LE SAC DE ROME
Publié le 14/09/2014
Extrait du document
«
pillage fut plus brutal encore.
Les objets litur
giques, toutes les orfèvre ries sacrées furent
confisqués par les soldats impériaux.
La rage
des protestants s'exerça contre les reliquaires ,
pièces souvent admirables.
Pour atteindre les
restes vénérés par les •papistes •, ces reli
quaires furent brisés avec acharnement : •Les
impériaux ont pris la tête de saint Jean , celle
de sain t Pierre et de saint Paul ; ils ont volé
l'enveloppe d 'or et d 'argent et les ont jetées
dans les rues pour jouer à la balle •, rappo rte
une relation du temps .
La fin d'une époque
L'événement, dans toute la chrétienté, fut res
senti comme une épo uvantabl e catastrophe.
Mais il se trouva des hommes pour expliquer
que le dram e avait été annoncé et pour juger
qu'il était mérité.
Depuis le début du
XVI' siècle, les papes, en choisissant de proté
ger le mouvement humaniste, s'étaient pro
gressivement écartés des préoccu pations du
plus grand nombre des fidèles .
La réhabilita
tion de la culture païenne, l'affirmation du rôle
temporel - politique - du pape, qui cons ti
tuaient le programme pictural des Stanze , ne
pouvaient être compris par la plupart des chré
tiens, soucieux au cont raire d'une spiritualité
plus pure , éloignée des préoccupations mon
daines.
Alors naquit le thème de la Rome
Babylone : il fut utilisé par les prédicateurs
dans leurs libelles , mais aussi par les fabricants
d 'images, c'est-à -dire par les graveurs qui dif
fusèrent d'innombrables feuilles volantes où
était reproduite l'image dévastatrice d'une cité
pontificale devenue aussi impie que l'ancienne
ville païenne maudite pour son orgueil.
Le sac de 1527 sembla donner raison à ces
pronostiqueurs de malheur.
En 1528, un an
après le sac, l'humaniste Érasme exigeait,
dans le Cicer onius , un retour à des images véri
tablement chrétiennes.
Huit
ans après le
drame, Michel-Ange, à la chapelle Sixtine,
peignait le Jugement demie r, image saisissante
du malheur des hommes et de la damnation,
sous la voûte où il avait réuni symbolique
ment , en 1508 , sibylles et prophètes ...
La dispersion des peintres
Le sac et:t une autre conséquence , immédiate.
À Rome se trouvait réunie, depuis le début du
siècle , une communauté nombreuse et soli
daire d'artistes.
Comme tous les habitants de
la ville , ces artistes furent surpris par l'arrivée
de l'armée.
Leurs mésaventures , parfois épou
vantables, ont été rapportées par l'historien
Vasari, qui a recueilli à Rome vers 1540 des
récits sur le sac.
Il y eut des mons, comme le
graveur Marco Dante.
Des artistes furent arrê
tés, bousculés , traités en portefaix , en esclaves.
Repéré pour sa forte carrure , le peintre floren
tin Rosso dut aller pieds nus porter des far
deaux et il déménagea la boutique d'un cha r
cutier.
Certains eurent plus de chance, tel le
jeune Parmesan, qui fut seulement contraint
par un officier amateur des arts de produire
gratis un nombre infini de dessins.
Dès que la situation le permit, les artistes quit
tèrent la ville exsangue.
Pour un grand nombre
d 'entre eux , ce départ fut définitif.
Parmesan
Les lan squen e ts devant le château
Saint-Ange , gravure de Jérôme Cock
d 'après Maarten Van Heemskerck , 1555 (Pan ·s, Bibliothèque nationale).
rallia sa patrie d'origine, Parme; Rosso erra
quelque temps en Italie , avant de se fixer en
France, à Fontainebleau; Polidoro da
Caravaggio gagna Naples puis la Sicile; Pierino
del Vaga s'en alla à Gênes; l' architecte
Sansovino partit pour Venise.
Rome, du moins
jusqu'au siècle suivant , ne redeviendrait plus le
foyer de rencontres qu'elle avait constitué pen
dant un quart d e siècle.
À ce changement déci
sif, il convient d'ajouter les pertes matérielles
irréparables ou le traumatisme personnel que
subirent les artistes.
Le graveur Marc-Antoine
perdit pendant le sac toutes ses planches de
cuivre : on n'entend à peu prè s plus parler de
lui après 1527.
Le peintre Sebas tiano del
Piombo, qui avait créé quelques œuvres très
belles avant le drame , ne produit plus ensuite
que des images médiocres; en février 1531 , il
écrit
de lui-même , dans une lettre citée par
l'historien André Chastel dan s son très bel
ouvrage sur le sac de Rome : •Je n'ai pas
retrouvé ma tête, il me semble que je ne suis
plus le Séb a stien d'avant le sac.• Témoignage
saisissant, qui montre l'impact catastrophique
qu'eut la prise de la ville sur les arts, en provo
quan t, outre la perte des œuvres et l'émigra
tion des artistes , la mort professionnelle de
nombreux créateu rs.
Voir au ssi : p.
150-151 (Le Jugement dernier )..
»
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