Le rock de 1990 à 1994 : Histoire
Publié le 15/01/2019
Extrait du document
FUSION DU
ROCK
Dans le rock, les grandes tendances d’une décennie se dessinent toujours lors des quelques années qui la précèdent. Le psychédélisme de la fin des années soixante a ainsi introduit le rock progressif de la première moitié des seventies. De même, le mouvement punk de 1977 a préfiguré la new-wave et le retour aux guitares dans les années quatre-vingt. Au contraire d'une paisible évolution, ces différents mouvements provoquent toujours une fracture dans leur époque, qu’ils laissent généralement exsangue et dans l'obligation de tout reconstruire. Le psychédélisme, avec le virage onirique qu’empruntèrent les Beatles en 1967 et les expériences sulfureuses des groupes de la côte ouest des États-Unis, noyauta de justesse la normalisation lente qui commençait à anesthésier les premiers héros de la pop. Le mouvement punk - The Clash, Sex Pistols en tête - rendit caduque en quelques semaines, à coups de slogans et de riffs serrés et bruyants, l'apathie des groupes sans âge à la virtuosité ennuyeuse. À chacune de ces époques correspond également une véritable mutation sociale et politique : la découverte des drogues hallucinogènes, un certain optimisme béat tempéré par la tragédie du Viêt-nam et la radicalisation de la guerre froide pour la fin des années soixante ; l’irruption du chômage, le désordre amoureux et la renaissance d'un espoir révolutionnaire - « destroy », « anarchy » et « no future » étaient les maîtres mots des punks - à l’aube des années quatre-vingt. Le rock n’est rien - sinon une vague bande-son de la jeunesse - sans la matière sociale qui l’entoure et le stimule. Aussi découvrira-t-on aisément dans les très riches heures de la fin des années quatre-vingt tous les éléments qui ont forgé le rock - et ses dérivés - de ce début de décennie.
GrUNGE CONTRE « ROCK À PAPA »
Exception faite du syndrome de destruction, ces signes annonciateurs sont à peu près semblables à ceux du crépuscule des seventies, mais à la puissance mille ! Le traumatisme du sida, la crise économique sans issue, la faillite des idéologies et, d’un strict point de vue musical, l’éclatement des anciennes chapelles gardées du rock au profit de nouveaux courants beaucoup plus perméables. On a ainsi vu des babas-cool s’allier à d'anciens punks pour faire de la dance music ou de vieux routiers soutenir de jeunes groupes, tel David Bowie avec les Pixies. Mais le passage de témoin entre les deux décennies fut surtout l'occasion d'une radicalisation presque sans équivalent dans le rock. Une explication à cela : depuis ses plus lointaines origines, le rock est l’expression de la rébellion de la jeunesse contre parents et aînés. On a toujours écouté du rock - de préférence à fort volume -, revêtu la panoplie adéquate pour affirmer sa différence et provoquer son entourage. Mais il faudrait beaucoup plus qu’un simple rythme binaire ou une coupe de cheveux hors norme
pour effaroucher les parents des adolescents d'aujourd'hui, qui ont eux-mêmes grandi avec le rock. D'où la multiplication, ces dernières années, de musiques extrémistes, voire barbares aux yeux des non-initiés, destinées notamment à creuser de nouveau ce fossé des générations un moment comblé. Le rap, le grunge, le métal ou la techno et tous leurs avatars ont rapidement pris le pouvoir au détriment du « rock à papa ». Pour autant, le rock traditionnel n'a pas disparu, loin de là, sous les assauts des nouveaux guerriers des années quatre-vingt-dix. Au contraire, les Rolling Stones, Genesis ou Pink-Floyd n’ont jamais vendu autant d'albums, ni rempli autant de salles de concert. Mais on se limitera ici aux musiques vivantes, évolutives. Parmi les courants apparus ces dernières années, le grunge est sans doute celui qui - dans tous les sens