L'art du dessin depuis la Renaissance (Histoire de la peinture)
Publié le 16/11/2018
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Le dessin, selon les époques, recourt à des médiums secs ou gras, colorés ou noirs. Aux temps anciens : bâtons dont une extrémité a été carbonisée au feu, pointes de métal, poudres obtenues en pilant des roches colorantes. Dans l'Antiquité : plumes de volatiles (oies, coqs, cygnes), roseau ou bambou taillé, pinceaux en fibres végétales ou en poils d'animal.
À partir du Moyen Âge : pointe d'argent incisant une pellicule de poudre d'os mêlée de gomme, déposée sur un parchemin ou un vélin et donnant un tracé gris (illustrations de la Divine Comédie par Botticelli), tandis que la pointe d'or, elle, donne du noir. Plus tard, la mine de plomb et le crayon de graphite (appelé «crayon Conté» depuis la Révolution) prennent le relais, et ce, sur du papier. Plumes et pinceaux de toutes sortes déposent de l'encre à base de noix de gale, du bistre obtenu avec du noir de fumée et de la suie, puis, à partir du xviiie siècle, de l'encre de Chine, également appelée sépia, qui, diluée, donne le lavis. Sanguine (argile ferrugineuse), pierre noire (schiste argileux) dite pierre d'Italie, les craies, le fusain fixé par une pulvérisation d'eau gommée, gouache et pastel, seuls ou associés, sont bien adaptés aux portraits, l'aquarelle apportant sa transparence aux paysages. Tous permettent les jeux de couleurs, mais aussi des effets de lumière, notamment grâce aux rehauts (ajouts ou retouches généralement à la craie blanche), auxquels s'ajoutent le modelé par des hachures et les ombres façonnées au doigt ou à l'estompe. Notre époque a ajouté à ces médiums la plume métallique, l'aérographe et le feutre, avant que les logiciels de «création assistée par ordinateur» (CAO) ne se répandent, sous l'argument illusoire du « dessin à la portée de tous».
Chaque enfant faisant individuellement le parcours de l'humanité dans son évolution et ses apprentissages, bien avant de savoir écrire et même parler le bambin dessine. C'est sa première forme d'expression «civilisée» - précieuse d'ailleurs aux yeux des psychologues, qui y ont souvent recours en cas de troubles. De même, à l'aube de leur temps, les hommes ont gravé la pierre à l’aide de silex et tracé des lignes de couleur avec des fibres végétales ou simplement avec leurs doigts.
LES PRÉMICES
De tels contours sur les parois des grottes apparaissent vers 100000 ans avant notre ère. À partir de - 30000, ces signes de communication, qu'ils s'adressent aux autres membres du groupe ou à des forces supérieures, se perfectionnent et s'enrichissent dans leurs matériaux, l'expression du modelé et les couleurs, le contour et la coloration devenant de plus en plus associés. Les grottes Chauvet (Ardèche), Cosquer (Bouches-du-Rhône), Pech Merle (Lot), Lascaux et autres sites de Dordogne ainsi qu'Altamira, en Espagne, en portent témoignage. Plus tard, outre les idéogrammes chinois, les écritures pictographiques de Sumer (cunéiforme, v. - 3200) et d'Égypte (hiéroglyphes, v. - 3150), puis l'alphabet phénicien (milieu du II* millénaire), ancêtre de nos écritures occidentales, sont du pur dessin. La Grèce avec ses vases de style géométrique (vinc siècle av. J.-C.), puis ses cratères à figures noires et rouges, de même qu'avec la célèbre tombe du Plongeur (Paestum, Ve siècle av. J.-C.), tous dessinés puis mis en couleurs - un peu selon le principe actuel de la bande dessinée -, montrent que le dessin est à la naissance de l'art. Les pierres gravées dans les catacombes romaines, les mosaïques byzantines, les plans d'urbanisme (plan de Saint-Gall, v. 820) et d'architecture, les enluminures des manuscrits médiévaux, les vitraux des églises aussi bien que la tapisserie de Bayeux (v. 1070) et les carnets de travail d'artisans ou d'architectes (tels les feuillets de parchemin avec répertoire de motifs iconographiques, machines de construction, meubles, sculptures
«
LES
COLLECTIONS
Le peintre, architecte et écrivain d'art
Giorgio Vasari (1511-1 574} a, le premier
sans doute, dressé une sorte de
catalogue des dessins de son temps
dans son Livre des dessins, en
complément de son œuvre magistrale,
Vies des plus excellents peintres,
sculpteurs, architedes (1550}.
