Les écrivains beat generation
Publié le 01/05/2022
Extrait du document
«
ation
HORS DES CHEMINS
le « hobo »,
TOUT TRACÉS
le vagabond
du rail, celui
Rebelles ? Marginaux ? Les écrivains
beat refusaient toutesorte d'étiquette.
Seulscomptaientl'enviede vivre
qui voyage
en toute liberté, de se tenir
en dehors des normes sociales,
wagons de
d'être des clandestins.
«Ony va ?
-Où?-Je ne sais pas, mais
on y va.
» Tiréedu roman Sur
la route (1957) de Jack Kerouac,
en parcourant
clandestinement
à bord des
marchandises
2001) lanceun vibrantplaidoyer
contrela bombe atomique dansson
poème le plus célèbre,Bomb(1958),
écriten formede champignon
atomique.
Enplein maccarthysme,
les prises de positiond'un auteur
commeAllen Ginsberg, quise déclare
ouvertement « poète, juif,pédé,
drogué et communiste », possèdent Lawrence Ferlinghetti
un certain
ensuite dans les bras de ses amis.
nombre
L'âme damnée du mouvement est
d'auteurs,
William Burroughs ;
dont Cary
Snyder (né
en 1930),
Gregory
sujet exclusif,
la drogue.
Ilexplore
Corso et
ses visions
(né en 1919).
tout le pays.
Fousde jazz,
une vraie valeur contestataire.
les écrivains
Des lieux mythiques
l'un des chefs de file de ce
fondateurs
Au commencement du mouvement
mouvement, cette citation résume
du mouvement
beat est la rencontre à New York
l'espritbeat.
Porteusede valeurs
mystiques, rejetant le conformisme
et le matérialisme,la Beat
générationa célébré l'art, amenant
une révolution poétiqueet une
manière nouvelle de s'exprimer.
beat souhaitaient
Lajeunesseaméricaine ne prend
et Allen Ginsberg (1926-1997), par le donc pas le pouvoir, mais
LES ORIGINES
reproduire
le tempo et la spontanéitéde cette
musique au travers de leurs écrits.
il traite d'un
hallucinées
dans des
œuvres comme Junkie ou Le Festin
LES ANGES VAGABONDS
ÊTRE MAITRE DE SON DESTIN
de deux fortes têtes, Jack Kerouac
biais d'un ami commun, Lucien
Carr, membre de la jeunesse
nu,longuesdescentesaux enfers
dans l'esprit d'un drogué.
Aucun
manifeste ne vient officialiser le
mouvement ; la liberté de chacun
est respectée.
elle saisit les rênes de son destin.
L'affranchissement des valeurs
LA SPONTANÉITÉ AU CŒUR
traditionnelles américaines passe
Cette volonté de fuir les conventions
Le refus de la normalité
par un nouveau mode de vie,
se retrouve dans l'écriture.
L'esprit de la Beatgénération s'est
construit entre 1944et 1959.
Lorsque
à la recherche de fraternité
Lesœuvres beat amènent une façon
et de création, au traversde moyens
nouvelle de concevoir la littérature.
le mouvement accèdeà la postérité
inédits.
La remise en cause du rêve
Lejazzet l'arrivéede Neal Cassady
en 1959, les œuvres ont toutes été
américain n'est pas seulement un
acte de rébellion; c'est une façon
d'envisager l'art, d'amener
une nouvelle forme de poésie
au rythme puissant, presque
improvisée.
L'uniformité est
rejetée, le matérialismeexécré.
Lesbeats aspirent à une vie
spirituelle éclairée : Allen Ginsberg
dans la mouvance auront une
écrites et les auteurs sont plus
La Beat génération devient une réalité ou moins des survivants de cette
en 1952,le jour où John Clellon
épopée...
Holmes y consacretout un article
Lesbeats, qui refusent de se laisser
Un son
dans le New
enfermer dans une caricature
branchée et désenchantée.
À ce duo
York Times
de clochards à la longue barbe
influence remarquable sur le style
des écrivains beat.
Artistiquement,
le jazz est proche de la littérature
beat.
L'essence du jazzse trouve
dans la spontanéité, l'improvisation
et la sensualité ; Kerouac, Ginsberg
et Burroughss'en inspirenttous
à la suite
et en sandales, niant leurs facultés
s'ajoute un troisième larron,William
Burroughs (1914-1997), le doyen.
de ses
artistiques, récusentfurieusement
le terme beatnik.
Cesont plutôtdes
bohémiens.
Nul espritde révolte
famille en rupture de bana déjà
multiplié les expériences, ila voyagé
nocturnes
ne les anime, détruire les conventions
en Europe et s'est marié une fois.
et enfumées
foutue ».
Pourtant les écrivains beat
ne les excite pas.
Si, dans son poème Cetrio improbable fréquenteles
Howl (1956), Allen Ginsberg dénonce bars louches, effectue des plongées
le matérialisme ambiant, décrit sous nocturnes dans Greenwich Village,
les traits monstrueux de Moloch,
explorant les bas-fonds, vivant
ilne faitque pointer du doigt les
à cent à l'heure, sans tabous.
Allen
horreursqu'il engendreet finitdans Ginsberg ne se cachepas d'être
un élan lyrique par célébrer ce qui
homosexuel, tout comme William
peut être bon en chacun.
Burroughs, qui vitégalementavec
Les beatsont une sensibilité à part: des femmes.
ilsse placentdu côté du replisur soi, New York, la ville où rien ne s'arrête
du refus silencieux, de la clandestinité.
jamais,est le théâtre de leurs
Nulle attache ne les retient
premiers écrits,de leurs premières
à la société,à i'american wayoflife, aventures.
