ans après leur mise en place , les
peintures sont décrochées et emportées dans la
maison de Rangone.
De là, après quelques
semaines, elles sont renvoyées dans l'at elier de
Tintoret
et l'on demande au pein tre de les
modifier.
Peut-être s'agi t-il seulement d' un
conflit personnel entre les membres de la
confrérie et le gardien : l'une des transforma
tion s que Tint oret est prié d'accomplir est le
remplacement des portraits de Rangone par
d'autres personnes.
Mais les toiles, sans avoir
subi aucune modification, retrouvent leur place
dans la Scuola quelques années plus tard.
En
définitive, que se produisit-il , quelles influences
jouèrent? Nul ne le sait.
Mais l'incident
confirme que les peintures de Tintoret , si nou
velles de style , eurent bien du mal à être accep
tées par ses con temp orains, qui manifestèrent,
à la fois, le souci de faire travailler le peintre, et
celui d'édulcorer ses créations hardies.
Jacopo Robusti, dit
Tintoret
Jacopo Robustl , fils de teintur ier
- d'où son surnom de Tintoret - est né à Veni se en 1518.
Passé briève
ment dans
l'at elie r de Titien , il déve loppe bientôt un style autonome ,
davantage influen cé par les exemples maniéristes extra-vé nitie ns qu e par la tradition co loriste et classique locale .
Ses pe intur es se caracté risent par une réduc tion de la gamme chromat ique (elles se lim itent volontiers à de s effets puissants de lu m ière et d'obsc urité) et pa r des jeux de perspec tive sp ectacu laires qui dévelo ppent , en arrière d e la scèn e peinte au premier plan, des enfilades d'architectures étonnam ment redressées.
Les toiles so~t souvent de très grandes dimen s ions (ce qu i est une particu larité de la production vénitienne de la seco nde moiti é du siècle) , et leur effet dramatique est amplifié par la prése nce de nombreux person nages animés de mouvemen ts
puis san ts et souvent contradic toire
s.
Cette peinture révolutionnaire séduit très v ite le public v énitien : les p ers onnag es important s de la ville commandent leur portrait à Tintoret (A/vise Cornaro , au mus ée
Pitti , à Florence) ; les co nfréries le c hargent de cyc les de peintures très
i mpor tants (Sc uola di San Marco , Scuola di San Roc co ); le gouverne
ment de la République s'attache ses
se rvices (le Para dis et le s autres peintures du palais ducal) .
Tintoret meurt à Venise en 1594 .
L'Enlèvement du corps de saint Marc, Tintoret , 1568
(Venise, galerie de l'Académie)..
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- Saint-Saëns Marc, 1903-1979, né à Toulouse, peintre français et, à partir de 1943, cartonnier de tapisserie.