Le théâtre (Histoire des arts)
Publié le 15/11/2018
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UN PEU DE VOCABULAIRE
L’action, la fable, l'intrigue désignent l'histoire qui est montrée. Cette histoire débute, en particulier dans la tragédie, in médias res, «au milieu des choses», quand tout est déjà engagé. Les personnages se lancent alors souvent dans des monologues pour expliquer leur situation. Ils peuvent aussi s'adresser à un confident, soit dans un dialogue très serré (on parie alors de stichomythie), soit avec des répliques plus longues. On distingue les tragédiens (acteurs) et les tragiques (auteurs), comme, dans la langue classique, les comédiens (acteurs spécialisés dans la comédie) et les comiques (auteurs). Les acteurs, qui jouent un rôle, obéissent aux didascalies, ou indications scéniques du dramaturge (l'auteur), telles que les analyse le metteur en scène, qui peut également introduire des éléments de gestuelle non précisés par l'auteur. Le décor, dont des éléments peuvent descendre des cintres ou surgir de trappes aménagées dans le plancher de la scène, s'ouvre côté cour et côté jardin sur les coulisses, normalement invisibles du public.
DU SACRÉ AU PROFANE C'est par la notion de représentation que l'on peut définir le théâtre : des acteurs jouent une scène ou une histoire devant des spectateurs. Suivant les époques, cette histoire a pu être considérée comme réelle ou comme fictive; les spectateurs ont pu être amenés à s'identifier ou au contraire à prendre leurs distances; reste ce spectacle qui est et n’est pas la vie, et qui leur donne à voir, à sentir, à entendre la vérité du destin humain.
Ce destin, on le conçoit dans les scènes traditionnelles grecques et orientales sous le mode de la fatalité. Le théâtre est alors lié au sacré. Mais l'homme peut aussi s'émanciper, construire sa vie sur le refus du tragique. Le théâtre moderne est ainsi conçu sur le mode du dialogue entre l’homme et sa destinée.
REPRÉSENTER LE SACRÉ
Les sociétés primitives pratiquent une forme de théâtre indissociable du chamanisme. Rien d'agréable, rien d’esthétique dans une cérémonie dont le sens profond est un contact effrayant avec l’au-delà, le monde des dieux, des morts et des esprits. Ce théâtre se rapproche de formes de représentations comme la messe, que nul n'aurait l'idée d’assimiler à du théâtre; on y représente pourtant, devant des fidèles, la Passion du Christ
La tragédie antique, dans ses premières manifestations, ne peut être comprise qu’à travers ce modèle.
Aristote (384322 av J.-C.), qui dans sa Poétique a fait la théorie d'un genre déjà dénaturé, en donne les principes : remué au fond de son âme par la terreur et la pitié, le spectateur s’identifie au héros malheureux, et par le mécanisme de la catharsis se voit purgé de ses mauvaises passions. Représentée à Athènes lors des Dionysies, la tragédie permet à la cité de vivre pleinement l'espace de la représentation, ses penchants au désordre, avant de retrouver son
calme, débarrassée pour un an de la violence qu'elle portait en elle. La tragédie est en quelque sorte un instrument de pacification civique.
LES TRAGIQUES CRECS ET LATINS
Les grands auteurs tragiques s'éloignent de ce modèle primitif en donnant au genre une dimension littéraire, faisant sa place au plaisir.
L'œuvre d'Eschyle (v. 525-456 av J.-C.), dans laquelle on peut isoler Les Suppliantes et Les Choéphores, est marquée par l'importance du chœur : peu de surprise, peu d'intrigue, des personnages qui n’ont pas encore d'individualité, l'essentiel de l'action se jouant dans un dialogue angoissé entre les héroïnes et le coryphée, ce personnage qui les avertit du danger les menaçant.