Lucien Carry tue
à l'image d'un Neal Cassady dont
un ami dans des circonstances
Kerouac faitle personnagecentral
troubles, et Kerouac écope
de son livre Sur la route.
Cassady,
d'une peinede prison pour
persuadéque, mêmesi tout semble non-dénonciation.
Iléchappe
sans espoir, le mondepourra
à la prisongrâceà Eddie Parker,
se libérer de ses contraintes
une jeune étudiante qu'il épouse
et de ses préjugésgrâceà une
en échangede la caution.
franche communion des esprits,
Les allers-retours entre New York
chercheà capter l'essencede la vie.
et le Michigan, où demeurent
ne sont pas en marche contre
Kerouac résume cette volonté d'aller
le système, ilssonten marge,
de l'avanten 1958 : «J'aijadisfait
un rêveau coursduquelje ne voulais Il décrira ses folles traversées
pas que le lionmangel'agneau,
d'un bout à l'autre des États-Unis
délirant ? En pratiquant un peu
la solitude, en partanttout seul
de temps en temps pour engranger
et le lions'est approché et m'a léché dans son roman culte, Sur
le visagecomme un gros toutou,
la route, en compagnie de son
et puisj'ai pris l'agneaudans
ami NealCassady (1926-1968).
l'or le plus précieux: les vibrations
de Howl
de la sincérité.
»
Ginsberg
impressionne
W| 7e 4
longues
discussions
avec Jack
Kerouac
(1922-1969).
Cedernieremploie souventle terme
beatpourenglober son attitude et
celle deses compères, parce qu'ilne
parvientpas à mieuxdéfinirleur
vision du monde.
Dès lors, l'emploi de l'adjectif donne
lieuà unefouled'interprétations
destinées à saisirau plusprès cet
esprit,sans forcéments'approcher
du sens que luidonnait Kerouac.
Certains font le rapprochement avec
la Lost génération, la « génération
perdue »de l'entre-deux-guerres,
regroupant desauteurstels qu'Ernest
Hemingway ou Francis Scott Fitzgerald.
LaBeatgénération est alors
assimilée à une «génération
à contre-courant.
Jack Kerouac
songeait plutôt au sens premier
du mot,« épuisé ».John Clellon
Holmes a biensaisice qu'il voulait
dire: « Plus que l'épuisement,
il implique le sentiment d'avoir été
mes bras et il m'a embrassé.
utilisé, d'être écorché vif.
Il implique C'estle rêvede la Beat génération.
»
unesortede nuditéde l'esprit
I^y» I L'engagement
et, en finde compte, de l'âme :
mÊ ËÉti P°''tique n'est pas
l'impression d'être acculéau tréfonds
• non plus absent
Âgé de30ans, cefils de bonne
les Parker, donneront à Jack
Kerouacle goût de la route.
Le théâtre de la reconnaissance
les trois.
part en Inde à la fin des années
Kerouacne met que vingtjours
1950 pourtrouverle gourou qui est à écrire son roman Surla route,
en lui; ilécritpour sa mère disparue tapé à la machine sur un rouleau
Kaddish, qui mêle allusions
de 36 m de longafinde ne pas
couper son récit, que nulchapitre
ne divise alors.
De même, Ginsberg
compose Kaddish lors d'une session
d'écriturequi dure seize heures.
Quant à Burroughs, ils'inspire
de cette facilité à improviser des
jazzmenen utilisant la technique
du cut-up, qui consisteà faire
des montagesaléatoires
politiques, charnelles et spirituelles ; de phrases écrites ou enregistrées
Gary Snyder pratique un bouddhisme au magnétophone.
zen et devientJaphy Ryder dans
L'écriture ne peut que refléter
Les Clocbards célestes de Kerouac,
le rythme intérieur de l'écrivain,
celuiqui tente de lier l'homme
son authenticité.
Ginsberg veut
et la nature en un mouvement
écriredes « poèmes réels»
mêlant utopisme et orientalisme.
et pense que la première impulsion
Kerouac résume cette attitude :
est la meilleure.
Les notions
« Beatne veut pas tant dire fatigué
ou éreinté que beato, béatifique
de ponctuation, de rimes
en italien : être dans un état
de leurs œuvres.
En revanche,
de béatitude.
Comment cela peut-il
lorsqu'il s'agit de mettrele ton,
ces auteurs saventcapter le rythme,
à l'imaged'un musicien : lors
se faire dans notre monde moderne
Cettesoifde spiritualité s'exprime
à l'aide d'expédients extrêmes :
ou de mesures sont absentes
de la lecture
publique
son auditoire
du mouvement sera la côte Ouest.
les beats
En 1955, la lecture publique
de Howl par Allen Ginsberg
à la SixGalleryde San Francisco
expérimentent
la nouveauté
à l'excès
de son style
de sa conscience.
»
de ce mouvement
Leterme provient du vocabulaire
littéraire, sans
n'a pas un retentissement immédiat
dans la presse, mais c'est
des jazzmen noirs, qui l'ont
eux-mêmes emprunté au lexique
courant ; au XIXe siècle, beatdésigne
en être le fer de
un électrochoc poétique pour
lance.
Cregory
Corso (1930-
tous les auditeurs.
L'arrivée
en Californie des beats va fédérer
^^B drogues, alcool
et sexe.
Neal
Cassady
^k J1^^^ multiplie les
lA^B h conquêtes,
Mi • qu'il jette
autant par
que par
sa dictionpuissante et mesurée,
et Mexico City Bluesde Kerouac
(1959)comporte cette citation
étonnante : « Je veux qu'on
me considère commeun poète.
»
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