Le réalisme (Histoire de la peinture)
Publié le 16/11/2018
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LE VOYAGE EN ITALIE
Les œuvres de la Renaissance et du xviie siècle jouirent d'un prestige tel, en Europe, que dans l'itinéraire des peintres le détour par l'Italie s'imposa vite comme un passage obligé. En France, l'exemple vint de Nicolas Poussin (1594-1665), le maître d'une école classique française fortement influencée par l'Italie, et qui est d'ailleurs mort à Rome. Mais on pourrait également citer Ingres (1780-1867), l’un des plus célèbres bénéficiaires du «prix de Rome», en 1801 : ce prix permet au jeune artiste récompensé de séjourner une ou plusieurs années à Rome, à la villa Médicis. Le prix de Rome n'existe plus depuis 1968, mais de jeunes artistes continuent à séjourner dans la villa, à laquelle certains peintres modernes ont associé leur nom, comme Balthus, qui en fut le directeur.
LA REDÉCOUVERTE DU MONDE REEL
Dès l'Antiquité, Aristote assigne au peintre une fonction précise : l'imitation de la nature. L'histoire des raisins de Zeuxis, si bien rendus qu'ils auraient trompé jusqu'aux moineaux venus les becqueter, est emblématique de cette vocation «réaliste» de la peinture. Jusqu'à l'aube du XIXe siècle, pourtant son histoire montre une tendance marquée à travestir la nature, à l'idéaliser. La théologie chrétienne considère que la nature est corrompue, et donc haïssable : une peinture qui se contenterait de la représenter telle qu'elle est contribuerait à avilir l'homme.
Un peintre digne de ce nom doit au contraire élever l'âme, soit en représentant des scènes tirées de la Bible ou de la mythologie antique, soit en embellissant la nature, soit en retranchant sa part la plus basse. Par réalisme, on désigne la redécouverte esthétique du monde réel, jusque dans sa laideur. Un beau tableau peut représenter des choses laides : c’est ce que nous apprennent Courbet et Manet au milieu du XIXe siècle, provoquant une révolution esthétique qui va aboutir à la naissance de l'art moderne.
GUERRE À LA NATURE
• Si la plupart des fresques de l'Antiquité sont aujourd'hui perdues, les portraits du Fayoum et les murs
de Pompéi nous permettent d'entrevoir une peinture infiniment plus proche du monde, dans sa réalité sensible, que celle des siècles ultérieurs. Sans doute la palette de ces premiers peintres est-elle réduite, et le bleu en particulier fait souvent défaut Mais les visages du Fayoum sont représentés avec leurs défauts, leur part de laideur, et une précision qui les rend extrêmement vivants. Ce premier réalisme n'est pas sans lien avec le paganisme : les dieux antiques ont créé un monde qui n'est pas pure harmonie, et ce n'est pas leur faire injure que de représenter ce monde tel qu'il est.
• Le monde chrétien, au contraire, attribue la part de laideur et de corruption du monde à Satan, et ce serait offenser Dieu que de représenter telle quelle une nature contre laquelle la religion tout entière demande à l’homme de lutter. La nature, en effet, c'est aussi la chair, ce sont les appétits et les passions qui détournent le chrétien du seul objet digne d'amour, son Créateur. Représenter les créatures, ce serait le trahir. L'idée même de peinture, dans le christianisme, n'a rien d'évident : représenter le monde, c'est d'une certaine façon se mettre en concurrence avec Dieu, c'est usurper une fonction créatrice à laquelle l'homme ne saurait accéder sans commettre le péché suprême, l'orgueil.
C’est pourquoi la peinture chrétienne à ses origines se détourne délibérément de la réalité, pour se faire non plus représentation, mais célébration. Célébration des riches heures de la vie du Christ, de la piété de sa mère, de la splendeur de la Création. Les vitraux français, les fresques des primitifs italiens (G/otto,
Cimabue) représentent le divin beaucoup plus que l'humain, le céleste beaucoup plus que le terrestre, et quand la nature apparaît c'est une nature paradisiaque, parfaite, illustrant la perfection de Celui qui l'a créée.
LES PRÉCURSEURS
• La peinture italienne reste longtemps marquée par cette idéalisation du réel qui trouve dans le néoplatonisme de la Renaissance un nouveau ressort philosophique.
• C’est dans l'art gothique, en France et en Allemagne, que la représentation réaliste de la nature revient discrètement Cela se joue dans la sculpture (gargouilles de Vézelay, de Reims, de Cologne) et, très vite, dans la peinture, avec les élucubrations d'un Jérôme Bosch au XVe siècle : représentant L'Enfer, il en vient à mêler les fantasmagories et une sorte d'hyperréalisme, insistant à loisir sur les plaies, les stigmates, les grimaces. On retrouve cette tendance chez son contemporain Matthias Grünewald (1460-1528), dont le célèbre Christ est plus humain qu'il ne l'a jamais été auparavant : pieds enflés, plaies purulentes, expression désespérée.
