Le Jazz de 1950 à 1959 : Histoire
Publié le 13/12/2018
Extrait du document
Evolution douce
Après la tempête be-bop, pleine de bruit et de fureur, de la précédente décennie, le jazz connaît une période d’évolution douce: étape transitoire certes, mais non négligeable que celle qui caractérise le jazz dans les années cinquante. La suite des événements le montrera amplement. De nombreux groupes d’un niveau exceptionnel, composés de chercheurs persévérants, apportent un sang neuf, un esprit de fraîcheur, refusant la performance musicale et physique, choisissant délibérément un langage moins heurté, plus détendu que le bop pur et dur. De multiples enregistrements témoignent de cette aventure dont l’importance sera tardivement reconnue.
Le bop reste cependant bien vivant et les musiciens en constante activité. Les créateurs que sont Dizzy Gillespie, Thelonious Monk, Bud Powell et Kenny Clarke se produisent dans le monde entier tandis que Charlie Parker, génie incontestable, inspirateur de toute une génération de jeunes musiciens, achèvera une carrière chaotique, remplie d’ombres et de lumière, le 12 mars 1955 à New York, entrant de plain-pied dans la légende.
Mais la suprématie des boppers bat de l’aile tandis que le centre de gravité du jazz se déplace de la côte Est (New York) vers la Californie. Un style ne succédera pas pour autant brutalement à l’autre ; ce qu’on appellera «cool», puis «West Coast» est issu du bop, il a germé en son sein pour en devenir en quelque sorte le fruit, moins vénéneux.
«
tiste
Clifford Brown (qui meurt accidentellement à l'âge de vingt-six
ans après avoir formé avec le batteur Max Roach un quintette très
représentatif), le pianiste Horace Silver (l'un des musiciens les plus
influents de ces années-là).
le bouillonnant saxophoniste ténor Sonny
Rollins; le batteur Art Blakey avec ses Jazz Messengers est la véritable
figure de ce «hard bop,., musique passionnée et passionnante, jouée
avec une grande fen·eur: il fait la conquête d'un vaste public tant aux
États-Unis qu'en Europe, certains morceaux du répertoire de ses
Messengers, tous fabuleux solistes, devenant de véritable «tubes»
(Moanin, Blues March, The Sidewinder) grâce à Bobby Timmons,
Benny Golson et au jeune trompettiste Lee Morgan.
La conjoncture économique s'améliore, les compagnies
phonographiques enregistrent à tour de disques (le microsillon appa
raît et se développe rapidement).
Certains musiciens s'empressent de
suivre le mouvement: Jimmy Smith se met à l'orgue en 1953 et attire
l'attention dès 1956 en devenant grâce à son swing forcené une vedette
populaire, tout comme le saxophoniste alto Julian «Cannonball» Ad
derley et les pianistes Les MeCano et Ramsey Lewis.
Noir, aveugle,
pianiste, organiste et chanteur, Ray Charles, après avoir imité Nat
King Cole, connaît la célébrité en 1955 dans un style personnel très
ancré dans le blues et le gospel, redonnant une nouvelle jeunesse au
rhythm and blues; devenu rapidement une grande vedette, il sacrifiera
quelque peu son talent aux contingences commerciales.
A uTRES STYLES, AUTRES NOMS
Si le cool et le hard reflètent les tendances principales de la
décennie, le jazz ne s'est point pour autant arrêté en marche.
Louis
Armstrong a fêté son demi-siècle, enregistré douze spirituals, The
Good Book, et il joue dans le monde entier.
Le pianiste John Lewis
crée le Modern Jazz Quartet et donne ainsi au jazz sa musique de
chambre.
Count Basie, qui avait dO licencier son orchestre à la fin des
années quarante en raison de la conjoncture défavorable, revient en
force en 1954 avec un orchestre impressionnant, enregistrant Atomic
Mister Basie tandis que Duke Ellington fait un triomphe au festival de
Newport fondé en 1954 par George Wien; l'orchestre jouera un Dimi
nuendo and Crescendo in Blue au cours duquel le saxophoniste Paul
Gonsalves présente un solo de vingt-sept chorus admirablement swin
gué.
