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La sculpture moderne (Histoire des arts)

Publié le 15/11/2018

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histoire

PEINTRES ET SCULPTEURS

 

Les grands peintres de la modernité ont pratiqué la sculpture; Pablo Picasso ce «touche-à-tout de génie» bien sûr, mais aussi Paul Gauguin (1848-1903), dans sa tentative d’imprégnation de l'art primitif océanien, ou Henri Matisse (18691954) : ce peintre de la couleur imagine des sculptures puissantes et sensuelles qui tournent le dos tant au réalisme qu'au classicisme. Amedeo Modigliani (1884-1920) a même été sculpteur avant d'être peintre; ses caryatides et autres visages féminins expriment le même primitivisme et le même allongement des formes que ses portraits peints.

NOUVELLES FORMES, NOUVELLES VISIONS

 

C'est par révolutions successives que l'art évolue, transformant ses représentations du monde. Toujours plus radicales au xx' siècle, les révolutions artistiques se succèdent dans une course au nouveau. Formes et réalisations sont systématiquement remises en cause au nom d'une modernité dont la mission ressort fondamentalement du processus de création artistique : «rendre visible l'invisible», selon la définition de l'art par le philosophe Platon, il y a plus de vingt-cinq siècles.

DANS L'EFFERVESCENCE

La sculpture moderne n'est pas née de rien. L'effervescence artistique du début du xx' siècle touche tous les arts, et d'abord la peinture : après l'impressionnisme qui a transformé fondamentalement la mission de celle-ci - il s'agit moins de représenter que d'exprimer -, le fauvisme, le cubisme, les nabis bousculent formes et couleurs. Surtout, ils apportent une nouvelle préoccupation chez le créateur comme chez le spectateur : ouvrir des voies novatrices, refuser l'évidence, aller toujours plus loin dans la recherche de nouvelles façons d'exprimer le monde. C'est ce «toujours plus loin» qui caractérise l'histoire de la sculpture moderne depuis Brancusi, une histoire dont les révolutions successives donnent chaque fois l'impression d'être allées au bout, avant d'être détrônées par du plus inattendu, du plus nouveau, du jamais vu.

DES RÉVOLUTIONS

Brancusi, symbole

DE LA MODERNITÉ ABSOLUE

 

Tout créateur doit répondre à cette gageure : représenter sans imiter. Au tournant du xxe siècle, alors que les moyens de reproduction se perfectionnent (moulages mécaniques, photographie...), la création doit emprunter d'autres voies. Constantin Brancusi (18761957), sculpteur d'origine roumaine, s'installe à Paris avec la volonté de représenter l'« idée des formes» : simplification extrême, volonté délibérée de sortir du métier classique (Mlle Pogany I, 1912-1913).

Il affirme : «La simplicité, c'est la complexité résolue. » Ce n'est pourtant pas vers l'abstrait que Brancusi s'oriente : l'œil reconnaît les formes représentées et l'expression qu'en donne l'auteur : énergie, solitude, bonheur ou équilibre.

Le public a déjà été bousculé, lorsque Brancusi se fait connaître. Notamment, Auguste Rodin a remis en cause les canons de la sculpture - au point qu'on le soupçonnait de mouler sur des personnes vivantes, tant l'énergie et le mouvement prenaient vie ! Mais Brancusi s'adapte à la modernité de l'ère industrielle : les formes sont pures et lisses; les volumes, brillants et fuselés; l'exécution ne sent ni l'effort ni la matière; dépouillée, épurée, elle reflète la beauté désincarnée des nouvelles productions. Franc-tireur, Brancusi est toutefois proche des mouvements dada et surréaliste. Il ne veut pourtant pas faire école. S'il change l'œil de son époque, il ne trace pas une voie unique de la modernité dans la sculpture. D'autres bousculent les formes; d’autres encore les déforment avant que l'idée même de forme ne soit contestée.

LES NOUVELLES MATIÈRES

Les matières nobles - le marbre et le bronze, traditionnellement utilisés par les sculpteurs - sont contestées; de nouveaux matériaux, plus rêches, plus bruts tels le bois et la pierre, qui avaient été méprisés depuis la Renaissance, reviennent en force. S'y ajoute le métal, matière et symbole de l'ère industrielle. L'une après l'autre, toute matière va avoir vocation à être composante de sculpture - tant la modernité du xxe siècle entend se démarquer de tout ce qui se rattache à l'héritage académique, lequel lie la qualité de l'œuvre à la noblesse des matériaux.