du terme - a fait le plus de bruit. Ce rock radical, fractal et nihiliste, propulsé des caves parentales aux plus hauts sommets des hit-parades par une jeunesse américaine sans horizon, a surpris tous ceux qui ignoraient son existence. Pourtant, même si le mot « grunge » - qui désigne la crasse accumulée entre des doigts de pied à la propreté douteuse - n'apparaît qu’en 1988 dans une chanson du groupe Mudhoney, la musique grunge possède des origines bien plus anciennes. Seattle, ville industrielle de l’État de Washington et véritable berceau du grunge, présente en effet de sérieux antécédents en matière de musique bruyante. Dans les années soixante, le groupe The Sonies, originaire de la ville, pratiquait déjà un rock violent et jusqu’au-boutiste qui lui valut plus tard de se voir attribuer la paternité du punk et aujourd’hui du grunge. N’oublions pas non plus que Jimi Hendrix, qui révolutionna le jeu de guitare électrique, est né lui aussi à Seattle. D'autres personnages du rock figurent parmi les influences revendiquées par les groupes grunges : Neil Young pour ses guitares fractionnées et sa diction lancinante. Iggy Pop et ses Stooges, ou encore le groupe Black Sabbath. La fin des années soixante-dix vit également l’émergence d’un certain nombre de groupes qui annoncent le grunge à bien des égards. C’est le cas de Black Flag, dont le chanteur Henry Rollins est à présent l'un des activistes forcenés du nouveau rock américain, ou de Hüsker Dü, un trio de Minneapolis dont le leader Bob Mould perpétue désormais l’essence venimeuse sous le nom de Sugar. À l'époque, on ne parlait pas de grunge, mais de hardcore. Cette musique ultramargi-nale ne dépassait jamais le cercle des radios de collèges et se jouait dans des clubs minuscules devant une poignée de connaisseurs. Sa diffusion se faisait uniquement au moyen de labels indépendants et par l'intermédiaire de disquaires spécialisés.
«
FUSION
DU ROCK.
Les lnrockuptibles.
revue résolument
amiconformiste, est devenue le magazine
des inconditionnels dtt rock de qualité,
qui y trouvem interviews, analyses
et reportages de haute tenue.
© E.
Mul et · Les lnrockuptibles.
1994
FUSION DU ROCK.
Par son suiâde, Kurt Cobain,
clumteur du groupe Nin·ana,
est devenu le symbole de
la • génération grunge », à la fois
romamique et désespérée.
© Miccelorra!Outline · Orop
FUSION DU ROCK.
A Tribe Ctlfled Quest est l'un des groupes
phares du mp américain.
© Retnt•'Gallo -St ills
DÉSESPOIR COLLECTIF ou ÉGOÏSTE?
Dans la seconde moitié des années quatre-vingt.
deux
labels s'octroyèrent à eux seuls la quasi-totalité de ce marché encore
balbutiant, mais qui comptait de plus en plus d'amateurs.
Il s'agit de
Sub-Pop et de SST.
deux maisons de production modestes qui allaient
canaliser tous les groupes phares du mouvement.
Ainsi.
le groupe
Nirvana.
incontestable leader mondial du grunge.
enregistre dès 1988
pour le label Sub-Pop et publie l'année suivante un album.
8/each.
qui n'aura aucun succès commercial.
En 1992.
le deuxième album,
Nevermind, réalisé cette fois pour la société multinationale Geffen, se
vendra à plusieurs miJlions d'exemplaires à travers le monde grâce au
tube Sm ells like Teen Spirit.
Ce succès foudroyant va à lui seul engen
drer une déferlante !Jlanétaire pour tout ce qui concerne le grunge.
La musique.
tout d'abord.
est récupérée et diffusée à grande échelle
par toutes les grosses compagnies de disques.
qui ont vu dans cette
génération spontanée matière à profits, mais aussi la mode vestimen
taire.
les comportements -on ressortira les éternelles théories sur la
génération perdue.
dite "génération X " -.
sont analysés et souvent
détournés de leurs véritables fondements.
Le suicide du chanteur de
irvana, Kurt Cobam, en avril 1994, replace froidement le grunge
dans son contexte : la musique du désespoir individuel.