• Le diabolique, d'un côté, une religion humanisée de l'autre : alors même qu'elle s'inscrit dans un cadre religieux, c'est en s'éloignant des représentations du divin que la peinture redécouvre la nature.
Abreuvé de commandes, Raphaël dut confier à ses élèves l'achèvement de nombre de ses œuvres. Il reprend à son compte aussi bien le sfumato de Léonard que les techniques de Michel-Ange, créant rapidement un style qui va devenir la référence suprême de l'académisme. Équilibre mathématique, harmonie néo-platonicienne, émotion religieuse : les deux versants de la Renaissance se rencontrent sans heurts, dans une peinture alliant la sensibilité à l'art de la grandeur. Il donne à la fois dans la peinture d'histoire, avec les compositions majestueuses, et dans les portraits, tel celui de Baldassare Castiglione (1516).
«
Mais
l'influence de Piero della
Francesca et celle des grands maîtres
flamands tels Van Eyck ou Van der
Weyden parfaitement perceptibles dans
son œuvre, ne sont expliquées par
aucune certitude concernant des
voyages qu'Antonello aurait pu faire
dans sa jeunesse.
Il reste avéré qu'il a
séjourné et travaillé deux ans à Venise
(1475-1476) et que ce séjour fut capital
pour l'évolution de la peinture
italienne.
Giovanni Bellini, Mantegna
et bien d'autres après eux, subiront
l'influence de ce génie singulier.
Simplicité et noblesse des formes,
couleur franche, qualité du portrai�
parfaite maîtrise de l'espace
caractérisent l'œuvre du Sicilien, à qui
l'on attribue en plus le premier usage
italien de l'huile dans la peinture
(invention des Flamands), ainsi que de
la toile comme support en lieu et place
des tablettes de bois.
Salvator Mundi (1465), Ecce Homo
(1470), S11int Jérôme d11ns son
cobinet de tr111111il (1475), le portrait
du Condottiere (1475) comptent parmi
ses plus belles créations.
ANDREA MANTEGNA (1431-1506)
Formé à Padoue à une époque où cette
ville de Vénétie connaissait une forte
influence de la culture artistique
nouvelle venant de Toscane, Mantegna,
dont les principales œuvres furent
réalisées à Mantoue, à la cour des
Gonzague, fut sans aucun doute
marqué par cette influence, et
notamment par les œuvres d'Uccello
et du sculpteur Donatello.
L'œuvre du
Mantouan atteste un esprit précis,
attentif aux lignes et aux nombres :
ce peintre aurait pu faire un sculpteur.
Il s'adonna à la gravure, et
la perspective est chez lui prétexte à
une approche mathématique du réel,
envisagé à l'aune de la raison plus que
de l'émotion religieuse, ainsi dans son
Christ mort.
extraordinaire raccourci
anatomique ou dans les fresques du
palais de Mantoue, dans la Ch11mbre
des époux (1467-1474)
LUCA SIGNOREUI (v.
1445-1523)
Né et mort à Cortone, luca Signorelli
fut sans doute formé à Arezzo dans
l'atelier de Piero della Francesca, dont
ses premières œuvres sont fortement
inspirées.
Il trouve rapidement un langage
expressif, avec des
personnages aux attitudes stylisées,
d'une grande puissance sculpturale,
dans une composition souvent
géométrique.
Vers 1482-1483, il exécute
deux fresques dans la chapelle Sixtine à
Rome.
Il passe le reste de sa vie en
Toscane, dans les Marches et en
Ombrie.
les freSJ�ues de 111
ctdhédr11le d'Orvieto (1499-1504)
comptent parmi ses chefs-d'œuvre.
LA SECONDE RENAISSANCE
LÉONARD DE VINCI (1452·1519)
Génie universel, léonard est sans doute
la figure la plus -et la mieux -connue
de cette époque.
Il se distingue par ses
travaux scientifiques (conception de
machines, art de la fortification), mais
aussi par ses études sur l'anatomie;
c'est aussi en homme de science qu'il
aborde la peinture, laissant un
important traité qui fait de cet art le lieu
où convergent toutes les branches du
savoir.
li n'a laissé que très peu de
d'œuvres peintes et sa célèbre fresque
représentant L11 Crne, exécutée entre
malheureusement pas résisté aux
outrages du temps.
t:art de léonard se
définit par deux traits fondamentaux :
la composition géométrique et
l'affinement du contour.
La composition
pyramidale de la Vierge aux rochers
marque une date dans l'histoire de la
peinture, et ce parti, répété dans la
Sainte Anne, impressionnera Raphaël
et toute la nouvelle génération.
la seconde innovation léonardienne
consiste dans le sfumato, qui noie
les contours du dessin dans la vapeur
vibrante de l'air.
VITTORE CARPACCIO (V.
1460-V.
1525)
Célèbre pour ses rouges, ce natif de
Venise est marqué par l'influence des
écoles flamandes.
C'est une nouvelle
de les LE
VOYAGE EN ITAliE
Les œuvres de la Renaissance et du
XVII' siècle jouirent d'un prestige tel,
en Europe, que dans l'itinéraire des
peintres le détour par l'Italie s'imposa
vite comme un passage obligé.
