Les Avant Gardes et les musées
Publié le 11/05/2024
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«
L’Art des Avant-Gardes et les musées au XIXe
En novembre 1890, la presse parisienne annonce l'entrée
d'un nouveau tableau dans les collections nationales : l'Olympia de Manet prend
place au musée du Luxembourg, offert à l’État par un groupe de souscripteurs à
l'initiative du peintre Claude Monet.
Le scandale provoqué par ce tableau en 1865
est pourtant loin d'être apaisé.
Le public, en général, n'est pas encore gagné par
l'art de Manet et l'administration ne va accepter le don qu'à regret.
Néanmoins, cet
acte va marquer un lègue à la postérité des artistes de l’avant garde au XIXe,
légitimant leur place au sein des institutions muséales.
Comme l’évoque Monet
dans une lettre au ministre de l’Instruction publique le 7 février 1890 : «Le rôle
d’Édouard Manet a été utile et décisif.
Non seulement il a joué un grand rôle
individuel, mais il a été, de plus, le représentant d’une grande et féconde
évolution.».
A cet égard, ce XIXe siècle se dresse, en France, à l’image
de son art, s’ancrant dans une époque mouvementée et changeante.
Comme
l’évoque le poète Charles Baudelaire dans « Le Cygne » : « Le vieux Paris n’est
plus (la forme d’une ville change plus vite, hélas ! Que le cœur d’un mortel) ».
Marqué par de profonds bouleversements politiques, économiques et sociaux, ce
siècle marque la dichotomie de son art, tiraillé entre la tradition et l’innovation
technique et esthétique, mais aussi la confrontation de l’Académie à la modernité.
De ce fait, l’art des Avants-Gardes, notion utilisée en 1825 par Claude Henri de
Saint-Simon dans son ouvrage Opinions littéraires, philosophiques et
industrielles : « C’est nous, artistes, qui vous servirons d’avant-garde.
», a été
caractérisé par une rupture progressive avec les conventions artistiques établies,
privilégiant d’avantage l’innovation et la remise en question des traditions dès
Édouard Manet.
Passant par une multitude de vagues artistiques comme le
réalisme de Gustave Courbet, le romantisme, l’impressionnisme et le symbolisme,
l’art des Avant gardes a permis de repousser les limites de l’art traditionnel en
dépit des attentes du public et de l’époque.
De ce fait, cette émergence fit
étroitement liée à l’évolution du cercle muséale à la même époque.
A l’origine, le
musée du latin « Museum » , et issu du grec ancien « Μουσεῖον », se traduisant
littéralement par « le temple des muses », est un établissement organisant et
mobilisant des collections permanentes et publiques par l’État depuis le XIXe
siècle.
A cette époque, celui-ci va s’ouvrir progressivement à la présentation de
l'ensemble des biens culturels, scientifiques, techniques, artistiques et
ethnographiques du pays.
Cet essor n’est pas sans soulever critiques et
oppositions quant à la finalité de l'institution, à son rôle de conservation, de
consécration et de légitimation, notamment des œuvres artistiques.
Ainsi,
l’émergence de cette rupture dans le monde de l’art et la naissance croissante
des institutions officielles muséales au XIXe va soulever la question de la
légitimation et de la reconnaissance de ces mêmes mouvements au sein des
musées, tenant pour rôle l’ouverture sur l’avenir, sur un espace de liberté et de
création, mais aussi politique.
Il s’agit d’offrir à l’attention et à la réflexion
universelles les éléments intellectuels et culturels qui sont le socle d’un monde
nouveau.
A cet égard, comment les musées au XIXe siècle ont-ils
navigué entre leur mission traditionnelle de conservation de l'art établi et leur
responsabilité croissante de représenter et de légitimer les mouvements avantgardistes, malgré les tensions inhérentes entre la préservation de l'orthodoxie
artistique et l'acceptation de l'innovation créative ?
Nous allons voir que le musée se définit d’abord comme un
espace presque ancestral de l’Académie et un prolongement du Salon, s’ancrant
au cœur de l’orthodoxie artistique dans un siècle de changements progressifs.
Puis, que l’émergence de l’art des avant gardes va remettre en question ce
phénomène, faisant émerger ce siècle comme une époque de consécration,
légitimation et de promotion de l’artiste vivant et moderne au sein des institutions
officielles.
Finalement, nous allons voir que cette rupture faire naître une floraison
d’espaces officiels de l’avant garde, allant du simple musée à l’inauguration de
lieux inédits, permettant des manifestations de liberté et d’indépendance.
Au prisme du XIXe siècle, siècle de mouvements et de
ruptures progressives, le musée va d’abord s’ériger comme un lieu ancestral de
l’Académie, et même un prolongement du Salon, ancrant sa fonction de
conservation de l’orthodoxie artistique et des traditions établies dans un lieu
officiel, permanent et national.