Un NOUVEL ALAHABET

La modernité du XXe siècle est ouverture à d'autres mondes, à d'autres représentations. La découverte de l'art primitif, d'abord par le biais de l'art nègre, influence profondément les créateurs de l'époque : la compacité de formes monolithiques, l'expression brute, voire déformée, des volumes équilibrés, sans point de vue privilégié. L'art de Brancusi ne s'en inspire pas directement, même si des points communs existent comme la spiritualité des œuvres ou la technique de la taille directe. L'inspiration primitive, c'est comme l'a dit le critique d'art Fernand Perdriel, «un nouveau point de vue pour l'art». Le cubisme, d'abord

histoire

« sculpture fondée sur le jeu des creux et des vides.

• l'Italien Marino Marini (190 1-1980) puise dans la statuaire antique archaïque pour représenter des formes compactes animées d'une tension interne et d'une énergie fondées sur l'étirement et la schématisation.

REMISES EN CAUSE Si surprenantes, si agressives qu'aient pu paraître les sculptures inspirées des leçons du cubisme aux contemporains, elles sont, pour des créateurs affamés d'absolue remise à plat de l'héritage culturel, marquées de la tare du classique.

La sculpture abstraite emprunte alors aux nouvelles formes de l'ère industrielle.

• Antoine Pevsner (1886-1962) et son frère Naum Gabo (1890-1977) utilisent des matériaux modernes, comme le plastique et le fil de Nylon.

Les œuvres qu'ils produisent sont des géométriques inspirées des structures industrielles et des schémas et dessins scientifiques (N.

Gabo, Torso Construction, 1917).

• Le sculpteur David Smith (1906-196 5) écarte toute volonté de représentation du réel par la forme.

Utilisant exclusivement le fer, il en tire des formes géométriques soudées, animées par les contrastes des matières, entre acier poli, métal brut, métal en proie à l'oxydation du temps.

• Jean Arp (1887-1966}, poète, peintre et sculpteur, s'écarte de l'aigu, du dissonant, de l'agressif utilisés par des artistes pour exprimer la dureté de notre civilisation moderne.

Les formes qu'il imagine sont ondulées; elles évoquent une croissance naturelle plutôt végétale, ou bien le passage infini de l'eau polissant les galets.

li parvient ainsi à charger de sensualité des sculptures totalement abstraites.

IIAFRAiCHIR L'ŒIL • Raoul Hausmann (1886-1971) ouvre la voie de l'installation, dans des sculptures faites d'objets collés, appréciés et poussés par le «pape» du surréalisme, André Breton.

Celui-ci décrit les œuvres d'Hausmann d'une manière éclairant singulièrement les voies de la sculpture contemporaine : «Les objets ainsi rassemblés ont ceci de commun qu'ils dérivent et parviennent à différer des objets qui nous entourent par simple mutation de rôle.» • Marcel Duchamp (1887-1968) pousse encore plus loin ce jeu du regard.

C'est d'abord un perturbateur, conscient de la prime donnée en Occident à la nouveauté : surprendre garantit d'être aimé.

Il invente le « ready-made »; des objets de vente courante sont exposés comme œuvres d'art et donc considérés comme tels : un urinoir, un porte-bouteilles.

Au-delà de la provocation, il y a un certain effroi de l'artiste qui découvre que non seulement les codes de l'art ne sont plus pertinents, mais aussi que l'expression de la modernité peut être prise en charge par l'industrie, sans intervention de la main humaine.

NOUVEAUX HORIZONS Les bouleversements du monde au XX' siècle, l'émergence de nouveaux foyers de création, et d'abord dans ce qui devient non seulement super­ puissance mais encore creuset de la civilisation occidentale, les États-Unis, engagent l'art dans une course effrénée au nouveau, à l'inattendu.

Cette course, multipliant les formes de l'art, est due à une alliance inattendue : la spéculation de nouveaux collectionneurs, puissants du monde d'aujourd'hui, voulant faire d'un passé ne leur appartenant pas un bric-à-brac nostalgique et dépassé, et la contestation radicale du modèle occidental par les artistes.

ingénieur américain qui s'installe en Touraine, a été qualifié de voleur de pesanteur.

