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LES ÉMAUX DE NICOLAS DE VERDUN

Publié le 14/09/2014

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La technique de l'émail est connue dès le II' millé­naire avant notre ère. Il s'agit d'appliquer à froid un mélange d'oxyde de plomb et de sable quart­zeux, se combinant en silicates avec une base, soude ou potasse, sur une plaque de métal que l'on expose ensuite au feu : la chaleur fait fondre l'émail qui se soude étroitement à son excipient et devient inaltérable.

Les plaques étaient souvent en or au début du Moyen Age, puis en cuivre à l'époque romane jusqu'à ce qu'on utilise à nouveau l'argent et l'or. C'est du contraste entre l'éclat du métal et la cou­leur, variable en fonction de la teneur en oxydes métalliques, que naissent les effets esthétiques de

Deux procédés étaient utilisés : celui du cloison­nage, qui consiste à souder sur la plaque de fins rubans destinés à délimiter des alvéoles où l'on

 

coule                      ; et celui du champlevage, où les cavités sont produites en creusant au burin des plaques en cuivre relativement épaisses.

« Une extraordinaire richesse symbolique La signification des scènes reproduites sur les émaux se s itue ainsi dans une longue tradition d 'imagerie chrétienne , mais en approfondi t le sens d'une façon entièrement nouve lle.

Dep uis saint Pau l, qui dans ses Épîtres mo n tr e comment l'Ancien Testament préfigure le Nouveau, les penseurs chrétiens ont cherc h é les correspondances possibles entre les per­ sonnages de l' Ancienne Loi et ceux de la Nouvelle.

À partir du milieu du XII' siècle , de même , les artistes ont exercé leur talent pour mettre en image cette pensée , dite •typolo­ gique • (en grec, littéralement : l angage sur les types communs ).

Les enlumineurs et les émailleurs mosans, en particulier , se sont laissé séduire par cette démarche intellectuelle.

Dans des œuvres fameuses comme le Pied de croix de Sain/­ Bertin , la grande Croix de Suger à Saint-Denis , o u l'A111e/ portatif de Stavelot , ils ont rep résenté autour de la Passion du Chris t les scènes qui l'o nt pré figurée de maniè re imprécise e t voi­ lée, com me le sacrifice d'Abraham, celui cl' Abel ou de Melchise dech, la pâque juive ou l'aventure de Jonas et du monstre ma rin.

Nico las de Verdun porte cet art à son apogée.

Il ne se limite pas au seul motif de la Passion mais cherche pour toute la vie du Christ des correspondances spirituelles et graphique ,s.

Il superpose les trois grandes périodes des Ecri­ tures : •avant la Loi de Moïse • et •après la La Résurrectio n du Christ , détail du mêm e retable .

La C h âsse de saint Th om as Bec ke t, émail de la fin du >.Jtf s iècle (Pari s, mu sée du Louvre ) .

Loi •, d 'une part (Ancien Testament) , •sous la grâce du Christ •, d'autre part (Nouveau Testamen t) .

Chaque événement de l'Évang ile, qui occupe la ligne centrale , trouve ains i un écho dans la vie des Patriarches e t dans celle des h ér os de l'Ancien Testame n t qui ont suivi Moïse.

La Descente aux Enfers du Christ, par exemple, est mise en parallèle avec la Dixième plaie d 'Égypte et avec la Lulle de Samson contre le lion , ces trois épisodes évoquant la victoire contre la mort.

Les images constituent de la sorte une vaste fresque théologique chargée de révéler aux fidèles la signification profonde des textes sacrés.

Ce t en se mbl e de p laqu es en m é tal dor é et ém a illé selon la tech ­ n i que du champl evé décor ait un ambon .

Sign é « Nicolas de Verdun " et ach evé e n 1181 , il était de s tiné a u coll èg e d es cha noines de Klo ste rneuburg , près d e Vie nne , où il est conservé encore de nos jours.

En 1330 , un incendie a contraint à quelque s restaurat i ons et à l'aména ­ ge ment de l' en sembl e en un trip ­ tyqu e, fait de c inqu ant e et un table aux, de s tiné à surm onter l'autel du tran sept.

C e triptyque es t consti ­ tué de tro is regis tre s s uperpo sés, r é p a rtis e n quatr e séries sur les ailes, et en ne uf sur le pannea u central.

Tou s les ta blea ux s ont d e mêm e taille, carrés, surmont és d'une s u c­ cession d 'arc h es à tro is lobe s et fixé s à l'intérieur d 'un bande au por ­ t a nt une i n sc ript ion en le tt re s d 'é mai l.

Les scè n es sont sépar ées les une s des autre s pa r d es colon ­ nett es groupées par deu x.

Gloire de l'émaillerie médiévale À l'ép oque roman e, les ateliers limousins se sont signal és da ns l' Europ e e ntière, export ant quantit é d e co ffre ts, châss es - ou reliquair es -.

croix, pen ­ d e ntif s, co uvertur es de livr es liturgiqu es déc orés d'é mau x a ux magnifiques c oul eur s bleu es, rouge s et vertes.

Une parti e de leur s uccès est dû à la production de c h âsses il l u str a nt la mort de Thoma s Beck et, assass iné, selon le dési r d 'H e nri Il, en p leine ca thédrale de Ca nterbury .

Mai s les pays de la Meuse et du Rhin so nt plu s c réa te urs e ncore : ils r é pand ent une iconographie sava nte e t my stiqu e, ma rqu ée par le c ulte inten se de la Cro ix et l'influ ence de l'a rt byz antin.

Nicolas de Verdun , aut eur de la châsse de Notre-Dame de Tournai (1205) et d e l'a mbon d e Klo ste rneuburg , est l ' un de s prin cipaux repr ésenta nts de ce t a rt, qu'il contribu e à tran s former , à la fin du x11• s iècle.

L'avènement de l'esprit gothique Toutes ces scènes , réparties en petits tableaux , ont un style grandiose , absolument inédit dans l' Europe de ce temps.

Samson, face au lion, sa longue chevelure rejetée sur l'épaule, les reins cambrés , le genou fléchi, les muscles herculéens bandés dans l' effort, est un héros mythique.

li prend appui sur le cadre contre lequel le lion est acculé.

Ce cadre, à la forme cont raignan te héri t ée des créations roma n es, sert mag nif ique men t cette lu tte farouc he.

La p artie supérie ure, formée de trois fragmen ts de cercles accolés (trilobe), darde les combattants de ses pointes acérées.

L'esprit gothiq ue est d éjà p résent d ans cette œuv re, avec ces corps athlétiques où rena ît la plastique antique, après tant d'années où seule comptait la stylisation géométrique et abstraite.

Il est dans l'élan irrépressible des-mouvements, dans la combinaison harmorùeuse des attitudes, dans l'équilibre des forces qui s'affrontent, dans l'expressivité des gestes , dans ces profils altiers, ces fronts burinés par l'énergie intérieure, ces draperies souples et amples qui exaltent les corps sans jamais les contraind r e.

Le cuivre découpe les personnages aux con to u rs fermes, qui semblent surgir du fond bleu de l'éma il comme des profondeurs de l'az ur.. »

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