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LE MARCHÉ DE l’ART de 1990 à 1994 : Histoire

Publié le 14/01/2019

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histoire

Depuis 1991, le marché de l’art est entré dans une crise qui a surpris les observateurs et dont l’ampleur n’a d’égal que le succès rencontré par l’art moderne et contemporain dans les années quatre-vingt. La mise en valeur systématique des records de prix obtenus dans les salles des ventes, l’abondance de liquidités due à la bonne santé de l’économie, ont favorisé l’injection d’importants capitaux, lesquels ont « dopé » le marché. Les institutions ont suivi : la politique culturelle inaugurée par Jack Lang a fortement contribué à la diffusion de l’art contemporain, à la fois par le choix de la décentralisation et par l’augmentation considérable des budgets d’acquisition d’œuvres d’art. À partir de 1987, les prix de celles-ci se sont envolés. En 1990, la chute a été aussi rapide qu’imprévisible, car elle a précédé de quelques mois la crise économique.

 

Cette crise du marché de l’art n’est pas la première et elle offre de nombreux points de comparaison avec les précédentes. Elle suscite aussi des questions qui, au-delà de la valeur marchande meme de l’art, concernent le rôle de l’art dans la société, celui de l’État dans l’art et la culture, l’intervention de l’État dans le marché, le mécénat. En outre, la crise a aussi des effets sur la création elle-même, provoquant l’apparition de nouvelles formes d’art, de nouvelles interrogations. L’art et son marché ont partie liée et se «contaminent» mutuellement.

 

Des CRISES CYCLIQUES

 

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le marché de l’art a subi trois reflux importants : en 1962,1974 et 1990. La crise de 1962 marque la fin d’une époque. En effet, au début des années cinquante, Paris est encore la capitale mondiale de l’art ; collectionneurs et marchands d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord y affluent pour s’approvisionner. C’est l’époque de l’École de Paris, qui voit le succès d’artistes tels que Nicolas de Staël ou Atlan. Le prix de leurs œuvres est multiplié par dix en quelques années. La hausse, très nette dès 1950, s’accélère à partir de 1954, devenant perceptible d’un mois sur l’autre, et atteint son apogée en 1959-1960. La crise de Wall

histoire

« LE MARCHÉ DE L'ART.

Les lieux d'exposition se sont multipliés, certains éch app ant au circuit institutionnel comme ici, à Belleville, oll les artistes ouvrent leurs areliers au public.

© André ujam .

u Bar Flortal LE MARCHÉ DE L'ART.

La baisse du chiffre d'affair�s des ventes aux enchères a donné le signal de la crise du marché de l'art.

Ci-contre: la vente d'un tableau de Van Gogh à la salle Drouot.

© Man: Deville -Gamma achètent des œuvres et attendent de les avoir revendues un ou deux mois plus tard pour les payer, réalisant entre-temps une confortable plus-value.

Parallèlement, le nombre de galeries ne cesse d'augmen­ ter.

En 1990, on en compte 1 077, contre 552 en 1980.

Elles dyna­ misent le marché, s'internationalisent, et participent régulièrement aux quatre coins du monde aux grand-messes que sont les foires d'art contemporain.

La Foire internationale d'art contemporain (FIAC) attire jusqu'à 15 0 000 visiteurs chaque automne pendant dix jours sous les verrières du Grand Palais, à Paris.

C'est dans ce contexte que, de 1988 à 1990, les prix vont très rapidement s'envoler.

Le volume des ventes et les prix croissent ensemble ; les records suc­ cèdent aux records, et les augmentations de prix sont perceptibles d'un mois sur l'autre.

Les spéculateurs, que ce soient des particuliers, des galeries, des commissaires-priseurs, voire d'honorables institu­ tions, investissent de plus en plus, les banques spécialisées dans Je marché de l'art accordant toujours plus de crédits.

De leur côté, les commissaires-priseurs garantissent au vendeur des prix élevés, allant même jusqu'à lui octroyer des avances sur recette, tandis que le client, lui, est souvent obligé d'emprunter pour acheter.

Dans de nombreux cas, des œuvres passent entre plusieurs mains, leur prix augmentant à chaque intermédiaire et le vendeur étant payé seule­ ment lorsqu'à l'autre bout de la chaîne le client s'acquitte de son achat.

LA CRISE À l'inverse des précédentes, la crise de 1990 se déroule en deux temps.

Tout d'abord, elle est liée à la spéculation.

Au mois de mai, ce sont les enchères à Londres chez Christie's et Sotheby's qui marquent la fin de l'euphorie: entre 50 et 60% d'invendus, parmi lesquels des toiles de Jasper Johns, Lichtenstein et Dubuffet, dont les prix ont battu des records.

Ce coup d'arrêt est confirmé, quelques semaines plus tard, à New York.

C'est l'effondrement.

Durant l'au­ tomne 1990, sur fond de préparation à la guerre du Golfe, les ventes programmées enregistrent jusqu'à 90% d'invendus.