Avec lui, le volume s'agite : il va, vient et tourne.

Passionné de cirque, de jeu, il crée d'abord des personnages en fil de fer.

Conservant son goût exclusif pour le métal, il évolue d'abord vers des structures en équilibre, donnant à voir en bougeant.

Marcel Duchamp trouve le nom sous lequel ces structures deviendront célèbres : les mobiles.

A partir de 1962, Calder imagine des formes abstraites, massives, qualifiées par Jean Arp de « stabiles ».

Malgré des dimensions monumentales, ces sculptures, qui ont essaimé dans le monde entier, restent fidèles au style ludique et gai de Calder, grâce notamment à la fraîcheur et à la vivacité de leurs couleurs.

Stabiles et mobiles vont être produits par Calder à une grande échelle : leur visibilité, leur adaptation à l'espace moderne, mais aussi leur côté stéréotypé séduisent autant les villes nouvelles que les sièges d'entreprises multinationales.

• César (1921-1998) utilise uniquement le métal de récupération.

A partir de PRÉSENCE DE LA FRANCE La France donne au monde, dans l'après-guerre, des artistes dont la renommée est internationale.

Malgré leurs personnalités affirmées, ils ont compris ce qui crée la célébrité et la reconnaissance.

Il faut être immédiatement reconnaissable, innover au point de contester «l'art d'avant», amuser et déconcerter.

Les deux plus grandes réussites, à ce titre, sont César et Arman.

son œuvre comme une critique radicale de l'art traditionnel.

Il prend comme unique matériau de la toile rayée de transat, imaginant chacune de ses interventions en fonction d'un espace défini.

• Jean-Pierre Raynaud (né en 1939) multiplie formes banales (carrelage blanc, pots de fleurs ...

) en en changeant les échelles : une maison entièrement couverte de carrelage blanc, des pots de fleurs gigantesques f------------_, ou répétés à l'infini changent formes données par les objets récupérés, il crée un bestiaire, des portraits évocateurs.

Mais sa consécration vient plus tard, quand il signe des compressions : ces carcasses d'automobiles compressées en cubes rectangulaires par les carrossiers.

Cette provocation atteint trop bien peut-être son but : la réelle originalité de César sculpteur s'efface, et le sculpteur devient l'inventeur des compressions.

• Arman (né en 1928) se fait connaître en détournant non seulement les objets, mais aussi des œuvres devenues stéréotypes, comme la Vénus de Milo, qu'il reproduit en bronze, découpée.

Il crée également des meubles calcinés, des amas de montres, de valises (pour la gare Saint­ Lazare, à Paris), de voitures coulées dans le béton.

Ce collectionneur d'art primitif fonde sa création sur le « retournement•• d'objet ou d'œuvres tellement vues qu'elles n'existent plus.

Leur donner une autre matière (un violon en bronze), une autre situation (des brocs émaillés dans une caisse en verre), une autre forme (des sculptures en tranches) leur évite l'inexistence.

• Peintre d'abord, Jean Dubuffet (1901-1985) choisit un autre matériau, lui aussi lié à l'âge industriel :le béton.

Il réplique en sculpture son cycle de I'Hourloupe : des formes géométriques et douces, des couleurs franches - rouge, bleu, blanc, cernées de noir.

La Tour aux figures, de la taille d'un immeuble, semble un monstre grotesque en déséquilibre menaçant.

TOUJOURS PLUS LOIN l'art est largement utilisé comme une arme de contestation de l'ordre existant.

• l'Allemand Joseph Beuys (1921-1986) entreprend une critique fon'damentale, politique, de la société occidentale.

Employant des matériaux inattendus, et d'abord du feutre, il produit des œuvres d'où toute esthétique, voire tout sens sont bannis.

• Daniel Buren (né en 1938) imagine effectivement la vision du spectateur.

· Les êtres créés par l'artiste américain George Segal (1924-2000), présentés dans la banalité oppressante de leur quotidien, symbolisent la vacuité d'une société dépassée par la solitude.