De ce fait, dans une époque changeante mais dès lors
encore ancrée dans une tradition artistique soutenue par l’Académie des Beauxarts, le musée va s’ériger comme le reflet d’une orthodoxie conservatrice et
ancienne, se basant essentiellement sur l’exposition d’œuvres académiques et
historiques.
Ainsi, les élans de la progression de l’art des avant gardes a connu à
cette époque de multiples rejets de ces institutions officielles.
La sélection des
œuvres à exposer était basée sur la théorie de hiérarchie des genres, évoquait
dès 1667 avec André Félibien dans les Conférences de l’Académie.
Ce concept
plaçait alors la peinture d’histoire et allégorique au sommet de l’échelle des
genres, et soulevait l’idée d’un impératif de représenter une certaine dimension
éthique et morale, ayant pour rôle de servir d’exemplum au spectateur.
De ce fait,
l’on observa assez rapidement à l’époque la concentration des œuvres conformes
aux idéaux esthétiques académiques et de ses artistes dans les musées.
Par
exemple, Jean-Auguste-Dominique Ingres a été un académicien néo-classique
grandement exposé au XIXe de son vivant et même après son décès en 1867.
Ses œuvres ont été exposée dans les collections temporaires mais aussi
permanentes du Musée du Louvre à Paris et dans bien d’autres institutions.
Nous
pouvons prendre pour exemple son œuvre Jupiter et Thétis peinte en 1811 : cette
œuvre a été acquise par l’état français en 1834 et conservée au Musée Granet
d’Aix-en-Provence.
On observe alors une scène mythologique tirée de l’Iliade
mettant en scène Thétis, mère d’Achille, implorant Jupiter de soutenir la cause de
son fils.
Les figures sont dessinées et indiquent l’idéalisation et la pureté d’un
style néo-classique, essentiellement académique.
De plus, plusieurs attributs sont
représentés comme l’aigle de Jupiter, et la posture indicative du Dieu, figée et
robuste, procédé allégorique de représentation de sa puissance justicière.
A cet
égard, l’abondance des œuvres anciennes dans les institutions muséales
souligne bien une forte présence classique et traditionnelle de l’art pictural.
Comme l’évoquait René-Jean Durdent en 1813 : «La collection de tableaux,
exposés dans la grande galerie du Musée Napoléon renferme les ouvrages de
toutes les écoles depuis la Renaissance de l’Art ; et on en compte un peu plus de
1200.
».
De ce fait, le musée va s’offrir aux nouveaux élans de l’art des avants
gardes, art divers et multiples, comme un champ et un terrain ancien,
contraignant leur entrée dans un espace officiel et public.
Néanmoins, ces
difficultés vont d’autant plus souligner le rapprochement étroit du musée et du
Salon, au cœur d’une orthodoxie de l’art et des artistes.
En parallèle, l’institution muséale va dès le XIXe siècle
s’ériger comme le prolongement du Salon artistique.
Néanmoins, il est important
de dissocier le Salon du musée à cette époque car le Salon se compose
principalement d’œuvres d’artistes vivants, mais s’attache aussi à honorer
« L’École française » de peinture et à instruire le public comme le préconise
l’Académie.
Nous pouvons ainsi nous pencher sur le cas du Musée du Louvre
jusqu’au XIXe qui, comme nous pouvons le voir, a été à l’origine de l’avènement
des Salons.
Nicolas Langlois, en 1699, fit paraître une gravure de ce phénomène,
dans Exposition des ouvrages de peinture et de sculpture dans la grande galerie
du Louvre en 1699.
Dans cette gravure, nous pouvons observer une exposition
ayant lieu dans le Salon Carré du Louvre : le public est divers mais surtout
composé d’aristocrates, de bourgeois et de touristes étrangers, les murs sont
également couverts de tableaux de tout genres positionnés « à touche-touche ».
Ainsi, nous retrouvons à nouveau l’idée que les institutions et expositions
officielles sont tenus par des critères rigoureux qui préconisent encore une fois la
mise en avant d’un art académique.
En effet, à cette époque, le musée sortit
progressivement du statut de collections royales et privées.
Il est également
important d’évoquer qu’étant donné la présence d’un lien certain entre le Musée
et le Salon jusqu’à la première moitié du siècle, l’art d’avant garde s’est
délibérément fait rejeté de ces expositions.
Les Salons étaient basés sur des
critères rigoureux et réticents à l’innovation artistique comme on peut le constater
chez Gustave Courbet.
Par exemple, son œuvre L’enterrement à Ornans en 1850
a suscité les réactions du Salon de Paris la même année : la scène est
représentée sur un format gigantesque, elle traite d’un sujet religieux et de la
mort, mettant en scène un enterrement.
Néanmoins, cette œuvre va faire l’objet
d’une critique satyrique par les journalistes du Salon, dénonçant par exemple les
visages burlesques des figures et la volonté égocentrique du peintre de se
démarquer avec sa signature.
De plus, Courbet va délivrer une image presque
triviale de la religion, qui n’est....
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