Sophocle (v. 495-406 av. J.-C.) transforme la cérémonie religieuse en une activité se rapprochant davantage du monde du plaisir esthétique. Ajax, Philoctète ou encore son célèbre Œdipe-Roi restent marqués par des thèmes d'une extrême gravité, et c'est bien dans une terreur sacrée qu'ils tiennent leurs spectateurs. Mais la part de suspense, la construction psychologique plus élaborée contribuent à décentrer le tragique vers un pur et simple spectacle. Cela sera chose faite avec Euripide (480 406 av. J.-C.), le dernier des grands tragiques athéniens, qui donne avec Hippolyte une pièce complexe, offrant au spectateur non plus une identification brute, mais un jeu subtil de mensonges et de dissimulation. Racine s'en souviendra, en reprenant presque à l'identique de longs fragments du poème d'Euripide dans Phèdre. Dans le monde latin, la tragédie devient une œuvre littéraire comme une autre. Sénèque (v. 2 av. J.-C.-65 apr. J.-C.) donne cependant quelque éclat au genre, en représentant la folie dans Médée Ce furor, pour reprendre le terme latin, pousse à son paroxysme la logique tragique : le héros, aveuglé par la démesure (hybris), finit par accomplir le destin terrifiant que lui ont tracé les dieux, pour mieux faire la leçon aux autres hommes.
LA COMÉDIE CLASSIQUE
C'est le poète tragique Phrynicos (vie-ve siècle) qui aurait introduit sur scène l'usage du masque et les rôles féminins ; mais ces personae (le masque est utilisé personare, pour faire porter la voix) seront surtout utilisés dans la comédie. Aristophane (v. 445-v. 386 av. J.-C.) est sans doute le plus grand auteur comique grec. Ses œuvres évoquent les problèmes de la cité, en usant de préférence de personnages un peu rustres, par opposition à la noblesse glacée des héros tragiques.
La Paix met ainsi en scène un certain Lavendange, vigneron qui monte sur un bousier géant pour aller délivrer la Paix et faire revenir les dieux, dégoûtés des continuelles querelles entre Athènes et Sparte. Si Aristote évoque le comique dans sa Poétique, c'est cependant à Rome que le genre va trouver tout son développement. Le rire, en principe, n'y est qu'un instrument de la morale : on dit de la comédie qu'elle corrige les mœurs par le rire (castigat ridendo mores). Les personnages comiques, généralement de basse extraction, se voient sermonner, leurs vices étant souvent ridiculisés. Les spectateurs sont invités à faire retour sur eux-mêmes, en prenant conscience de leurs propres défauts. Il y a ainsi dans la comédie un double principe : le rire carnavalesque, celui des gros mots et de la scatologie, accompagné d’une démarche plus intellectuelle. Le grand auteur latin est Plaute (254-184 av. J.-C.), qui donne avec La Marmite et Amphitryon des pièces que nous connaissons sans le savoir : l'une et l'autre ont été adaptées par Molière, la première sous le titre de L'Avare.
LA TRADITION ORIENTALE
Le théâtre romain, notamment comique, comporte - malgré l'usage des masques - une forte dose de réalisme : celui du langage, celui des situations souvent puisées dans la vie quotidienne. À ce titre, il se distingue beaucoup des autres théâtres traditionnels, dont certains sont pourtant nés à la même époque. Le no japonais
LE GRAND THÉÂTRE DU MONDE
Le Grand Théâtre du monde (1649) de Calderôn répond au théâtre du Globe où Shakespeare fait jouer ses pièces, pour désigner dans le théâtre un microcosme capable de représenter le macrocosme. Le théâtre baroque et classique affirme ainsi son pouvoir : représenter la terre entière sur une simple scène de quelques mètres carrés - en fait, quelques pieds carrés, car le mètre n'est alors pas encore inventé. Beaumarchais va introduire une rupture dans ce jeu : au début des Noces de Figaro (1785), le futur marié mesure le sol de sa chambre, comme pour affirmer sa réalité ou sa conformité au réel. Parallèlement, le décor s'ouvre et se pourvoit de fenêtres, par lesquelles les personnages peuvent sauter... Le théâtre n'est plus le monde, il est un espace réaliste au sein du monde.