Cobain.
devenu le « martyr de la génération grunge », est surtout la première
victime du grunge tel que les médias l'ont façonné, transformant une
poussée de fièvre en une maladie qui affectait toute la société.
Mil
lionnaire et toxicomane, père de famille et immature, grand roman
tique censé représenter une génération imperméable à toute émo
tion, Cobain s'est peut-être suicidé pour ne pas avoir à supporter
toutes ces contradictions.
lui qui n'aspirait qu'à écrire des chansons,
de simples chansons sans prétention.
Les autres groupes grunges,
parmi lesquels Soundgarden, Alice in Chains ou Pearl Jam.
dont la
musique et les textes accumulent les poncifs sur le mal-être, la vio
lence urbaine.
la société oppressive à coups de guitares de plus en
plus lourdes et de vocaux de plus en plus ternes.
sont.
eux.
bien
vivants.
Quoi qu'il en soit, un mouvement de cette importance ne
peut perdurer plus d'une ou deux années.
comme ce fut le cas du
punk.
Restent par la suite la mode.
qui, par définition, finit par se
démoder, et une recette musicale.
dépouillée de sa noblesse origi
nelle, mais qui se pratique à outrance jusqu'à l'écœurement.
Seul un
groupe comme Sonic Youth, qui évolue sans cesse depuis plus d'une
décennie dans des registres radicaux, et qui a flirté un temps avec le grunge.
peut revendiquer un avenir, car sa démarche est singulière et
nullement conjoncturelle.
On notera que la violence du grunge est
toute relative comparée à celle que déploient les groupes de speed ou
de trash-métal.
tels les Brésiliens de Sepultura, qui enregistrent les
meilleures ventes de disques pour ce type de musique.
Cette
"musique" atonale.
dépourvue de toute mélodie -le chant n'est
qu'une déjection vocale-et déclinée sur un rythme trépidant, offre
un spectacle d'apocalypse dont raffole le très jeune public.
Tout aussi
primitif.
mais soutenu par une imagerie ambivalente et un discours
esthétique plus dense, le trash indtiSiriel des groupes Nine Inch Nails
ou Ministry caracole lui aussi en tête des hit-parades.
Depuis plus
d'un an, on parle plus volontiers de« fusion » que de grunge.
Comme
son nom l'indique, la fusion réside en un mélange détonant de rock
bruitiste blanc et du rap le plus dur et syncopé.
Ces enfants bâtards
de George Clinton, des punks et de Led Zeppelin possèdent eux
aussi un aîné.
le groupe Bad Brains, qui pratiquait un style voisin au
début de la dernière décennie.
Contrairement au grunge, qui est
exclusivement une musique blanche, voire livide, la fusion présente
de nombreuses formations où Noirs et Blancs sont mélangés et
prônent l'hédonisme tout en " restanl " aux aguets pour pourfendre
racistes et auteurs néoréactionnaires.
Ses groupes phares, tels Red
Hot Chili Peppers, Living Colour ou Fishbone.
en touchant l'un et
l'autre des publics- ce qui est rare aux États-Unis -, remportent en
terme de vente des succès impressionnants.
De même, le heavy
mélaf.
ou hard-rock, qui se différencie des autres mus.iques violentes
par le caractère grand-guignolesque des concerts et des pochettes de
disques.
ses démonstrations de guitares et son chant plus aigu, enre
gistre un retour en grâce auprès des collégiens blancs.
LA TECHNO: UN «VAUDOU
OCCIDENT AL»
Le rap.
sous sa forme radicale originelle.
touche majori
tairement un jeune public noir.
Avec le raggamuffin -qui mêle le rap
et le reggae-dub -, il est l'accompagnement sonore obligé de la déso
lation des cités.
En revanche.
un rap plus policé, en provenance des
campagnes américaines et joué avec de vrais instruments, parfois
acoustiques, a su séduire le public blanc, notamment en Europe, avec
des groupes comme Arrested Development ou A Tribe Called Quest.
Depuis quelques mois, il se trouve même de jeunes Blancs pour
mélanger le hip-hop au folk (Beek) ou au blues (G.
Love and Special.
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