A Venise,
toujours au XVI' siècle, le grand seigneur
Gabriele Vendramin réunit une
collection de dessins, tandis qu'à
Florence Léopold de Médicis rassemble
le noyau du futur Cabinet des dessins
du musée des Offices -trésors que
Filippo Baldinucci répertorie dans
Notizie.
La mode de la collection privée
de dessins se répand dans toutes
les familles aristocratiques d'Europe,
et aujourd'hui les grands musées -dont
le British Museum (grâce à la collection
Windsor, riche en manuscrits de
Léonard) et le Louvre -possèdent
des départements réputés.
Cet
étirement des personnages n'est
pas sans évoquer la «patte» du Greco
(Dhominikos Theotok6poulos, 1541-
1614}, le maitre du XVI' siècle espagnol.
la Femme, encre noire à la plume,
sur fond brun avec rehauts de blanc).
Le Flamand Pieter Bruegel l'Ancien
(v.
1525-1569,
ici Le Peintre
et/a
Critique,
r--------------1 plume
et
rehauts de blanc, conservé à l'Albertina
de Vienne, où se trouve aussi un
Autoportrait de jeunesse daté de 1484.
Dürer admirait tout particulièrement les
œuvres d'Andrea Mantegna (1431-
1506} -le peintre de la Chambre des
époux du palais ducal de Mantoue, féru
de perspective -et de l'Alsacien Martin
Schongauer
(v.
1450-
1491}, dont
on voit ici
une Famille
de porcs.
À leur exemple, Dürer a
multiplié les études de nu ainsi que les
recherches sur les proportions du corps
humain, tous à la plume; passionné par
la nature, il a dessiné maints animaux,
chevaux, chiens, cerfs, etc., ainsi que les
paysages, des vues de villes, d'arbres,
de plantes ...
Les collections de l'Albertina comptent
également des œuvres d'un artiste plus
tardif, le Flamand Petrus Paulus Rubens
(1577-1640), dont le Portrait d'une
camériste au fusain et à la sanguine,
avec des rehauts de blanc et des tracés
à l'encre de Chine.
Pontormo (Iacopo Carruci, 1494-1556},
à Florence, marche dans les pas
d'Andrea del Sarto et allonge
notablement ses figures (Vierge de
I'Annonciauon, aux Offices) dans le
style maniériste alors en vigueur.
encre
bistre}, •
dans la lignée
d'un Jérôme
Bosch, se plaît dans le fantastique et
déconstruit sciemment la perspective,
avec la volonté de déstabiliser
davantage le spectateur.
LE XVII' SIÈCLE
Simon Vouet (1590-1649}, formé en
Italie, connaît en son temps un
immense succès.
11 dirige à Paris un
atelier renommé
et importe
à la cour de
Louis Xlii une
synthèse de
baroque italien
et de classicisme
très français,
dont témoignent
ses drapés (Étude pour un génie).
Dans la longue tradition du dessin
d'architecture propre à la Renaissance,
et dans la lignée de l'architecte et
sculpteur Bernin (Gian Lorenzo Bernini,
1598-1680} s'inscrit Borromini
(Francesco
Castelli, 1599-
1667}.
Ses études'
pour la
coupole
et la
flèche
lanterne
de l'église
Saint
Yves-de
la -Sapience illustrent ses multiples
travaux dans la Ville éternelle.
LA GRAVURE
la gravure sur bois, qui permet de
reproduire un dessin à de nombreux
exemplaires, apparaît en Europe
occidentale au XIV' siècle.
