L'ART des JARDINS
Publié le 19/10/2011
Extrait du document
Une des raisons d'être du jardin, c'est d'embellir la nature. Cela peut paraître étrange, mais c'est une évidence. Il a fallu le romantisme, à partir de Rousseau, pour qu'on s'intéresse à la beauté sauvage des paysages. L'auteur d'Emile était bouleversé par la vision des Alpes où il herborisait, comme Chateaubriand à la contemplation des horizons américains. Mais, si leur sincérité n'est pas en cause, on peut douter de leur sens de l'observation. Ce qu'ils décrivent, l'un herborisant, l'autre courant les sentiers indiens, est singulièrement diffèrent de ce qu'ils avaient sous les yeux. D'espaces sauvages, ils faisaient des parcs humanisés. Leurs illustrateurs s'y sont naïvement laissé prendre. On est chez soi dans ces déserts américains comme ces monts sauvages.
«
donné.
Cela peut aboutir aux ratissages de sable des
temples nippons, ou au vallon de Bomarzo , en Italie, avec ses monstres taillés dans le roc et ses nymphes
gigantesques et étrangement érotiques.
Une des raisons d'être du jardin, c'est d'embellir la
nature.
Cela peut paraître étrange, mais c'est une évi dence .
Il a fallu le romantisme, à partir de Rousseau,
pour qu'on s'intéresse à la beauté sauvage des paysa ges.
L'auteur d'Emile était bouleversé par la vision des
Alpes où il herborisait, comme Chateaubriand à la contemplation des horizons américains.
Mais, si leur
sincérité n'est pas en cause, on peut douter de leur
sens de l'observation.
Ce qu'ils décrivent , l'un herbori sant , l'autre courant les sentiers indiens, est singulière
ment diffèrent de ce qu'ils avaient sous les yeux.
D'es paces sauvages , ils faisaient des parcs humanisés .
Leurs illustrateurs s'y sont naïvement laissé prendre.
On est chez soi dans ces déserts américains comme ces monts sauvages.
C'était un besoin qu'ils exprimaient
sans en avoir conscience : celui de faire d'un monde
dramatique, hostile surtout, souvent dangereux, une
expression littéraire, c'est-à-dire, embellie, de
ce qu'ils
avaient vu.
Les créateurs n'ont jamais rien fait d'autre .
A partir de ce qui existe, le ciel, qui tient un rôle si
nécessaire à Versailles ; l'eau, dont l'importance s 'im pose à Tivoli ou à Isola Bella, la pierre qui donne une
unité à l'ensemble, comme à la Bâtie-d'Urfé, ou, plus
loin, à Kyoto, l'arbre et la plante enfin, qui sont
comme
les mots élémentaires de ce langage abstrait,
un autre paysage naît, qui est celui voulu par l' hommh.
Comme le statuaire ou le peintre s'ingénient à donner
Dans un vallon sauvage .
à proximité de Viterbe.
à Bomarzo un
certain duc Orsini fit.
sculpter vers la fin du XVIe siècle.
un
étrange bestiaire .
une singulière foule mythologique, é mime les rochers qui émergeaient du sol.
Il en naquit un parc inquiétant .
où la pierre métamorphosée révèle un inépuisable songe surréa liste.
(Photo Ba udot · La m o tte)
à la divinité une figure humaine, le jardinier met la
création tout entière en relation avec la créature.
Il en
fait l'élément premier de l'existence .
Le mot «paradis • n'a pas d'autre sens, au moins
dans le langage courant.
Les anciens Perses appelaient
ainsi ces vastes parcs dans lesquels ils lâchaient des
bêtes fauves qu'on allait chasser.
C'étaient des sortes
de microscomes , des représentations illusoires du
monde .
Le jardin d'Eden, dans l' Ancien Testament, est
une figuration de l'univers à l'état libre, dans la béati tude de l'innocence.
Quoi d'étonnant dès lors qu'on ait
cherché le bonheur de vivre dans la douceur d'une na ture soumise à l'idée que l'homme s'en est faite.
Qu'on
considère des tapisseries médiévales, comme celle de la
Dam e à la Licorne, où toutes les tapisseries de la série
dite des « mille fleurs • : on y voit des amants heureux,
perdus au milieu d'un décor végétal où leur âme et
leur corps s'exaltent.
La sensualité n'est pas absente
de
ces représentations, bien au contraire , mais l'intel lectualité non plus.
Les Cours d'amour, qui se tenaient
dans ces jardins, ont laissé une trace reconnaissable
sur l'inspiration de ces œuvres.
Mais c'est justement
parce que
ces «jardinets • là étaient à la mesure d'un bonheur où les sens et l'esprit se retrouvaient dans un
accord constant ..
Le jardin, dans toutes les civilisations et à toutes les
époques, a été le lieu de rencontre de l'homme et de
l'univers où il vit.
C'est peut-être parce que nous ne savons plus faire de jardins que nous ne sommes plus
en accord avec nous-mêmes.
Comme l'architecture, le jardin structure l'espace.
Le visiteur y découvre la troi~ sième dimension.
Il ne s'agit plus seulement de regar der, il faut aussi y pénétrer , en parcourir l'étendue.
Dès lors, la poésie visuelle devient vivante, variée, mul tiple.
Comment peut-on dire que le jardin à la fran çaise est rigide et ennuyeux ? Son plan géométrique
peut en effet avoir quelque chose de trop rigoureux ;
mais
ce n'est·pas d 'avion qu'il faut regarder Versailles.
Il faut, lentement, se laisser entraîner par les vastes
perspectives, s'engager dans l'ombre des allées,
s'arrêter
au bord d'une vasque, au pied d'une statue, se perdre dans les bosquets.
C'est un immense labyrin the aux capricieux détours dont l'ordre n'apparaît guère pour peu qu'on y pénètre.
Le mouvement fait
partie de l'art des jardins.
Il en résulte une sorte de
récit aux multiples possibilités, une lecture toujours
recommencée.
Le jardin exalte les éléments en divinisant la nature.
Y pénétrer, c'est pénétrer dans un royaume sacré.
Tous
les peuples en ont eu conscience.
Le jardin des
Hespérides où poussaient des pommes d'or en est un
exemple, comme les bosquets mystiques de la Crète ou de la Grèce.
Ainsi les jardins nous apparaissent-ils
sous leur aspect essentiel : ils sont un hymne à la vie.
Ce n'est pas par hasard en effet si les plus beaux , les plus inattendus comme les plus célèbres ont été créés
dans des pays peu disposés par leur climat à accueillir de telles richesses, la Babylonie, l'Egypte, le Maroc,
l'Espagne enfin où les Arabes surent créer des enclos
privilégiés , véritables temples naturels où l'homme
communie
avec le mystère de la vie, sa fécondité.
De là l'importance qu'ont, dans les jardins, le soleil et
l'eau, qui sont promesse de germination, même lors qu'ils se réduisent à un concept, comme à Kyoto..
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