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LES HEURES DE JEANNE D'ÉVREUX

Publié le 14/09/2014

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Ce             minuscule      manuscrit     (il

mesure 9,4 cm de haut et 6,4 cm de large), dit des «Heures de Jeanne d'Évreux", est sans doute le seul dont les illustrations soient entière­ment de la main de Jean Pucelle.

Dans son testament, en 1371, la reine Jeanne d'Évreux lègue à son neveu Charles V ce «livret d'orai­sons", qui lui a été offert par son époux, le roi Charles IV le Bel. On doit donc dater l'oeuvre du règne de Charles IV, entre 1325, date de son mariage, et 1328, date de sa mort.

Le manuscrit, qui fit ensuite partie de la collection du duc Jean de Berry, est aujourd'hui conservé au musée des Cloîtres de New York (Cloisters).

 

« Jean Pucelle De son vivant, et longtemps après sa mort, le nom de Jean Pucelle est syno­ nyme de prestige .

Sa carriè re pourtant, du moins ce qu 'on en connaît, est brève , puisqu 'on ne saurait lui attribuer des œuvres avant 1320 , et qu 'il meurt en 1334 .

Une doub le fortune favorise l'éclosion de son talent personnel : son introduction dans les milieux princiers , qu i fait de lui un art iste de cour , et son voyage en Italie , entre 1325 et 1330, qui l'ouvre à des techniques et des modes de repré­ sentation inconnus en France .

Le début de sa carrière est marqué par sa collaboration à l'illustration de deux manuscrits , les Heures de Jeanne de Savoie (Paris, musée Jacquema rt-André) et le Brév iair e de Blanche de France motifs figu rés ou purement ornementaux : des singes et des êtres hybrides s'accrochent à des feuillages finement ciselés, qui s'estompent en arabesques.

Là se déroulent des drôleries inat­ tendues , d'une inépuisable variété inventive.

Au bas de /'Annonciation, hommes et femmes jouent gaiement au jeu de main-chaude ou de colin-maillard.

Dans la boucle de l'initiale D qui lui sert de chambre, la reine Jeanne elle­ même prie, agenou illée devant son livre d 'he ures, que la Vierge tient fermé.

Tel est ce jeu subtil de miroirs et d'échos, ces temp s jux­ taposés, temp s de l'humour et de l a révélation divine, temp s du jeu et de la prière ...

La grisaille , ou l'illusion de la sculpture Une autre innovation destinée à faire école est le traitement des scènes •en grisaille•, c'est-à­ dire dans un camaïeu de gris ne laissant qu'une place discrète aux autres couleurs.

Bien des enlumineurs reprendront cette technique après Pucelle, mais aussi des verriers et des peintres.

Un tel choix n'est pas le signe d'une austérité spi­ rituelle.

Plus vraisemblablement, Pucelle entend surprendre, imposer une esthétique nouvelle.

Les teintes pâles de ses images tranchent par rapport aux couleu rs traditionnelles , bl eus profonds , rouges denses et fonds or des manu scri ts du siècle pré céde nt.

Elles surprennent en imitant le modelé de l'ivoire.

Dans /'Annonciation, déjà citée, le brun, plus dense pour les personnages princi­ paux ainsi projetés en avant du tableau , se fond dans la couleur du parchemin .

Une tache rose tendre semble éloigner le siège de la Vierge; le rouge plus prononcé des e ncad remen ts de fenêtres donne l'illusion d'une profondeur inté­ rieure; le bleu de l'aile de l'ange souligne la tran­ sition entre l'extérieur et l'int érieur.

(Rome , Bibliothèque vaticane), dont la destination princière et féminine déter ­ mine l'élégance et la finesse des images .

Les œuvres de la matu rité, Bible de Robert de Billyng, Brévia ire de Bellev ille (Paris , Bibliothèque nationale) et Heures de Jeanne d'Évreux , exécutées entre 1324 et 1328, tâchent de rep résenter la profondeur spatiale et les volumes , donnant libre cours à un imaginaire plein de fantaisie et exploitant le raffinement subtil de pein t ures en camaïeu de gris («grisailles.,).

On attribue encore à l'a rtiste, à la fin de sa vie, des illust rations du Bréviaire de Jeanne d'Évreux (C hantilly , musée Condé) et une luxueuse copie des Miracles de Notre-Dame de Ga uthie r de Coincy (Paris, Bibliothèque nationale).

La profondeur et le geste Co mme les couleurs sont raffinées, les poses son t souples et affectées, les corps, sinueux et sys tématiquement déhanché s.

Mais ce travail de dentelle est équilibr é par la vigueur des représentations spatiale s.

Dans la scène de l'A11nonciat ion, la maison de la Vierge laisse voir un plafond aux lignes de fuite bien mar­ quées , preuv e de l'intrusion dans la peinture française d'une per spect i ve apprise d es Italiens.

L'influence de l'Italie se sent aussi dans le traitement tragique des regards et des attitudes, contrastant avec l'élégance imper­ sonne lle des visages : dans la Cruci(tx io n , la Pag e enluminée du Bréviaire de Belleville, de j ean Pucelle (Paris, Bibliothèque nationale).

Vier ge éplorée s'évanou it dans les bras de Jean tandis que les Juifs, tantôt provoquants, tantôt inquiets ou honteux , se tassent en un groupe houleux.

Jean Pucelle, cela ne fait pas de doute, a vu une œuvre italienne essen­ tielle, la très célèbre et contemporaine Maestà du Siennois Du ccio, et il s'applique comme ce dernier maître à traduire pathétique et émo­ tions par un graphisme nerveux.

L'enluminure en France au x1v- siècle Le prim at pa ris ien .

Paris , au x1V" siècle , est une capitale sans rivale en Europe .

La monarchie capétienne a su imposer un pouvoir centralisé et res ­ pecté.

Le rayonnement de l'Unive rs ité attire les intellectue ls du temps, au dé tri­ ment de la province .

L 'art, tout naturelle­ ment , trouve dans ces conditions une impulsion nouvelle.

Il est particulièrement brill an t dans la peinture des livres, po ur lesque ls l 'a ris tocratie a une prédi lection.

L 'aristocratie , nouv eau méc ène de l'art .

Car l'aristocratie se substitue aux mécènes ecc lésiastiques, commandi­ taires exclusi fs des œuv res jusqu'au x11r siècle .

Reines et princesses , pendant la première moitié du XIV" siècle , se mon­ trent des bibliophiles d'un goût sûr.

Elles sont bientôt relayées par les rois : Jean le Bon (1350 -1364), par exe mple , sait sou­ tenir sa gloire souvent défaillante p ar la promotion de grands artistes auxquels il confie des œ u vres nouvelles et de grande envergure .

Il fait tradui re en fran ­ çais /'Histoire de Rome de Tite-Live, com­ mande au dominicain Jean de Sy une tra ­ duction commentée de la Bi ble , et fait illus trer à g rands fra is une Bible morali ­ sée où alternent des images de la Bible et des commentaires de cette derniè re .

Influence s italiennes.

Sur le plan de l'es t héti qu e, le fait ma rquant de ces années est la découverte de l'art contemporain italien , de Gio tto et Duccio , qui apportent aux artistes fran ­ çais un langage neuf : à l'observation vivante d e la vie quotidienne, si éton­ nante dans la Vie de saint Denis (ache ­ vée en 1317) , s'ajoute alors une nou ­ velle science de la représenta tion d e l'espace et d u pat hétique de la dou le u r.

Jean P uce lle e t son disciple L e Noi r sont les rep résentants de ces tendances nou ­ velles.. »

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