• Christo (né en 1935) pose une question fondamentale : y a-t-il encore sculpture quand il s'agit d'une architecture emballée? (Christo au Reichstag, 19 juin 1995.) Y a-t-il œuvre quand l'artiste ne fait qu'ajouter un revêtement éphémère sur un monument existant (le Pont-Neuf, Paris, 1985; le Reichstag, Berlin, 1995)? Ou quand, avec sa femme Jeanne­ Claude, il dresse 7 500 portiques d'acier portant des toiles safran le long de 37 km de sentiers dans Central Park, à New York (2005)? Oui, affirme l'artiste :caché, le monument se donne à voir; disparu, il existe de nouveau; transformé, un site combat l'indifférence d'un regard habitué à ne pas voir l'immanent.

DE NOUVEAUX srtRÉOTYPES? Dans un marché de l'art mondialisé, la course à l'étonnement d'une société à la fois blasée et avide d'inattendu produit des œuvres dans lesquelles l'arbitre suprême qu'est le temps n'a pas encore rendu son verdict.

De multiples visions s'affrontent, non seulement de la représentation elle­ même mais aussi du rôle de la sculpture.

• Doit-elle être austère et esthétique, comme celle d'Anthony Caro (né en 1924), qui réalise ses œuvres à partir de grandes feuilles ou plaques d'acier dont la juxtaposition atteint un équilibre évitant la lourdeur, ou pleine d'humour, comme celle de son élève Barry Ranagan (né en 1941)? Celui-ci prend le parti d'un art ludique, avec comme unique modèle un lièvre rieur et vaguement humain qu'on jurerait échappé d'Al ic e au pays des merveilles.

• De même, Raymond Mason (né en 1922) crée des tableaux colorés très réalistes, voire na'1ls, s'ils n'avaient la puissance de la vie même.

• Le sculpteur, ou plasticien, Jef Koons (né en 1955), actuellement le plus prisé dans les galeries comme dans les salles de ventes, rejette toute idée de goût ou d'harmonie.

Des couleurs bigarrées, des vulgarités assumées l'ont porté au pinacle de la sculpture moderne; le monde qu'il représente est celui d'une société ennuyée -celle de ses clients­ où le jeu et le plaisir règnent en maitre.

LA CONTESTATION DE LA FORME MÉME DE LA SCULPTURE Dès Brancusi, l'idée d'une sculpture canonique, posée sur un socle et offerte à la vue, est contestée.

Il faut intégrer le socle à la sculpture, ou en faire une œuvre en elle-même.

Avec l'art contemporain, c'est l'idée d'espace qui change : quand c'est un monument qui est emballé, un parc qui est investi, comment peut-on conserver des limites à la définition spatiale de la sculpture? • C'est ainsi qu'un Américain, Richard Serra (né en 1939), travaille sur d'immenses plaques d'acier patiné et rouillé posées à même le sol; les courbes de ces plaques évoquent des chemins inconnus et l'idée de l'usure du temps.

• Jean Tinguely (1925-1991) marche sur les brisées des grands sculpteurs de métal -dissonance des formes, impression de bricolage et de récupération -mais franchit des pas décisifs : grâce à des moteurs, la sculpture bouge et résonne; elle est aussi plus complexe, donnant force à un concept qui va faire florès : l'installation.

Il ne s'agit plus d'une œuvre individualisable, mais d'un véritable complexe que l'œil ne peut saisir d'un coup.

Ces installations peuvent faire l'objet d'œuvres collectives : c'est avec celle qui partage sa vie, la plasticienne Niki de Saint Ph alle (1930-2002}, qu'il crée la Fontaine Stravinsky, qui jouxte le centre Georges-Pompidou, à Paris.

Le couple fera appel à d'autres sculpteurs pour créer près de Fontainebleau une maison-sculpture, aux allures humaines, qu'ils baptisent Cyc/op.

Nul ne peut dire aujourd'hui si ce concept d'installation restera partie intégrante de la sculpture, ou deviendra une forme d'art autonome.

En effet, certaines d'entre elles mêlent tridimension et vidéo, comme avec le Coréen Nam June Palk (né en 1932), d'autres, avec le Land Art, investissent l'espace -et que dire de l'architecture, qui crée des formes sculpturales reconnues comme œuvres d'art, à l'instar, à Paris, de l'arche de la Défense ou de l'Institut du monde arabe?. »

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