La gravure sur
cuivre, initiée au XVI' siècle notamment
par Dürer, s'épanouit au début du
siècle suivant.
Cette période est
marquée par l'œuvre gravé d'un
dessinateur exceptionnel, Jacques
Callot (1592-1635), un Lorrain formé
- comme il se doit en ce temps-là -en
Italie.
Sa technique de prédilection est
non pas le burin mais l'eau-forte : les
estampes sont obtenues par «morsure»
d'une planche à l'acide nitrique dilué.
Les
Caprices, la Faire de 1'/mpruneta,
les Bossus, les Bohémiens sont réalisés
pour Cosme Il de Médicis, à Florence.
De retour en France, l'aquafortiste
réputé reçoit des commandes de
Richelieu sur la prise de La Rochelle,
puis il réalise la célèbre série des
Grandes Misères de Jo guerre, d'une
remarquable expressivité.
lA QUERELLE DU DESSIN ET DE LA COULEUR
Au XVII' siècle, en France, une dispute
oppose les tenants de la prééminence
du dessin -parmi lesquels Philippe de
Champaigne (1602-1674} -,avec pour
maitre et référence Nicolas Poussin
(1594-1665}, d'où leur surnom de
« poussinistes », aux coloristes ou
nrubénistes », admirateurs de Rubens.
Si l'art de Poussin ne se réduit pas à
cette querelle, il est vrai que sa manière
ouvre la voie aux Ingres, Cézanne et
même Picasso, pour qui le trait précède
la mise en couleurs.
Comme un retour aux idéaux
intellectuels de la Renaissance, le
XVIII' siècle remet l'homme au centre
des préoccupations, et c'est le dessin
d'architecture qui les exprime le mieux.
Les notions de cité idéale et d'harmonie
universelle inspirent les concepteurs, et
Claude Nicolas Ledoux (1736-1806}
expérimente ces thèmes avec les salines
d'Arc-et-Senans, une construction
intégrant les installations techniques et
les habitations des travailleurs, du
directeur aux ouvriers.
!:Italien Piranèse (Giovanni Battista
Piranesi, 1720-1778}, un dessinateur de
génie (voir sa Place Navone à la
sanguine}, grave environ 2 000 eaux
fortes où son goût du fantastique,
ses effets de perspective, ses
renversements de points de vue créent
un monde architectural imaginaire à la
fois infini, labyrinthique et oppressant
(Les Prisons).
I!J:U:iMi!i Au début du siècle, en Espagne,
Francisco de Goya (1746-1828} ouvre
l'ère de la modernité.
Ses gravures tout
en ombres et lumières, vigoureuses,
dramatiques -notamment les Caprices
puis les Désastres de la guerre-,
révèlent sa vision désespérée du
monde.
Enfermé dans sa surdité, il
préfigure dans son tumulte les grands
romantiques et sera révéré tant par
Théophile Gautier et Charles Baudelaire
que par Eugène Delacroix.
Jean Dominique Ingres (1780-1867},
parfois taxé d'académisme -dans la
lignée de Louis David (1748-1825),
l'artiste attitré de
Napoléon l" -, se
réfère à Raphaël
et restitue de
beaux portraits
de puissants
bourgeois, tel
ce Monsieur ..._.
_ _ ,�...._.....;; ..,.Bertin .
Autre
manière, autre univers :
Honoré Daumier (1808-1879}, peintre,
sculpteur, dessinateur et lithographe,
donne libre cours à sa féroce veine
caricaturiste (il publie dans les journaux
La Caricature, puis Le Charivan) en
stigmatisant les magistrats et les
politiciens, sans épargner le roi Louis
Philippe (son
Gargantua
lui vaut
�iW�n•lnr en
ballon).
Ce sont là les débuts du dessin
de presse, promis à un bel avenir :
Jacques Faizant, Sempé, Cabu, Plantu,
Serguei, entre autres journalistes
illustrateurs actuels, sont ses héritiers.