Le product( ur Norman Granz présente son Jazz at the
Philharmonie qui réunit des artistes tels que Roy Eldridge, Dizzy
Gillespie, «Bean,.
Coleman Hawkins, Oscar Peterson et Ella Fitz
gerald.
Le saxophoniste John Coltrane et le pianiste Bill Evans re
joignent Miles Da,·is avec lequel ils enregistrent Kind of Blue, peut
être le plus célèbre des disques du trompettiste qui avait auparavant
gravé Miles Ahead et Porgy and Bess avec la collaboration de l'arran
geur Gil Evans.
Lionel Hampton engage de jeunes loups qui galva
nisent son orchestre.
C'est aussi le temps des premières tentatives d'intégration
de certains concepts de la musique classique à la sensibilité caractéris
tique du jazz.
John Lewis et le chef d'orchestre et compositeur Gun
ther Schuller essayèrent de donner vie à ce qu'on a appelé le «Third
Stream» (Troisième Courant).
Cependant, de nombreuses morts viennent endeuiller le
monde du jazz.
Art Tatum et ses •mille doigts» quittent le piano en
1956.
Amis et quelquefois partenaires, le saxophoniste Lester Young
émet son dernier souffle et la voix la plus bouleversante du jazz, celle
de Billie Holiday, «Lady Dap, se brise à jamais, en 1959, à quelques
mois d'intervalle.
DANS LE MONDE, EN EUROPE,
EN FRANCE ...
Alors que l'engouement du grand public pour le style New
Orleans Revival est toujours très vivaceÊ la vague des autres mouve
ments musicaux qui se succèdent aux tats-Unis va déferler sur le
monde entier.
Au Japon, le jazz commence à remplir les salles et les
musiciens japonais (Sleepy Matsumoto, Tokisho Akihoshi) se révèlent
au public enthousiaste.
En Suède, le style «COOl» obtient la faveur des
musiciens; le saxophoniste Lars Gullin, le tromboniste Ake Persson,
le pianiste Bengt Hallberg, la chanteuse Monica Zetterlund de
viennent des vedettes, le trompettiste Rolf Ericson jouera dans les
orchestres de Stan Kenton et de Duke Ellington.
Aux Pays-Bas, le
batteur Wesselllcken, après un séjour en Suède, devient l'inspirateur
de la jeune génération, révèle la chanteuse Rita Reyes et met fin à
l'hégémonie des ensembles dixieland.
En Belgique, le saxophoniste TONTON BLUES
...
Fats Domino, chanteur-pianiste de La Nou��lle-Orléans.
© Rancurel
Bobby Ja�par et le guitariste René Thomas sont consacrés solistes de
classe internationale, tandis qu'on remarque en Allemagne le trombo
niste Albert Mangersdolff, en Autriche le saxophoniste Hans Koller,
en Hongrie le guitariste Attila Zoller et en Espagne le pianiste Tete
Montoliu.
Le batteur suisse Daniel Humair arrive à Paris et ac
compagne la plupart des solistes américains de passage.
En France, le «COO l» et le «bard» font des adeptes alors que
Sidney Bechet et Claude Luter continuent à remplir les salles.
C'est la
confirmation des talents des pianistes Martial Sola! et Georges Arva
nitas, des saxophonistes Guy Lafitte et Jean-Louis Chautemps, du
trompettiste Roger Guérin; la chanteuse Mimi Perrin crée le groupe
vocal Les Double-Six dont l'originalité consiste à mettre en paroles ct
à chanter des solos ou des arrangements conçus pour des instru
mentistes.
Barney Wilen, René Urtreger et Pierre Michelot sont les
partenaires de Miles Davis pour la musique du film de Louis Malle
Ascenseur pour l'échafaud.
Critique, théoricien, compositeur, arran
geur et chef d'orchestre, André Hodeir publie le livre Hommes et
Problèmes du jazz.
Mais le ciel du jazz est assombri par la mort de
deux grands, celle en 1953 du génial guitariste manouche Jean-Bap
tiste Django Reinhardt et, en 1959, celle de l'enfant de La Nouvelle
Orléans devenu une grande vedette populaire résidant en France,
Sidney Bechet..
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