«
Pantalon,
Tartaglia, le Capitaine
occuperont la scène pendant près de
deux cents ans, avant que le genre ne
décline au siècle des lumières.
la
grossièreté et la pauvreté des intrigues
ont sans doute contribué à ce déclin,
mais la commedia dell'arte a pour elle
la liberté du ton et l'inventivité des
acteurs.
En France, le théatre de la Foire jouera
sur le même registre carnavalesque
d'un envers du monde : le corps,
l'excrétion, la sexualité, la violence de
rapports humains et l'animalité latente
des comportements sont au fondement
de ces scènes populaires, qui n'ont
jamais conquis la dignité des genres
académiques, mais que les grands
seigneurs ne dédaignaient pas de faire
représenter en leurs chateaux.
LE THÉÂTRE BAROQUE LE
GRAND THÉATRE DU MONDE
Le Grand Théâtre du monde (1649) de
Calder6n répond au tlléltn ft
Globe où Shakespeare fait jouer ses de
la cour.
les pièces à machine et à
ballets de ce même Molière suggèrent
bien que le monde classique continue à
lorgner du côté baroque, du côté de
l'extraordinaire et du spectaculaire,
mais le théâtre s'est assagi.
LES MÉTAMORPHOSES DU XVIII'
Voltoirt (1694-
1778) sui
t la voie
ouverte par
Racine et devient
le tragique le plus
célèbre de son
époque, avec des
pièces, pour désigner dans le théatre pièces
classiques
un microcosme capable de représenter (Zaïre,
1732)
le macrocosme.
le théâtre baroque et glissant
doucement vers l'affirmation
classique affirme ainsi son pouvoir : d'une
morale politique.
représenter la terre entière sur une Il sera suivi en cela par l'Allemand simple scène de quelques mètres Lessing {1729-1781), qui, avec Nathan carrés- en fait.
quelques pieds carrés, le sage {1779), donne un théatre car le mètre n'est alors pas encore d'idées, prônant la grande valeur du inventé.
Beaumarchais va introduire siècle
: la tolérance.
C'est en fait par le
une rupture dans ce jeu : comique
que le XVIII' siècle théatral
au début des Noces de Figaro (1785), restera
dans l'histoire :Lesage (1668-
le futur marié mesure le sol de 1747)
et son
sa chambre, comme pour affirmer Turcaret
(1709),
sa réalité ou sa conformité au réel.
Morivoux
(1688-
Parallèlemen� le décor s'ouvre et se 1763)
et son Jeu
pourvoit de fenétres, par lesquelles de
l'amour et du
les personnages peuvent sauter...
hasard
(1730),
Au XVII' siècle renaît véritablement le
le théâtre n'est plus le monde, il est Beaumarchais
théatre
occidental, avec le courant un espace réaliste au sein du monde.
(1732-1799) et
baroque qui impose la splendeur de ses son
Figaro explorent les ressources
illusions et l'ambition de ses caractères.
1------------� scandaleuses
du rire, qui permet de
le baroque, mouvement artistique {1600-1681) mettent ainsi en scène mettre en cause avec légèreté et ironie
marqué par l'idée du faux-semblan� le
redoublement des apparences, le une
société crispée sur ses valeurs et
trouve dans le théâtre son lieu spectateur
finissant par se perdre dans ses
barrières sociales.
En Italie, à la
ce jeu de reflets où disparaît la réalité.
même
époque,
les personnages du théâtre baroque, Goldoni
{1707-
notamment ceux de Shakespeare, sont 1793)
renouvelle
caractérisés par une folie (Le Roi Lear,
le comique en
1606) et une démesure criminelle substituant à la
(Richard Ill, 1592) qui font d'eux des
maudits.
le Dr Faust et Don Juan
apparaissent à cette époque, le premier
trouvant sa première grande illustration
littéraire sous la plume de Marlowe
(1588), le second créé par Tirso de
Molina (L'Abuseur de Séville, 1625) :
tous deux sont des truqueurs, des
joueurs qui essaient de déformer le réel
afin de le plier à leurs désirs.