Le dessinateur Gustave Doré (1832-
1883) exprime par la lithographie, ou
gravure sur pierre, son humour et son
sens du grotesque (Gargantua, Contes
drolatiques de Balzac), ses visions
fantastiques (Divine Comédie de Dante,
la Bible ...
) ainsi que sa perception de
la misère des classes populaires.
Le trait
foisonnant, l'ambiance romantique,
voire onirique, ont valu aux gravures de
Doré un immense succès public.
Edgar Degas (1834-1917} forme son œil
en contemplant en Italie les toiles de
Botticelli et de Raphaël, puis les premières
estampes japonaises introduites en
France.
À côté de son œuvre peint bien
connu, ses pastels nimbés de poésie
montrent son travail sur le cadrage,
souvent décentré.
En quelques traits
de fusain, il saisit- comme dans ce
louchant portrait d'Édouard Manet
l'âme de son modèle.
Vincent Van Gogh (1853-1890} nous a
laissé quelque 800 dessins et eaux-fortes.
Influencé par Jean-François Millet.
dont
il intégra le style en effectuant des
copies de ses œuvres, Vincent s'est
consacré, dans le Borinage et en
Belgique, au début des années 1880, à
la représentation
au fusain de
paysans, le dos
cassé sur leur
dur labeur
(Le Bêcheur).
Un thème fort
en vogue à
l'époque, avant
gardiste même.
Steinlen (1859-1923}, Théophile
Alexandre de son prénom, est
injustement méconnu.
Son œuvre
dessiné est étroitement lié au cabaret
du Chat noir et au chanteur réaliste Aristide
Bruant, dont il a illustré les
affiches et les chansons, en parallèle
avec Henri de Toulouse-Lautrec (1864-
1901 ), autre «patte» ô combien réputée
de l'univers des cafés-concerts et
des tripots
montmartrois.
Autres sources
d'inspiration : les
chats d'une part,
le monde des
ouvriers, dans
une optique
sociale militante
(La Grève, La Rafle, etc.}, d'autre part.
D'abord formé à l'architecture, puis
élève aux Arts déco, Fernand Léger
(1881-1955} fréquente les artistes de
Montparnasse, peintres (Delaunay,
Chagall, Soutine) et écrivains (Max
Jacob, Blaise Cendrars).
Pendant la
Grande Guerre, il croque la vie
quotidienne des poilus, perçus comme
des machines.
Les portraits ultérieurs
(Visage et
Mains, 1952},
notamment pendant la
période d'adhésion au
Parti communiste,
ont toujours
quelque chose de mécanique.
Évidemment, on ne peut passer sous
silence l'Espagnol Pablo Picasso (1881-
1973}, qui a, dans ses Tauromachies
notamment, montré son immense
talent de dessinateur.
Autres maîtres
contemporains notables :l'Allemand
express ionniste Otto Dix (1891-1969},
dont 600 dessins témoignent des
horreurs de la guerre de 1914-1918,
et le Néerlandais Maurits Cornelis
Escher (1898-1972}, expert en jeux de
perspectives et architectures irréelles.
EN EXTRfME-ORIENT
le papier, le pinceau, le bâton d'encre
et la pierre à encre, souvent réunis dans
un coff ret précieux quasi cérémoniel.
sont appelés les «quatre trésors de
l'atelier du maitre».
En Chine, sous les
Song.
on additionnait l'encre-noire ou
bleue, vert malachite, blanc plomb.
terre de Sienne, rouge cinabre, indig o ,
jaune -de cendre de pin ou de cèdre
pour la matifier; au contraire, au temps
des Ming.
la suie pure la rendait
brillante.
!:art de la calligraphie au
pinceau, immémorial, est à l'origine
des dessins orientaux, que l'Occident
connaît surtout à travers l'œuvre
d'Hokusai (1760-1849}, surnommé «le
Fou du dessin».
S'il est célèbre pour ses
Trente-six et Cent Vues du Fuji, il a aussi
laissé de nombreux portraits ainsi que
des recueils de fleurs et d'oiseaux
(encre de Chine et aquarelle ocre)..
»
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