La Ronde de nuit 1642 Rembrandt van Rijn (1606-1669)

A la charnière

Dans l'oeuvre de Rembrandt comme dans sa vie, 1642 est un tour­nant. Jusqu'alors, cet homme comblé, à qui tout a réussi, le tra­vail et l'amour, a peint dans l'enthousiasme du baroque, prêtant à l'homme, qu'il étudiait surtout dans ses manifestations appa­rentes, des expressions un peu théâtrales. La Ronde de nuit, oeu­vre tumultueuse et asymétrique, où le sujet semble, sous nos yeux, sortir de la toile, est la dernière création de ce Rembrandt expan­sif, extraverti, qui n'a jamais connu le malheur.

Mais, après la mort de son épouse Saskia, dans le courant de cette même année 1642, le peintre, accablé par des difficultés financières croissantes, va peu à peu rentrer en lui-même, et son oeuvre, au lieu d'exprimer la psychologie de ses personnages par le geste et les transformations du visage, comme dans sa célèbre Leçon d'anatomie (1632), ne sera plus action mais suggestion. Une suggestion obtenue avant tout par des effets de lumière.

De lumière et d'ombre

Jusqu'à la fin du XVIe siècle, la lumière n'a été pour les peintres qu'un moyen de rendre les choses visibles ; c'est Caravage qui lui a donné une réalité et même une personnalité propres. A ce jeu du clair-obscur, Rembrandt est vite devenu très fort : dans La Ronde de nuit, la lutte entre les jets de lumière dorée et les mas­ses d'ombre confere à ce qui pourrait n'être qu'un banal portrait de