En France, l'exemple vint de Nicolas
Poussin (1594-1665), le maitre d'une
école classique française fortement
influencée par l'Italie, et qui est
d'ailleurs mort à Rome.
Mais on
pourrait également citer Ingres
(1780-1867), l'un des plus célèbres
bénéficiaires du «prix de Rome», en
1801 :ce prix permet au jeune artiste
récompensé de séjourner une ou
plusieurs années à Rome, à la villa
Médicis.
Le prix de Rome n'existe plus
depuis 1968, mais de jeunes artistes
continuent à séjourner dans la villa,
à laquelle certains peintres modernes
ont associé leur nom, comme Bakhus,
qui en fut le directeur.
admirable cycle de la Légende de
Sainte Ursule.
Les fêtes vénitiennes se
rencontrent avec les scènes religieuses,
dans une peinture avant tout charnelle,
jouant du pittoresque quand, avec
Mantegna, s'impose une peinture plus
dure.
Avec Carpaccio, c'est un style
vénitien qui s'affirme.
MICHEL-ANGE (1475-1564)
Si Léonard, le seul auquel on puisse
le comparer, envisage le monde dans
un rapport avant tout scientifique
où la peinture occupe la place centrale,
Michel-Ange est le poète de l'homme
et de son angoisse devant la destinée.
Artiste comple� il se réalise aussi bien
dans la sculpture (David, Tombeaux
des Médicis) que dans la poésie et,
bien sûr, dans la peinture.
L'anatomie
humaine, d'une précision réaliste qui
n'exclut pas la sublimation poétique,
est au centre d'un art tumultueux,
faisant la part belle à l'expression
des passions, aux corps en mouvement,
à la souffrance.
La part néo
platonicienne qui le rattacherait à
Botticelli est corrigée chez lui par la
puissance sensuelle de l'incarnation.
Les fresques de la chapelle Sixtine,
au Vatican, le plafond (achevé en 1512)
avec la Crétltion dr I'Hommr,
et le mur du Jugement dernier
(1536-1541) sont sans conteste
ses plus belles réalisations picturales.
llAPHAÏL (1483-1510)
Disparu prématurément.
Raffaello
Sanzio, aura eu le temps de conquérir
la gloire : il fut de son vivant considéré
comme le plus grand peintre de tous
les temps et ce mythe a perduré
durant presque trois siècles.
Élève du
Pérugin à Pérouse en 1500, il côtoie ensuite
à Florence les plus grands
artistes de son temps avant d'être
appelé en 1509 à Rome par le pape
Jules Il qui lui confie la décoration de
ses appartements privés du Vatican.
Les fresques des stanze compteront
dès lors beaucoup pour sa renommée,
moins toutefois que ses sublimes
madones, comme cette M11done
à 111 ch11ise (1514), dont il devient
le maitre incontesté.
Abreuvé de commandes, Raphaël
dut confier à ses élèves l'achèvement
de nombre de ses œuvres.
Il reprend
à son compte aussi bien le sfumato de
Léonard que les techniques de Michel
Ange, créant rapidement un style qui
va devenir la référence suprême de
l'académisme.
Équilibre mathématique,
harmonie néo-platonicienne, émotion
religieuse : les deux versants de la
Renaissance se rencontrent sans heurts,
dans une peinture alliant la sensibilité
à l'art de la grandeur.
Il donne à la fois
dans la peinture d'histoire, avec les
compositions majestueuses, et dans
les portraits, tel celui de Baldassare
Castiglione (1516).
GIORGIONE (1477-1510)
On connaît peu la vie, et encore moins
les œuvres de ce génie disparu
précocement après une carrière
fulgurante : douze tableaux composent
toute son iconographie avérée, dont
La Tempitr constitue le chef-d'œuvre
le plus connu.
Peignant directemen�
sans dessin préparatoire, il crée des
œuvres de petit forma� destinées
à des amateurs fortunés et non plus
seulement aux princes ou à l'Église.
Les couleurs adoucies, presque
fondues, reprennent le sfumato de
Léonard en le tirant vers une palette
beaucoup plus franche, l'ensemble
donnant une atmosphère dense,
presque électrique, aux tableaux.
TITIEN (1490-1576)
Les Bellini et Giorgione sont les maîtres
de ce peintre à la carrière aussi longue
que fulgurante.
Dès 1516, il règne
de toute sa stature sur la peinture
vénitienne, avant de déployer son talent
dans toute l'Europe.
De nombreux
portraits attestent le changement
du goût à son époque : la personne
humaine s'impose comme le sujet
principal de tableaux attentifs à la grandeur
temporelle et au charme de
la chair, plus qu'à la spiritualité.
Il peint
les puissants (Charles Quint et sa cour,
les papes), reprend les thèmes antiques
(Ror11) et finit par donner l'un des tout
premiers autoportraits de l'histoire de
l'art
VÉRONÈSE (1528-1588)
Paolo Caliari,.
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