La crise du Golfe entraîne alors une paralysie des transactions au cours du pre­ mier trimestre 1991.

Sur l'ensemble de l'année, le chiffre d'affaires des principales enchères est éloquent : 6,4 milliards de francs pour Sotheby's, soit une baisse de 54,9 % ; 5,8 milliards de francs pour Christie's, soit une baisse de 47,7 %, et 3,2 milliards de francs pour Drouot, soit une baisse de 41,1 %.

Le volume des transactions a diminué de 60 à 75 %, les prix ont chuté de 30 à 80 %.

Les œuvres de Robert Combas, chef de file de la Figuration libre, qui se monnayaient autour de 30 000 francs en 1985 et ont pu monter jusqu'à 450 000 francs en 1990, ne se négocient plus qu'autour de 40 000 francs à partir de 1991.

En novembre 1992, une œuvre de Dubuffet, achetée 24 millions de francs chez Sotheby's en avril 1990, est " sacrifiée " à 6 millions de francs ! La crise est à la fois celle de l'offre et celle de la demande.

À l'évidence, l'absence de transactions est due au fait que les propriétaires d'œuvres d'art refusent de les céder à perte et, donc, retardent le plus possible leur mise en vente.

Ne sont vendues, dès lors, que les œuvres dont les possesseurs doivent se séparer à tout prix.

Il s'agit souvent de ventes judiciaires sans prix de réserve.

En général mal préparées, elles amplifient la baisse des prix.

Quant à la demande, sa contraction est due à des causes économiques et à des facteurs psychologiques.

Le marché de l'art ne se déploie que dans un climat social favorable.

Or l'augmentation du chômage et la crise économique ont détérioré ce dernier, et la chute des prix a provoqué une perte de confiance dans l'art.

Les spéculateurs n'écoulent plus leurs produits et les collection­ neurs attendent.

En 1994, la chute est enrayée, les prix se stabilisent et les ventes commencent à reprendre, les exigences ayant été revues à la baisse.

Le prix des œuvres des grands maîtres est, en réalité, demeuré plus élevé qu'en 1987, compte tenu de l'augmentation, puis de la baisse à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix.

Il faut aussi remarquer que la crise a affecté surtout le marché moderne et contemporain, c'est-à-dire celui qui a été le plus spéculatif.

Le marché de la peinture ou du mobilier ancien a ainsi été, dans une certaine mesure, préservé.

L'État a réduit dras­ tiquement ses interventions en raison de la crise économique qui grève les budgets et les crédits d'acquisition.

Quant aux rares entre· prises qui constituaient des collections, elles ont, pour la plupart, cessé d'acheter et mis en veilleuse leur politique de soutien aux arts plastiques ; c'est le cas de la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que de la BNP.

L' ENDETIEMENT: UN FREIN À LA REPRISE De nombreux professionnels s'accordent pour constater que le marché a retrouvé son niveau de 1987, c'est-à-dire celui d'une période où la hausse était nettement perceptible.

Ce niveau, tout à fait satisfaisant dans l'absolu, ne l'est pas en réalité.

La cause princi­ pale de la durée du marasme est l'endettement qui grève les profes­ sionnels : ceux-ci ont effectué des investissements en équipements et dans des œuvres à des prix bien supérieurs à ceux pratiqués actuelle­ ment.

Ils sont donc à la merci de créanciers qui ont le pouvoir de provoquer leur mise en liquidation et d'offrir ainsi de nouveaux stocks d'œuvres sur le marché, contribuant à fragiliser ce dernier.

Dans les années quatre-vingt, les banques ont souvent accordé des crédits sans garanties suffisantes : le cas de la Galerie Melki, bien qu'extrême, est révélateur de l'aveuglement des divers acteurs.

Melk.i a quitté Paris en 1994 avec un passif de 343 millions de francs, dont les deux tiers sont dus à des banques.

Une banque spécialisée dans le marché de l'art avait un encours de 300 millions de francs en 1992.

100 millions étaient considérés comme perdus; 100 millions, incer­ tains et 100 millions, sans risque.

À son échelle, cet établissement de crédit est en crise.

Il faut toutefois rappeler que le marché de l'art a peu de poids sur les marchés financiers et que les sommes en jeu sont insigniliantes au regard de celles engagées dans l'immobilier, par exemple.

LE BOUT DU TUNNE L: LA REPRISE ÉCONOMIQUE Le marché de l'art étant très sensible aux fluctuations économiques et les courbes d'évolution du prix de l'art suivant celles de la Bourse, avec naturellement un certain retard, l'annonce de la reprise économique peut laisser présager un redémarrage de l'acti­ vité.

Mais, comme dans les années soixante-dix, il faudra au moins cinq ans pour sortir de la crise actuelle.

Reste tout de même des années quatre-vingt une nouvelle sensibilité : le nombre de manües­ tations d'art contemporain est aujourd'hui très élevé et le public, beaucoup plus nombreux qu'il y a quinze ans.. »

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