La vie MUSICALE de 1940 à 1949 : Le CHAOS, L’EXIL
Publié le 06/12/2018
Extrait du document
Un CAS ISOLÉ:
RICHARD STRAUSS
Dans le fracas des balles et la peur qu’exercent quotidiennement les autorités nazies, les compositeurs se voient contraints de renoncer à leurs droits de création : Anton Webern compose en secret et ses œuvres sont interdites, jugées «dégénérées» par la censure de l'État ; Alexandre von Zemlinsky, compositeur et chef d'orchestre, fuit l’Allemagne pour les États-Unis en 1938, où il restera ignoré.
Seule exception sans doute, Richard Strauss, le plus âge des compositeurs vivants, crée à Munich son dernier opéra Capriccio sur un livret de Stefan Zweig. Conversation en un acte, Capriccio semble faire la synthèse des problématiques esthétiques et théâtrales du compositeur, à travers le mythe de Faust revisité. L'auteur d'Ariane à Naxos est-il indifférent aux événements qui l'entourent? La position de Richard Strauss donnera lieu à controverses. Ce maître incontesté de la musique allemande a rejoint la Suisse en 1945 avec toute sa famille. Toléré, puis inquiété, Strauss a pourtant
La vie MUSICALE Le CHAOS, L’EXIL La politique belliciste, le climat d’insécurité, les déclarations d’antisémitisme et la violence contre toutes les formes de culture cosmopolite ou d'avant-garde, dont l'Allemagne est le théâtre depuis le début des années trente, incitent certains compositeurs, parmi d’autres artistes, à s’expatrier et chercher refuge en Suisse et aux États-Unis. L’un des premiers sans doute, Arnold Schônberg, le fondateur de l’Ecole de Vienne, quitte Berlin pour Los Angeles en 1933, où l’appelle l'université de Californie. Il vient de composer Moïse et Aaron, un opéra entièrement dodécaphonique, qui signe symboliquement le retour du compositeur au judaïsme. Inachevé, il faudra attendre 1957 pour que cet opéra, aujourd’hui considéré comme un véritable chef-d’œuvre, connaisse une première version scénique et posthume, sous la direction du chef d’orchestre Hans Rosbaud. En 1942, deux ans avant de prendre sa retraite de l’université, Schönberg
«
LA
VIE MUSICALE.
Le 22 mai 1941,
ln troupe er l'orchestre de Berlin sont à Paris.
Herbert •·on Karajan dirige Tristan et Isolde de IVagner;
Germoilre Lubin y ri em le rôle d'Isolde.
Cerre représemorion est considérée par roure la presse
comme une allégorie de la collabororion.
© H.
Roger .
Violier
LA VIE MUSICALE.
C'est en 1946 qu'on déc:ouvrt Kar!Jleen Ferrier.
Ci-dessus: lors du fesri••al d'Edimbourg en 1949
avec Bruno \Valter au r-iano.
© Decca Record Company
LA VIE MUSICALE.
Béla 11art6k doit s'exilu aux États- Un is.
Ci·contrt: le compositeur au piano.
Joseph Sl.igeri er Benny Goodman
enregistre/li en 1940 à Los Angeles.
©Coll.
Drtggs · Magnum
compose une œuvre parodique, l'Ode à Napoléon, sur un Livret du
poè1e Byron.
EUe sera suivie de son dernier Trio à cordes, en 1947.
À l'instar de Schonberg, Igor Stravinski, Darius Milhaud et
Béla Bart6k fuiront eux aussi, entre 1939 et 1940, une Europe trou
blée par le nazisme.
Mais leurs destinées ne se ressemblent pas.
Stra
vinski.
l'un des compositeurs les plus aimés du siècle, semble toucher
le zénith de sa carrière musicale: professeur invité à l'université Har
vard, il publie en 1940 un recueil de conférences sous le titre Poétique
m us i
c ale et crée la même année sa Symphonie en ur, qu'il dirige
lui-même lors du concert d'ouverture à Chicago.
Si Stravinski jouit
alors d'une grande reconnaissance sociale, qui fait de lui un véritable
phare du d siècle, le maitre est à la même époque très éprouvé par
la perte successive de sa fille, de son épouse et de sa mère, atteintes
comme lui de la tuberculose; la Symphonie en ur ref:létera l'état d'es
prit du compositeur.
S'il n'adhère pas au sérialisme de Schonberg,
Stravinski imposera cependant, à travers une grande maîtrise de l'écri
ture orchestrale qui utilise le polytonalisme.
un timbre et une colora
tion dans lesquels (incarne le modernisme du xx• siècle.
