LES HEURES DE JEANNE D'ÉVREUX
Publié le 14/09/2014
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Jean Pucelle
De son vivant, et longtemps après sa
mort, le nom de Jean Pucelle est syno nyme de prestige .
Sa carriè re pourtant, du
moins ce qu 'on en connaît, est brève , puisqu 'on ne saurait lui attribuer des œuvres avant 1320 , et qu 'il meurt en 1334 .
Une doub le fortune favorise l'éclosion de son talent personnel : son introduction
dans les milieux princiers , qu i fait de lui
un art iste de cour , et son voyage en
Italie , entre 1325 et 1330, qui l'ouvre à des techniques et des modes de repré sentation inconnus en France .
Le début de sa carrière est marqué par sa collaboration à l'illustration de deux manuscrits , les Heures de Jeanne de Savoie (Paris, musée Jacquema rt-André)
et le Brév iair e de Blanche de France
motifs figu rés ou purement ornementaux : des
singes et des êtres hybrides s'accrochent à des
feuillages finement ciselés, qui s'estompent en
arabesques.
Là se déroulent des drôleries inat
tendues , d'une inépuisable variété inventive.
Au bas de /'Annonciation, hommes et femmes
jouent gaiement au jeu de main-chaude ou de
colin-maillard.
Dans la boucle de l'initiale D
qui lui sert de chambre, la reine Jeanne elle
même prie, agenou illée devant son livre
d
'he ures, que la Vierge tient fermé.
Tel est ce
jeu subtil de miroirs et d'échos, ces temp s jux
taposés, temp s de l'humour et de l a révélation
divine, temp s du jeu et de la prière ...
La grisaille ,
ou l'illusion de la sculpture
Une autre innovation destinée à faire école est
le traitement des scènes •en grisaille•, c'est-à
dire dans un camaïeu de gris ne laissant qu'une
place discrète aux autres couleurs.
Bien des
enlumineurs reprendront cette technique après
Pucelle, mais aussi des verriers et des peintres.
Un tel choix n'est pas le signe d'une austérité spi
rituelle.
Plus vraisemblablement, Pucelle entend
surprendre, imposer une esthétique nouvelle.
Les
teintes pâles de ses images tranchent par rapport
aux couleu rs traditionnelles , bl eus profonds ,
rouges denses et fonds or des manu scri ts du
siècle pré céde nt.
Elles surprennent en imitant le
modelé de l'ivoire.
Dans /'Annonciation, déjà citée,
le brun, plus dense pour les personnages princi
paux ainsi projetés en avant du tableau , se fond
dans la couleur du parchemin .
Une tache rose
tendre semble éloigner le siège de la Vierge; le
rouge plus prononcé des e ncad remen ts de
fenêtres donne l'illusion d'une profondeur inté
rieure; le bleu de l'aile de l'ange souligne la tran
sition entre l'extérieur et l'int érieur.
(Rome , Bibliothèque vaticane), dont la destination princière et féminine déter mine l'élégance et la finesse des images .
Les œuvres de la matu rité, Bible de Robert de Billyng, Brévia ire de Bellev ille
(Paris , Bibliothèque nationale) et Heures de Jeanne d'Évreux , exécutées entre 1324 et 1328, tâchent de rep résenter la profondeur spatiale et les volumes , donnant libre cours à un imaginaire plein
de fantaisie et exploitant le raffinement subtil de pein t ures en camaïeu de gris («grisailles.,).
On attribue encore à l'a rtiste, à la fin
de sa vie, des illust rations du Bréviaire de Jeanne d'Évreux (C hantilly , musée Condé) et une luxueuse copie des Miracles de Notre-Dame de Ga uthie r de
Coincy (Paris, Bibliothèque nationale).
La profondeur et le geste
Co mme les couleurs sont raffinées, les poses
son t souples et affectées, les corps, sinueux et
sys tématiquement déhanché s.
Mais ce travail
de dentelle est équilibr é par la vigueur des
représentations spatiale s.
Dans la scène de
l'A11nonciat ion, la maison de la Vierge laisse
voir un plafond aux lignes de fuite bien mar
quées , preuv e de l'intrusion dans la peinture
française d'une per spect i ve apprise d es
Italiens.
L'influence de l'Italie se sent aussi
dans le traitement tragique des regards et des
attitudes, contrastant avec l'élégance imper
sonne lle des visages : dans la Cruci(tx io n , la
Pag e enluminée du Bréviaire
de
Belleville, de j ean Pucelle (Paris, Bibliothèque nationale).
Vier ge éplorée s'évanou it dans les bras de
Jean tandis que les Juifs, tantôt provoquants,
tantôt inquiets ou honteux , se tassent en un
groupe houleux.
Jean Pucelle, cela ne fait pas
de doute, a vu une œuvre italienne essen
tielle, la très célèbre et contemporaine Maestà
du Siennois Du ccio, et il s'applique comme ce
dernier maître à traduire pathétique et émo
tions par un graphisme nerveux.
L'enluminure en France au x1v- siècle
Le prim at pa ris ien .
Paris , au x1V" siècle , est une capitale sans rivale en
Europe .
La monarchie capétienne a su
imposer un pouvoir centralisé et res pecté.
Le rayonnement de l'Unive rs ité attire les intellectue ls du temps, au dé tri ment de la province .
L 'art, tout naturelle ment , trouve dans ces conditions une impulsion nouvelle.
Il est particulièrement brill an t dans la peinture des livres, po ur lesque ls l 'a ris tocratie a une prédi lection.
L 'aristocratie , nouv eau méc ène de l'art .
Car l'aristocratie se substitue aux mécènes ecc lésiastiques, commandi taires exclusi fs des œuv res jusqu'au x11r siècle .
Reines et princesses , pendant la première moitié du XIV" siècle , se mon trent des bibliophiles d'un goût sûr.
Elles sont bientôt relayées par les rois : Jean le
Bon (1350 -1364), par exe mple , sait sou tenir sa gloire souvent défaillante p ar la promotion de grands artistes auxquels il
confie des œ u vres nouvelles et de grande envergure .
Il fait tradui re en fran çais /'Histoire de Rome de Tite-Live, com mande au dominicain Jean de Sy une tra duction commentée de la Bi ble , et fait illus trer à g rands fra is une Bible morali sée où alternent des images de la Bible et des commentaires de cette derniè re .
Influence s italiennes.
Sur le plan de l'es t héti qu e, le fait ma rquant de ces années est la découverte de l'art contemporain italien , de Gio tto et Duccio , qui apportent aux artistes fran çais un langage neuf : à l'observation vivante d e la vie quotidienne, si éton nante dans la Vie de saint Denis (ache vée en 1317) , s'ajoute alors une nou velle science de la représenta tion d e l'espace et d u pat hétique de la dou le u r.
Jean P uce lle e t son disciple L e Noi r sont les rep résentants de ces tendances nou
velles..
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