Ils
1--------------1 trouvent dans le Ham let shakespearien
l:o..,ttlttréélte à l'antique est en
demi-cercle, avec des gradins s'élevant
progressivement les tftteallll des
foires sont de simples estrades, sans
coulisses, installées en plein air.
les
théatres du XVI" siècle étaient en bois
(tel le Globe de Shakespeare), et il
fallut attendre la fin du XVI� siècle pour
que l'on construise de véritables salles
spécialisées.
le tllütre • nt.IIBH,
caractérisé par un parterre plat
surplombé par des balcons et des
loges, domine tout au long du (La
Tragique Histoire d'Ham/et, 1601)
un répondant tragique, le célèbre
monologue (« Ëtre ou ne pas être ...
»)
interrogeant la difficulté de vivre dans
un monde privé de sens.
rÉPOQUE CLASS
IQUE
Face aux débordements baroques, le
théâtre classique va s'affirmer comme
un lieu de mesure, capable d'exalter la
grandeur (Le Cid, 1637, de Corneille)
ou la monstruosité, avec par exemple
Britannicus (1669) ou Phèdre (1677) de
Racine, mais dans un ordre esthétique
fort différent de l'esprit baroque.
Racine (1639-1699) impose sur la
scène une élégance et un registre sans bienfaisan�
l'avare, etc.) au profit de
personnages plus individuels et plus
sensibles.
RÉVOLUTIONS ROMANTIQUES
le romantisme allemand redécouvre
les vertus spectaculaires de l'histoire.
Schiller (1759-1805), avec Marie Stuart
(1800), réussit à sortir du carcan
classique en retrouvant un esprit
shakespearien.
Disparu très jeune,
Georg Büchner (1813-1837) donne
avec La Mort de Danton (1834) et le
drame inachevé de Woyzeck (1836)
une éblouissante méditation sur de
l'ame humaine et mettent en scène
des thèmes modernes, dont la liberté
des femmes (Ibsen, Moison de
poupée, 1879).
LA RÉVOLUTION DU JEU
XVII�
siècle, avant que l'architecte
ledoux n'impose un retour aux gradins
progressifs, plus démocratiques
(théatre de Besançon).
les salles
modernes exploiteront des lieux divers,
la forme rectangulaire s'Imposant
souvent pour des raisons pratiques.
équivalents
dans le
théâtre français.
Et Molièrt
retrouve la
gaieté de
Plaute sans
déroger aux règles
d'élégance l'histoire
et le processus créateur.
C'est de cette première tradition
En France, et même s'il est littéralement moderne que se réclameront des auteurs
comme Brtcht (1898-1956) et,
plus tard, Antonin Artaud.
le premier
tente de créer un théâtre politique
visant à la
prise de
conscience
du
:-..,..l!!l ..
a��o..
spectateur : le
procédé de la
distanciation, favorisé par
un jeu
d'acteurs
délibérément
faux, permet au spectateur de
conserver sa liberté critique.
Artaud (1896-1948), quant à lui, attend
au contraire du théâtre qu'il emporte
son spectateur dans une fascination et
une expérience des limites (Le Thédtre
et son double, 1938).
C'est sur ses
théories du «théâtre de la cruauté»
qu'est fondé en 1947 le Living theater :
l'expression corporelle y joue
notamment un grand rôle.
le théatre se politise au XX' siècle,
même quand il revient sur le ca navas
bien connu de mythes antiques,
comme chez Giraudoux (1882-1944),
Sortn {1905-
1980), Comus
(1913-1960)
ou les épigones
français de
Brecht.
Mais
(Ionesco, 1912-1994) à la méditation
métaphysique la plus profonde
(Beckett, 1906-1989) ou au désespoir
le plus noir (Adamov, 1908-1970)..
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