De son côté, Darius Milhaud quitte Paris, où il vient de
créer Médée, et donne ses premiers cours au Mill's College et à la
Juilliard School, cn-;eignement qu'il poursuivra jusqu'en 1947.
Durant
cette période, il compose Bolivar, le dernier opéra d'une trilogie
consacrée à l'histoire du continent sud-américain.
Hommage au héros
Simon Bolivar, l'opéra, qui ne verra le jour qu'en 1950, se veut surtout
un hymne à la liberté.
L'Allemagne nazie est sur le point d'envahir les pays baltes.
Dans un geste de protestation politique, le compositeur hongrois Béla
Bart6k choisit la liberté: il s'installe à New York en avril 1940.
Il ne
reverra pas Budapest sauf pour donner un dernier récital en octobre
1940.
Le premier concen qu'il donne à Washington en compagnie du
violoniste Joseph Szigeti ne suffira pas à lui apporter la reconnaissance
des institutions américaines.
Socialement isolé, Bartok devra sa survie
au soutien de quelques artistes et interprètes talentueux, au rang
desquels Serge Koussevitzky, Yehudi Menuhin ou Eugene Ormandy.
En 1943 pourtant, il donne en création son Concerto pour deux pianos
er orchestre; cc saa sa dernière apparition publique.
En 1944, il
compose encore la So na te pour 1•iolon.
seul, puis entreprend un
Concerto pour alto, qui restera inachevé.
Epuisé, Béla Bart6k s'éteint
en 1945.
Dans une trajectoire musicale d'une intégrité exemplaire,
Béla Bart6k aura su forger une écriture d'une grande force d'expres
sion et de symboles.
D'une rigueur intellectuelle exceptionnelle, les
Six Quatuors à cordes, dont la composition s'est échelonnée entre
1908 et 1939, s'inscrivent dans la littérature instrumentale comme des
œuvres de tout premier ordre.
1945,
l'Europe est enfin libérée, les hommes circulent de
nouveau, la création reprend •des chemins de la liberté».
À Mittersill,
près de Salzbourg, un homme se promène, insouciant, après le
couvre-feu: Anton Webern, l'un des plus authentiques compositeurs
du xx• siècle, vient de tomber sous les coups de feu d'une sentinelle
américaine.
L'ancien disciple de Schonberg laisse une œuvre concise,
dont l'esthétique et la beauté seront la principale source d'influence et
de réflexion des compositeurs post-sériels.
S'il composa deux Can·
tales, entre 1939 el 1943, toutes deux dédiées à la soprano Hildegard
Jonc, ce sont surtout ses Quawors d cordes qui retiendront l'attention
des musicologues et des compositeurs.
UN CAS ISOLÉ:
RICHARD STRAUSS
Dans le fracas des balles et la peur qu'exercent quotidienne
ment les autorités nazies, les compositeurs se voient contraints de
renoncer à leurs droits de création: Anton Webern compose en secret
et.ses œuvres sont interdites, jugées «dégénérées» par la censure de
l'Etat; Alexandre von Zemlinsky, compositeur et chef d'orchestre,
fuit l'Allemagne pour les États-Unis en 1938, où il restera ignoré.
Seule exception sans doute, Richard Strauss, le plus âgé des
compositeurs vivants, crée à Munich son dernier opéra Capriccio sur
un livret de Stefan Zweig.
Conversation en un acte, Capriccio semble
faire la synthèse des problématiques esthétiques et théâtrales du
compositeur, à travers le mythe de Faust revisité.
L'auteur d'Ar iane à
Naxos est-il indifférent aux événements qui l'entourent? La position
de Richard Strauss donnera lieu à controverses.
Ce maître incontesté
de la musique allemande a rejoint la Suisse en 1945 avec toute sa
famille.
Toléré, puis inquiété, Strauss a pourtant refusé tout compro
mis avec le régime nazi, sans rien renier de ses conceptions nationa
listes, fidèles à l'idéologie wagnérienne.
En 1945, il compose succes
sivement Métamorphoses pour vingt-trois cordes ct un Concerto pour
hautbois, auquel succédera le Double Concertino, dernière œuvre
achevée du compositeur.
Richard Strauss meurt en 1949, 1aissant der·
rière lui l'exemple d'une création musicale audacieuse, sensuelle et
violente, et d'une extraordinaire longévité.
FESTIVALS ET OPÉRAS
PENDANT LES ANNÉES NOIRES
Si la création artistique est perturbée, il n'en va pas de
même de l'animation musicale, à travers les programmes de concerts
et de récitals, qui ont continué pendant la guerre à Berlin ou à Paris,.
»
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