LA VIE DE SAINT FRANÇOIS de Giotto

« Un décor neuf et réel Le thème traité est donc actuel, et cette actua­ lité rend compte en partie de ce qui constitue le caractère le plus original des fresques : la création d'un espace qui semble •réel•, d'un décor auquel on peut croire.

C'es t une innova­ tion qui contraste avec la tradi tion picturale antérieure, le style byzantin, à l'iconog raphie presque entièrement abstraite.

Des bâtiments traités en profondeur et ayant l'apparence de vraies maisons, d'églises, de tours , forment le décor des épisodes qui se passent à 11 intérieur des villes ou dans leur proximité immédiate .

Dans l'une des premières fresques, Saint François honoré par un homme simple , on recon­ naît l'égl ise d'Assise - un temple antique remodelé selon le goût gothique - et la tour du Peuple , encore inachevée.

Dans la scène suivante, Saint François donnant son manteau à un pauvre , un semblant de route bordée de petits bâtiments conduit jusqu'à l'entrée de la cité.

Dans les scènes d'intérieur, les construc ­ tions encadrent complètement les person­ nages , Giotto dessine une perspective encore inexacte, mais qui donne une illusion de pro­ fondeur suffisante.

Les hommes et la nature Le traitement des figures est aussi novateur.

Ce sont des hommes et des femmes aux larges proportions, silhouettes massives aux volumes modelés par les vêtements qui les couvrent.

Les êtres aux visages sculptés par des jeux d'ombre et de lumière sont animés Vue du mur gauche de la ne( de la basilique Saint-François , à Assise.

Les fresques giottesques occupent le bas de la paroi.

Homme buvant , détail du Miracle de la source .

par des gestes et des expressions o ù se lisent la vie et des émotions véritables.

Les bouches s'o uvrent pour chanter, les sourcils se fron­ cent dans l'effort de réflexion, les mains expriment l'agitation d'une discussion ou l'intensité du désespoir.

Tous ces gens, enfin, sont des contemporains de Gio tto, vêtus des robes, chapeaux et bonnets qu'on porte au XIV' siècle, ayant les cheveux coupés selon la mode du temps.

Ce sont des pe!sonnages plus réels, en bref, que le Moyen Age n'en a jamais peint jusqu'alors.

Ce réalisme n'est pas tout l'apport de Giotto.

Sous l'influence de la mystique franciscaine , un sentiment nouveau de la nature apparaît dans les peintures.

Dans l'épisode du Miracle de la source, un paysage s'ébauche.

La pente d'une montagne s'abaisse en douces terrasses - Fran çois prie sur l'une d'elles-, une colline plus lointaine, traitée dans une cou leur plus verte, s'es quisse au second plan.

Des arbres scandent l'espace, le feuillage de l'un s'inclinan t mollement comme sous l'effet du vent.

Au pre­ mier plan, un paysan s'allonge pour boire l'eau d'une rivière, d'u ne transparence verte.

Dans l'épisode suivant, qui raconte le Miracle du saint parla111 aux oiseaux , un échange s'établit entre l'homme penché et le groupe des volatiles.

Des oiseaux volent vers les mains tendues, d'autres restent posés sur le sol pour écouter le sermon.

Ce cycle de fresques inaugure, dans l'histoire de la pensée, la naissance d'un sentiment nou­ veau -l'émotion devant la nature -et ouvre la voie, subsidiairement, à ce qui constituera plus tard , dans l'art, le genre du paysage.

Giotto di Bondone Né en 1267 à Colle di Vespignano prè s de Florence, Giotto, fils de Bondone, fait son apprentissage dans l'atelier le plus important et le plus illustre de la Florence d'alors : celui de C imab ue.

Il est l'auteur de très import ant es peintures murales : ce lle s qui illus ­ trent la légende franciscaine dans la ba silique d 'Assise , entre 1297 et 1299 , et la vie de Marie et de Jésus, dans la chapelle de I' Arena ou des Scrovegni (du no m d es commanditaires) à Padoue , vers 1304 -1306.

Il a égale­ ment décoré les chapelles Bardi et Peruzzi , à Santa Croce de Florence , vers 1320-1325.

On lui doit aussi des peintures sur boi s, telle la Vierge en Majest é, aujourd'hui au musée des Offices.

Enfin , il a travaillé comme architecte et chef de chantier , et il fut le res­ ponsable , en particulier , du pro ­ gramme de la façade de la cathé­ drale et du campani le de F lorence, à partir de 1334.

Il meurt en 1337 .

Saint Fran çois donnant son manteau à un pauvre, Giotto (Ass ise, basilique Saint­ François).. »